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  -- Le rire de la terre --
 
 
 
        Sans faire couler de pluie
        -elle laisserait des traces audibles-
        mes pas glissent en pitons animés
        leurs secrets d'épiderme
        ils progressent
        le long de parois d'homme
 
        Je me forme sous leurs poings
        petits sceaux volubiles
        leurs coups aux commissures d'enfant
        
        Roues taillées en mer vive
        miniatures minérales
        ballet sur pointes de fusions sourires
        mes mains en position du lotus mort
        leur sémaphore de scherzo serti
 
        Je compte les flammes encordées nuit à nuit
        crètes à sangles vertigineuses
        elles explorent le fond de la balançoire
        
        Le soleil est un zéro après la virgule  
        dans ces grottes aux larges échancrures 
        je compte les anneaux du ciel
        et sans desserrer les lèvres
        - elles laisseraient des mots à prononcer -
        la terre rit en les écoutant briller
 
                        8-03-2001
        
 
   -- Petites gouttes et grands récipients --
 
 
6. Le jeu des portes
 
 
Avant d'ouvrir les portes
j'aime jouer à deviner
qui est derrière
 
Parfois
je triche en peu
en tirant 
sur le rai de lumière dessous
pour voir qui vient au bout
 
Mais le plus souvent
je me prépare une surprise
même si je me souviens
j'oublie
 
Quand il n'y a personne
je passe mon tour
ou bien je me cache de l'autre côté
 
Sans frapper
je regarde la porte bien droit dans les yeux : 
"rayon sillon de portillon
qu'il y t-il derrière le papillon
une fille ou un garçon ?"
 
Si c'est toi
j'ai gagné 
une nuit d'été
avec des lèvres qui sourient
à monter soi-même
mais il faut s'acheter les piles
 
        8-03-2001
 
    -- Ariki mau -- *
 
 
Lettre au Prince de Mella Shaan, Seigneur de la maison-qui-marche, sis sous l'ombre
du troisième nacrier après les portes de la ville de Najran. Yémen. Troisième coeur
autour du soleil. 
 
                                                                                                                        
                *********
 
Cher Mella Shaan, 
Mes amicaux respects. Vous m'excuserez d'être un peu en poudre, 
mais les tailleurs d'étoiles ont oublié de refermer mon écrin lorsqu'ils se 
sont resolidifiés. 
Je les soupçonne de me laisser sécher exprès, pour que je me détache 
plus facilement de la langue des gargouilles. Ca ne me dérange pas, au contraire, 
ainsi je serai plus mobile pour échapper aux paniers des hommes qui veulent me cueillir, 
puis me recouvrir d'un linge blanc pour qu'on ne me voie plus. 
 
J'ai remarqué dernièrement que lorsque les hommes respirent près de moi, 
mon nom s'efface. Ils aiment se réunir entre eux, le soir, autour de tables en 
écailles de terre et former des mots avec leurs lèvres enflées pour réduire ma taille. 
Ca ne me dérange pas non plus, ça les aide à vivre plus longtemps. 
Je les laisse faire, et même, je pleure un peu dans leurs assiettes, pour les creuser. 
Ainsi, s'il pleut, ils pourront rentrer chez eux dans ces barques de faïence  pendant 
que je les caresserai avec des nappes d'air tiède. J'ai toujours aimé protéger les voyages 
de mes amis. 
 
Récemment, j'en ai moi-même entrepris un fort beau dans une ville 
construite en pierres d'eau, avec une femme magnifique, une gouttière à or liquide, 
mais bien étrange. Imaginez-vous que lorsqu'elle me regardait avec son côté droit, 
j'étais là, mais lorqu'elle me regardait avec son côté gauche, je n'y étais pas, 
et elle donnait au monde de grandes nouvelles de mon absence. 
Un jeune prince au doux visage de soleil rose, aux gestes d'arbre tout récement planté , 
s'est même permis de dire ensuite que nous n'avions pas fait le même voyage, elle et moi. 
Peu importe, vous connaissez comme moi les marées des humains et leur ficelles d'écume 
et j'ai aimé, durant ce périple, être ces canaux de peau, ces courants d'homme au milieu 
de l'eau, marchant d'un seul côté d'elle. 
Vous savez comme la terre tourne, tout comme les yeux autour des visages. 
 
Comme vous le savez, le ciel vit dans un coquillage vide et n'en sort que lorsqu'on
le regarde. Mais savez-vous que j'ai trouvé un nom bien agréable à porter,  au fond
d'une grotte marine, un soir où je suis arrivé sur terre par la toute première vague
du jour ? J'ai un peu joué avec les pierres mouillées, à les recouvrir de... mais je
ne trouve pas le mot d'aujourd'hui, il faudra que je fasse une incursion dans les
villes pour aller en chercher d'autres à apprendre et à dire. Pouvez-vous me
conseillez des mots intéressants à ramener pour mieux me faire comprendre ? 
 
En ce temps-là, j'avais attrapé froid, car j'avais traversé des molécules de temps un
peu trop serrées, et j'avais du mal à déglutir le passé. Alors j'ai trouvé ce nom
écrit sur une étoile de mer. Lampe courageuse, elle naissait en plein air et quatre
de ses cinq
branches étaient déjà allumées.  
 
Cela m'a rappelé e temps où je m'appelais Ariki Mau, je vivais sur Rapa Nui, que les
hommes appellent "l'île de Pâques" où j'étais arrivé sur le Grand Canoé Blanc. Je
l'avais colorié en rouge terre en me mélant à ses cristaux de glace pour lui faire
mettre cap au sud. Sur cette île, je m'étais amusé à dessiner en volume des drôles de
visages, pour les montrer à mes parents quand je serais de retour, ils seraient fiers
de voir comment j'apprends bien à projeter des vies dans l'espace et le temps,  mais
les hommes ont pris ces statues tellement au sérieux que je les leur ai laissées,
pour faire des colloques et des conférences avec mes dessins d'enfant. 
 
Ca se passait il y a très peu de temps, vers la même époque j'avais trouvé le casque
de Cortès roulant sur la plage d'un autre continent. Je me baignais dedans, je me
souviens que son eau pourpre avait le goût d'un rêve de conquète. Savez-vous si les
espagnols ont finalement réussi à s'installer sur cette terre ? 
 
Je n'ai pas encore trouvé le remède à la vie que vous m'avez demandé, pour empêchez
vos murs de se déplacer pendant que vous dormez. Je vous proposerai bien de ne jamais
dormir et de toujours les tenir, les mains bien appuyés dessus, mais je crains que
cette solution contraignante ne vous agrée pas. 
 
Quoi qu'il en soit, mes amitiés à vos portes et fenêtres, ami voyageur, Seigneur
Mella Shaan de-la maison-qui-marche. 
Bien à vous et à vos environs.  
 
                                                                               
*********
 
Ariki Mau, Prince de Méli Acqua, de la Maison des hommes-oiseaux, sis sur la
troisième perle après l'embarcadère de vagues de Port-Géode. Troisième coeur autour
du soleil. 
 
Le 8 mars 2001
 
                 
* polynésien = l'homme-oiseau
 
 
 
Sur un tableau de Jacques Gouvernec, tableau dont je n'ai malheureusement plus
l'adresse. 
Il représente un visage de la couleur du café (tout le tableau est de cette couleur),
à moitié effacé, et entouré de deux étoiles. 
 
                                                *********
 
"embrujo, bajo el sol
cuando llueve y sube el calor
mojando la piel"
-- Bel Canto
 
Et une tasse de sourire à Mireille, qui aime le café.  
 
 
                -- Choses qu'on lit dans le visage du café --
 
Quelques cercles dans le matin noir, anneaux précis comme
des ronds de sorcière dans la tasse.
 
C'est l'heure creuse dans la mouture des hommes. Tranché
dans la mer brune en petites lamelles de langues acides, son
parfum mat me jette à travers les murs, comme un sort, puis
dénude ma chair de ses vitraux.
 
Avant de devenir un temple à choisir les soleils  ce visage
à la couleur du bois battu fut le mien. Maintenant, mes
lèvres sont la tombe des couleurs, mais il y pousse une
certaine espèce de fleurs fracturées. Elles ressemblent à
des petits coffres noirs doués de vie.
 
Chat de charbon, visage de café posé entre deux soleils, je
surveille les vrilles de l'horizon.
 
J'ai l'air heureux, vous ne trouvez pas, au bout de ces
tiges à frisson ? 
Appuyé sur l'accoudoir de la tasse, je vous regarde vivre
dans votre monde clair, j'imite vos mouvements éveillés
avant de replonger dans ma nage de nuit en équilibre. Je fus
oreille chez vous durant cent ans, je volais au
dessus de la tasse et fermais les yeux pour ne pas m'y
refléter, puis je mettais deux paupières dans le cartable
d'ombre que je portais sur mon dos pour vous protéger. 
 
Une tasse posée sur le ventre. Venu de l'intérieur, un
souffle remue l'or noir de votre brûlure intime. Flammes
mélangées de gorges assoifées. Cette encre à boire vient
jouer sur mes joues aux rives calcinées. 
 
Avant de me verser en hauteur de chaque côté de votre
cuiller, j'étais votre premier visage, né de deux nouvelles lunes  frottées l'une
contre l'autre. 
Puis j'ai renversé la tasse qui me contenait sur la nappe
rose dressée tout autour de vos veines.
 
Maintenant, j'appelle les fées du café à dévorer mon visage.
A moitié, seulement, pour que vous puissiez verser encore
quelques nuages de désir dans mon eau chaude.
 
        22-02-2001
 
 
 
Petites gouttes et grands récipients
 
5. Une robe d'algues posée à cîté d'un cintre endormi
 
Mes mots se sont sauvés
dans le dessin sur l'assiette
alors que j'étais en train de grimper
la cote du dessert
 
Descendre de ma chaise
et devoir la pousser jusqu'en haut
sans un mot
je vous jure
ça méritait bien un bain de mer
 
Alors sans réveiller le cintre
j'ai frappé doucement sur le placard
pour prévenir ma robe d'algues
que cette nuit
je suis de tour de sirène
 
Qu'elle vienne vite autour de moi
quand la fenêtre sera haute
un petit saut
et je vais aller chercher des nouveaux mots
je les ai laissés
dans des petites poches cousues sur les vagues
 
        7-03-2001
 
 
 
                -- Cantara --
 
 
A dos de fourmis mortes
et d'étoiles de silice
nous approchions de Cantara
ventre cuit de terre mâchée
sac de scarabées
 
La ville rampait  
poitrine sèche et tremblante
habillée d'un moucharabieh
elle lapidait ses femmes
tranquillement
pour se faire de l'air
 
Il me restait encore une rivière
au creux de ma main
je la gardais pour la nuit
pour empêcher mes lèvres 
de tomber pendant mon sommeil
je voulais dormir sur la grande place
comme un condamné
mes rêves lestés de pierres
 
Le soleil tondait nos yeux par plaques
Cantara brûlait ici sans bruit
depuis toujours
dans sa gorge gonflée de figues
et bien avant qu'on commence à compter le temps
elle était déjà vieille
de sa poudre d'aïeux
 
Des ombres bleues couraient derrière les murs
les rongaient
petites mâchoires de sable des cieux
à la recherche d'une goutte enfermée
dans ces couches de murmures
les coups de pied
les crachats 
le sang sur les draps 
faisaient briller les joyaux 
et virevolter les robes des fêtes
 
Les mères étaient parties
boucles d'encre brisée
calligraphie de cris
leurs pattes repliées dans des outres d'ambre  
elles revenaient la nuit
hanter la ville aux fenêtres fouettées
en vol de soies sauvages
elles caressaient les tombes
et renversaient les hommes assis pour le thé
 
Alors les sages avaient ordonné aux enfants
de contruire des ruines
pour attirer les visteurs
et les vendre au marché
en grandes toiles de peau brûlée
pour en faire des tentes 
translucides comme un cri de luciole
mais personne ne venait
Cantara mentait mal
 
A dos d'ongles sur les rochers
et de lunes au reflet de sabre
nous entrions dans Cantara
 
        7-03-2001
 
 
 
 
 
 
  Vous pouvez lire d'autres haïkus ainsi que les "Moments" de Julette Schweisguth à
cette
        adresse :
 
http://users.skynet.be/amedefond/liette.htm#intro
        
                                                *********
 
                                        -- Traverciel --
 
 
 
        Strophes impaires (à trois vers) : Juliette Schweisguth
        Strophes paires (à deux vers) :           Bibi  
 
                                                                *
 
        des poings de suture
        le sang des mots a un coeur
        comment traverser
 
        feu rouge à l'artère-route
        la plaie met son clignotant
 
        le vert ouvre un phare
        où passent les paragraphes
        brisant le brouillard
 
        l'arbre ralentit au feu
        l'orange croque un soleil
 
        rouge dans la mer
        où naviguent les passants
        pont d'embouteillage
 
        je traverse dans les vagues
        à gué sur l'arche des clous
 
        les pavés du ciel
        dans un bruit de carrefour
        tombent sur tes pieds
        
        mon autobus à naufrage
        plonge à l'arrêt des sirènes
 
        ta lettre d'étoile
        traces de route oubliée
        la mer a câlé
        
        mon cri s'assied sans ceinture
        à la place du vivant
 
        ton ventre brisé
        s'étire dans l'océan
        en un caillou blanc
 
        sous le parking des marelles
        bleuit la porte du ciel
        
        des pommettes rouges
        dessinent dans les nuages
        un soleil tournant
        
        le plein de plancton, je bois
        ma vie freine en bulles d'air
 
        paille du passé
        tu bois l'arc-en-ciel des huiles
        miettes goudronnées
 
        lèvres désincarcérées
        doublent les gestes des vagues
 
        crissement des anges
        dans le plasma des étoiles
        ton corps luisant sait
 
        sur l'aire du courant noir
        j'ai poussé mon premier rire
 
        la terre en sursaut
        grince en chatouillis de vie
        elle crie sa peau
 
        la plante de mes pieds brûle
        climatisée d'étincelles
 
        aile à ton orteil
        le gravier grave le ciel
        sur le pas du jour
 
        le sel démarre mon eau
        corps carossé d'océan
 
        le point d'un reflet
        grandit dans l'eau de manège
        et pèse les formes
 
        mon coffre enflé de facettes
        éteint l'écaille à mourir
 
        ta queue de sirène
        abandonnée dans le port
        lourde ombre d'espoir
 
        sur le quai bleu des ancètres
        mon enfance en cale de sang
 
        un éclat de plume
        sculpte la racine errante
        ta couleur est née
 
        bateau pêcheur d'avenir
        flacon débouché des phares
 
        filets de visages
        les cartes d'identité
        sont emprisonnées
 
        clignotant sur l'île d'encre
        je bois l'ombre en négatif
 
        voleurs de lumière
        le cil palpite aux carreaux
        tes lèvres sont blanches
 
        le volant tourne plus haut
        pour réveiller les bateaux
 
        en cristaux de sève
        Dieu dans le rétroviseur
        germe dans ta langue
 
        la constellation du poivre
        à travers la vitre ouverte
 
        copier sur le sel
        fait désordre dans les astres
        buvons leurs épices
 
        île sur le siège arrière
        elle navigue à l'envers
 
        une plage glisse
        dans sa gorge en sable rose
        dépassant l'aurore
 
        le ciel est passé au vert
        tu peux traverser la mer
 
        souffle en bandoulière
        le tic-tac du crocodile
        klaxonne en riant
 
                        Octobre 2000-mars 2001
 
 
   "je retrouverai quiconque s'est déplacé et est parti" 
(Juliette Schweisguth, extrait de rêve)
 
Petites gouttes et grands récipients
 
4. Suite bergamasque pour une lampe-tempête et ses rayons d'eau
 
Je sortais sur le porche
la lampe-tempête sous mon aisselle
la lune tremblait dans le ciel
appelée par la mer
ce n'étaient ni la terrasse 
ni l'eau noire en bas
qui avaient besoin d'être éclairées
mais moi
 
Je posais mon oreille sur le vent : 
 
"Franchement la vie
je ne dis pas qu'elle n'est pas bien dessinée
non
mais je n'aurais pas déposé toutes les couleurs
au même endroit
j'aurais laissé en l'homme
une envie de courir
pour retrouver celles qui manquent
c'est pourquoi je souffle ce soir
pour les éparpiller dans la mer"
 
Les rosiers tenaient bon
en arceau autour de mon corps 
je buvais dans des paumes pleines de pluie
sous les poings du vent
protégée par la lampe 
ma peau craquait 
comme un très jeune bateau
qui commence à marcher
 
J'écoutais encore le coquillage d'ouragan
 
"Je ne dis pas 
que le visage de la terre 
est raté
non
je lui aurais juste un peu plus écarquillé les yeux
et le trait est un peu trop épais
c'est pour ça que le jour ne se lève
qu'un peu à la fois toutes les vingt-quatre heures
mais peut-être s'il était plus fin
y aurait t-il trop d'amour d'un coup"
 
Puis je rentrais
avec ma lampe de lumière tiède
je soufflais doucement sur ses rayons d'eau
et contemplais ma maison dans le noir
elle fermait ses porches de paupières
en s'apprétait à se poser 
sur terre
pour dormir
 
        6-03-2001
 
 
 
 
 
 
Petites gouttes et grands récipients
 
 
3. Dans le courant des ballons d'avant
 
 
Je remonte la rivière
elle portait des ballons vers la mer
l'enfant les avait lancés trop loin
un peu plus loin chaque jour
puis il avait oublié
ce n'est pas si important
des ballons on en trouve partout
ils roulent tout seuls vers moi
quand je les appelle
je le retrouverai demain
en équilibre sur la même goutte
comme moi
tu paries ? 
 
Un jour l'enfant revient
les enfants reviennent toujours
au bord des rivières
mais le ballon est parti
l'enfant est déçu
je suis lui il fut moi
quelques pas nous séparent  
pas plus
fine langue de larmes
où es-tu ? 
 
Il ne me reste qu'à grandir encore un peu
et quand la rivière s'arrêtera
je marcherai jusqu'à la mer
mes ballons y sont tous
j'ai peint un sourire dessus
pour les retrouver facilement
mes ballons d'eau
vous ne m'en voulez pas trop ? 
 
J'espère les retrouver
bien ronds et bien gonflés
tu crois que la mer les a gardés ? 
 
        5-03-2001 
 
 

 
 Petites gouttes et grands récipients
 
2. Un grain d'acajou sur un bec d'oiseau roux tigré
 
 
L'oiseau roux tigré
découpait des grains dans le ciel
mais pas pour les manger
il voulait se fabriquer
un grain de beauté
il le voulait couleur acajou
parce qu'il croyait doux comme plume
que l'acajou
était la couleur des oiseaux de bon goût
et que son grain de beauté l'allongerait
lui donnerait un bel air nocturne
pour être le roi du bec à bec
 
L'oiseau roux tigré
portait cette couleur
en hommage à un chat végétarien
qui lui avait appris à attraper les salades
quand elles viennent boire le soir
dans l'arrosoir
 
La forêt regardait ses efforts
avec bienveillance
mais elle était sceptique  
comment faire du bec à bec
avec cet oiseau pas comme les autres ? 
un seul baiser
et il se met à rouler
jusqu'en bas de l'arbre
parfois même
la terre ne suffit pas à l'arrêter
 
Mais le ciel le laissait picorer
il se disait on ne sait jamais
peut-être que Dieu parlera moins bas
si on le pique un peu 
sur le fond du bleu
 
        5-03-2001
 
Poème sur un tableau de Florence Dervily, jeune peintre française,  tableau visible à
cette adresse : 
 
http://cheznico.free.fr/peintres/flo7.htm
 
                                                                               
 *********
 
 
à M. 
 
   - Quelques nuits-lumière des deux côtés du papier -
 
 
Elle m'a donné rendez-vous de l'autre côté du papier, à l'exacte conjonction des
lignes de peau qui mènent au centre du ciel. 
 
Parfois je crois marcher mais ce sont que des bouts de mon corps qui se séparent les
uns des autres. 
Je suis en avance sur mon temps alors j'ai besoin de me donner l'illusion du
mouvement. 
Regardez moi, couché sur la feuille, j'arque mon bassin, comme une coupe à l'envers
pour recevoir l'eau montée du sol.  
Elle a laissé traîner des petites traces rose chair, fines particules de l'immense, à
peine perceptibles,  tenues à bout de trame par le peuple des fibres, cette
cohorte invisible qui meurt debout sans cesse, puis se renouvelle dans ma trame. 
 
Elle m'a donné rendez-vous à l'heure de pointe du désert, au lieu exact où les grains
frottés les uns contre les autres créent des étincelles d'eau. 
Vous savez, quand j'étais enfant, je savais en faire moi-même, rien qu'avec le
déplacement de mon corps sur les nuages. Les hommes appeliaient cela la pluie, mais
les fleurs la désignaient d'un autre nom. 
Depuis les avalanches de couvercles à corner les couleurs et de bouchons à obstruer
les atomes, il ne me reste plus que ma silhouette, et encore, elle a tendance à
s'éparpiller, à s'agréger au sable, en conglomérats d'éclats. 
Mais j'aime assez l'idée que, bien plus tard, on fera de mes grains des verres à voir
tout ce qui dans le monde ne porte pas de nom. 
 
Elle m'a donné rendez-vous chez nous, c'est à dire partout à la fois, en tout cas, à
tous les endroits d'où il est impossible d'apercevoir les murs du monde. 
 
Les gens prétendent que, dans nos conversations elle veut toujours avoir la dernière
mort et qu'elle transforme les gens en croche-pieds caressés. Ce n'est pas vrai, ils
ne connaissent pas ses barques de joie, ses lèvres à montées d'amour. Elle est très
douce quand on ne la regarde pas dans le sens du profil.
C'est elle qui a posé ce fond de citron doux sur la feuille, pour me faire un lit en
pulpe de soleil. Elle qui a croisé ces draps de lumière sur moi. 
 
Allongé sur le feu froid des grains, je suis le fond du ciel et je râcle le sol.
J'aime quand mon corps se transforme en pelle noire. 
Il ramène lentement autour de lui le premier anneau nuptial, enfoui par les premiers
habitants du centre de la terre, au temps où son noyau servait de ciel autour des
hommes. 
 
J'aime fouir cette ombre jaune et laisser mon sexe passer à travers le papier. 
Les habitants de l'autre côté de la feuille le prennent pour un petit animal mort.
Pour ne pas les décevoir, je lui donne la forme d'une lente procession gonflée de
pleurs. Mais en fait, là, au bout de moi, je suis un arrosoir sans bout de quai, une
eau lumineuse, bouche à bouche avec la pluie d'en-bas.  J'abreuve les hélices que je
regarde lentement
monter depuis le centre de la terre.  
 
Au sommet de l'une d'entre elles, je la vois, elle n'est plus qu'à quelques
nuits-lumière de moi. Sa peau rosit peu à peu, quitte sa dépouille de rocher pilé.
Elle m'adresse un souffle en avant-garde.  
Pour émerger sur la page, elle a choisi le moment où vous me tissiez déjà un rideau à
paupières closes, dans une toile en haussements d'épaules. 
Le temps de vérifier si c'est bien moi qui suis là, à l'attendre, le long de ces
dunes de ciel, et je pourrai lui ouvrir les bras.
 
Elle m'a donné rendez-vous dans sa face interne, à l'exacte conjonction de tous les
affluents des soleils souterrains.
 
        3-03-2001
 
 
   Petites gouttes et grands récipients
        
        1. Concerto pour gouttes de pluie et petites souris vues par une fleur
 
 
Cette fleur accoudée à un piano
est jolie car elle est heureuse
elle n'a pas d'oreilles
pour entendre les notes
 
Regarder le pianiste jouer
ça lui suffit
 
Elle aime contempler ses mains
et surtout ne veut pas savoir si ce sont elles
ou bien les touches
qui font la musique
nous ne pouvons pas comprendre
nous ne sommes pas des fleurs
 
Il l'aime
parce qu'elle ne connaît pas la musique
elle vient pour autre chose
de plus chantant encore
il ne sait pas trop pourquoi
elle non plus
ou trop bien c'est pareil
 
Il pose tous les jours sur le bord du piano
quelques gouttes de pluie pour elle
elle n'y a pas encore touché
mais elle aime les savoir là
à portée de pétales
 
La nuit dernière
il a composé une sonate 
mais en remplaçant les notes par des petites souris
pour qu'elles courent dans tous les sens
il avait envie de la faire rire
c'est réussi
la fleur reviendra demain
mais de l'autre côté du piano
pour regarder son vol de mains préféré
comme si c'était la première fois qu'elle le voyait
 
        5-03-2001
 
 
 
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