Poèmes pour voler debout

   site 
 
(un peu)  
    noir lumineux

 Edition de Mars 2001 

 

 "un relevé d'oiseau 

est un acte impossible.

Imaginez

la profondeur des pages

et l'alchimie des crayons"

 

Extrait de mon coup de source : Feuilles et plumes

Histoires d'arbres et d'oiseaux, et peut-être histoires nôtres aussi, ce très beau recueil en ligne de Jean-Pierre Gandeboeuf associe en 12 tableaux, textes courts et images.

Appréciations ? Suggestions ? Améliorations ? Collaborations ?

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Dreambook

 

 

 

 

Brindilles choisies du nid :

 

Les poèmes sont des corps physiques :

une interview poèmique réalisée par Juliette Schweisguth

 

Points d'interrogation, d'exclamation et de respiration :

une interview mots-licieuse réalisée par Marie Mélisou

 

Petites gouttes et grands récipients

neuf poèmes plus une souricette

Polyphonies de plumes  :
 
Traverciel, :
un renku écrit avec Juliette Schweisguth
 
Levers d'encre :  
poèmes écrits avec Florence Noël
 
"Il est temps de prendre un autre thé, Alice" : 
4 auteurs autour du même thé aux étoiles
 
Echos-graphies :  
6 auteurs se réunissent pour écrire autour 
des peintures de Florence Dervily
 
Passeurs de lumière : 
"Vitres magiques, vitres de paradis" (Baudelaire)
4 auteurs  posent ensemble des vitraux de mots.
 
 

**Ici Stéphane Méliade. Bonjour !**

Souterraine ou céleste, la poésie est loin d'être "gentille". Sortons nous de la tête tout de suite l'imagerie du poète fragile et précieux qui écoute pousser ses cheveux en tremblotant. La poésie est terrible, belle et révélatrice. Dans tous les régimes totalitaires, les poètes sont en haut de la liste noire.La poésie relève de l'intime et de l'infini. Elle se joue de l'espace et du temps et lie les pointillés des trames. Le poète est un aventurier de l'esprit, un flingueur d'oubli, un jongleur de vie, un pousseur de premier cri.

Ce qui passe à travers nous dans ces moments là casse l'oeuf du silence. Ce qui nait alors nous puise et nous épuise, nous change à jamais et nous rend à nous mêmes.

Moi, je ne suis pas poète. Je suis juste un être vivant qui écrit.

Écrits dans le ciel, ces quelques textes pour voler debout et traverser toutes les saisons....

Dites moi tout , cliquez sur la marelle pour m'envoyer un message

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Cette page est la page courante, donc seul le lien vers le passé est pérsent ;-) Sourire en avenir du souvenir ;-)


Planètes proches et pistes d'amourissage :

 

Les carillons d'âme de Juliette Schweisguth. Venez passer des moments avec elle, ou allez faire un tour dans son jardin aux haïkus sans coquille. A moins que vous ne préfériez effleurer ses harpes de mots sur le site du Club des poètes.

 

Sur le navire de Florence Noël, ne nagez pas en rond, mais souquez ferme vers l'âme de fond, à bord de la barque d'Isis. Si vous savez regarder de tous vos yeux, vous aurez le Don de simple vue et si en plus vous savez nager à corps et à cri, vous serez bien reçus dans sa maison sous la mer.

 

On les sent respirer, les mots de Marie Mélisou, venez toucher ses tissus de souffle et ses pierres de sève ciselée comme des joyaux de jardin. Vous pouvez aussi écouter ses battements d'encre en posant votre oreille tout contre son éditorial sur le site d'Ecrits....Vains. Enfin, venez vous asseoir avec ces étudiantes américaines qui l'interviewent lors d'un entretien d'une qualité et d'une densité rares.

 

Dans les textes de Mireille Disdero-Seassau, le temps est un peu sorcier. le futur tient des conférences d'orages et le passé est voyageur . Mais son cahier reste accroché aux branches, même quand le vent se lève. Et jusque sous le masque de la nuit, l'oeil du soleil est ouvert.

 

Les bulles de champagne du petit poisson au crayon d'or , Audrey de Sainte Maréville. Venez contempler votre reflet dans ses mots résonnants comme du bronze. Ensuite, vous pouvez aborder les îles claires et les cailloux foncés de sa mère, Laurence de Sainte Maréville, palettes doucement posées à même le grand large.

 
  • A la fois accueillante et exigeante, la liste du carnet interdit (pour s'inscrire, infos sur le site)
  •  
  • Un grand verre de cinémots au bar d'Ecrits-Vains
     
      Textes
     
    
     
     
     
        -- Madame, ce soir,  par dessus mon épaule... --
     
    (Sur une chanson du film"In the mood for love")
     
     
     
    Je vous devine
    madame
    au bout de l'aiguille du gramophone
    dans le sépia du sillon
    vous entrez
    le rideau de perles reste silencieux
    vous tournez sur vous-même
    scherzo des ronds de cire
    ceux de vos yeux en amande
    étonnés d'avoir survécu
    quartet de craquements du corps
    pour quelques piastres
    vous venez toujours
    quand je me sens seul le soir
    mon coeur face au mur
     
    Venez
    j'ai corné mon visage
    pour que vous retrouviez la page
    de mon année
    vous traversez mon fauteuil
    et remontez jusqu'au ventilateur
    vous montez sur les pales
    et m'entourez de vos mumures
    cela vous rappelle le temps 
    madame
    ou votre père 
    vous faisait faire l'avion dans ses bras
    dans un prochain passé
     
    Vous êtes sortie de l'affiche
    au beau milieu 
    de votre concert d'avant-guerre
    Rue des Voiles à Hanoï
    votre robe a glissé jusqu'à terre
    vous seule êtes venue me rejoindre
    imprudente
    vous avez ramené un gecko
    dans vos mains
    vos yeux m'inondent
    et vos lèvres sont des piments rouges
    entrouvertes sur un lit de mirages
    madame
    vous pouvez vous étendre
    je vais vous déshabiller de soif
     
    Madame
    tout tourne
    les pousses de bambous
    vos pupilles sur le gramophone
    nos langues
    votre corps soulevé d'applaudissements
    votre rivière d'orage
    ma lente agonie de mousson
    puis les pales s'endorment
    vaincues de nage
    elles brassent de l'eau dans l'air
     
    Il est l'heure
    madame
    de retourner à votre public
    qui retient son souffle
    au coin de votre bouche
    leurs mains fument
    d'avoir couché les servantes
    toute la journée
    sur la terre battue
    bientôt tous ces gens seront morts
    sans vous avoir entendue chanter
     
    Je soulève l'aiguille sur le gramophone
    mon coeur se serre
    de vous entendre pâlir
    l'affiche tremble un peu
    le ventilateur pleure
    vous traversez le temps
    comme une rizière de visages
    puis le silence nous unit
    toute la nuit
     
    Un prochain soir de concert
    d'avant-guerre
    vous élargirez vos pupilles fendues
    ferez glisser votre robe
    tout le long de l'affiche
    et reviendrez vivre par dessus mon épaule
     
            23-03-2001
    
     
     
     -- Les grands atomes du petit ciel --
            
            
            La ville s'épuise
            grince sur ses prothèses
            des milliers d'hommes sont passés
            sur cette grille
            le trottoir vibre sous mes pas
            c'est le métro
            où toi qui pense à moi
            mes épaules roulent
            dans cette compression d'hommes
            je te cherche
            dans ce grondement sans terre
            
            
            Cette fois
            sur la grille d'air chaud
            un souffle de trop a emporté
            la peau de Marylin
            en plus de sa robe blanche
            qui recouvre les yeux des hommes
            tous les hommes
            qui passent
     
            Elle se tient debout
            sans robe
            sans peau
            sans rôle
            comme un écorché d'orchidée
            habillée des briques et des sacs
            qui se referment
            clac
            ce bruit l'empêche de dormir
     
            Aujourd'hui
            tu as fait une scéance de dédicaces
            tu signais ton ombre sur ton bras
            j'ai vu les affiches
            les gens t'emportaient par morceaux
            je me suis mis à marcher plus lentement
            pour te comprendre
            et ouvrir mes poings
            très doucement
            pour aérer ton coeur
            
            La ville transpire de froid
            les gens passent
            patrouille glacée
            la quadrillent
            se surveillent sans se voir
            les magasins fond des soldes
            sur les draps moites
            mais ma main s'éclaircit
            ma main serrée sur le vent doux
            je te cherche
            dans ce train sans voyage
     
            Autour de Marylin
            on a dressé des écrans funéraires
            corps perlés à poignées
            les fauteuils 
            et les papiers des chewing-gums
            s'ouvrent
            la salle est pleine
            toute la ville pousse la porte 
            les chiens se referment sur mon rire
            mais pas sur moi
            clac
            la vie me va si bien
            
            La ville rentre chez moi
            j'ai acheté un peu de soleil
            chez le marchand
            la maison est calme
            parcourue de couleurs douces
            et de lianes aux boucles d'air
            je te cherche
            dans l'odeur du papier du livre
            autour de ton bras
            je réapprends à te lire
            peu à peu
            je te prononce à voix basse
            et tes épines tombent 
            une à une
            
            Je renverse la tête
            en arrière
            et derrière mes paupières
            je laisse danser
            les grands atomes du petit ciel
     
                    20-03-2001
 
 
  •  
À Kishpû.                       
 
                        --- Les neuf vies du chat Beauty -- 
 
1ere vie : Lama Gyurme 
 
Pour apprendre à aimer
Beauty s'est d'abord appelée
Lama Gyurme
pourléchée de sagesse
elle laissait le vent
emporter sa robe safran
jusqu'en bas des pentes
du grand être vivant
 
Quelques maigres rochers blancs
et quelques ermites volants
au centre exact de leur cellule
l'accompagnaient dans ses prières
 
Chaque matin
il fallait polir la montagne
pour que les grimpeurs
y voient se refléter leur vrai visage
et certains jours
ne pas avoir peur 
de se brûler les yeux 
sur le fond du ciel
 
Lama Gyurme 
recevait parfois des voyageurs
qui lui enseignaient
qu'une brindille est aussi grande qu'un océan
elle savait déjà ce genre de choses  
mais ça leur faisait du bien
de le lui expliquer
 
Elle vécut ainsi quelques premières vies
dans les plis du sage au sourire d'enfant
 
Le seul mystère demeurait les femmes
elles avaient tous les pouvoirs des mondes
et aussi quelque chose en commun
avec les lamas et avec les chats
mais quoi ? 
 
Il y en avait une surtout
parfois ses contours se dessinaient
une fleur d'ombre sur le mur
le soir
juste avant le sommeil
quand la lueur des lampes à beurre
vacille
 
Lama Gyurme lui disait "reste"
et son ombre étendait les bras
il devinait qu'elle serait là
à chacune de ses vies
et qu'un jour il saurait
déchiffrer sa douceur
il aimait si mal
il était là pour apprendre
quelque soit le nombre de ses pattes
 
En attendant
personne ne se rendait compte
que Lama Beauty avait tendance
à se réincarner en pleine conversation
 
Dans ces moments-là
entre chaque contraction
du trapèze à méditation
elle prétextait
une très forte envie de prier
et allait s'isoler
pour se gratter derrière l'oreille
elle savait
que ce simple geste
ferait pleuvoir
un certain jour d'un futur très lointain. 
 
Lama Gyurme
s'est éteint
en temps et en heure
juste avant la lampe à beurre
cette nuit là
sur le mur
il y avait deux fleurs d'ombre 
et dans le ciel
juste devant la lune
une robe safran a volé très longtemps
 
        19-03-2001

 
"Dans le noir, toutes les couleurs s'accordent.
- Francis Bacon  
 
		-- Les huit couleurs de l'arc-en-sel -- 
 
 
1. Les clepsydres ont le sang indigo. 
 
 
Elles sont disposées
le long du port
pour lancer des reflets cyan
sur ceux qui dépassent
la limitation d'amour
 
Il faut alors
rester le temps d'une vie sur la plage
son coeur bourré de paille outremer
danse d'épouvantail  
pour effrayer les bateaux
qui coulent de bas en haut
 
		*
 
2 . La couleur turquoise s'est mise en grève de la faim. 
 
Je tenais mon stylo
entre deux pages d'infinie douceur
pour écrire sur mon corps
le rire ondulé des cales
autour des canots clandestins
 
Mais la couleur s'est mise en grève
jusqu'à la quille du stylo
pour protester
contre la profondeur de tes yeux
 
 
		*
 
3. Haut comme trois pommes au sommet d'un grand-mât. 
 
J'ai posé trois pommes
l'une sur l'autre
et je suis né sous le vent
comme tous les matins
dans ce jus d'escalier vert
 
Elles sont si hautes
qu'il faut souffler  
pour évaporer la neige  
elle s'accumule en mouettes véronèse
sur la pomme du dessus
quand elle rêve
que les fruits ont le droit de se pencher
pour toucher les vagues
 
		*
 
4.  Le jus de citron fait les yeux diapason. 
 
Quand je vois les enfants
courir autour des citronniers
je me dis que la mer a bien raison
d'être restée ici
depuis plusieurs ères géologiques
pour les border la nuit
 
La règle du jeu est simple
tomber pique les yeux
rester accroché à l'arbre
avance d'une heure la prochaine marée
et si on retire un peu d'écorce
la mer nous rendra un noyé
 
  	                  *
 
5 . Sur le perchoir des goélands safran. 
 
Détachées des falaises
les pierres les plus rapides
prennent leur envol
sans effriter les mains du sol
 
Petits cris en bouts d'ailes
ils ne s'approchent pas des maisons
personne n'a encore pu les attraper
mais leur couleur rivière d'or
est très recherchée
pour sa saveur raffinée
de chair de soleil
 
		*
 
6 . Vos oranges de cheminée sont avancées. 
 
Elles poussent dans les flammes
qu'on verse pendant les nuits d'été
dans l'air en colier doux
à l'heure où la mer rend fou
 
Les ancres des filets d'hommes
y puisent leur route d'étoile
dans un ciel sans arêtes
la vie veille
la terre peut venir se baigner
jusqu'à demain
 
		*
 
7. Comment se repérer au milieu de tous ces bords ? 
 
Si nous peignons nos rêves en rouge
c'est parce que nos côtes
sont trop découpées
il faut allonger la durée de sa vie
pour recouvrir toute leur étendue
 
Mais cette robe sanguine
au bord des lèvres de notre pays
décourage d'éclats pourpres
les amoureux d'eau douce
 
		*
 
8 . Les ombres des voiles se réunissent en famille. 
 
Les jours de corps noir
les maisons du port
organisent des régates d'étincelles
elles s'alignent en rangs d'écume
la lumière caresse les persiennes
 
Dos aux vagues
il fait bon
nager dans le patio de ma maison
quand elle rebondit sur sa peau
 
 
		18-03-2001
 
 
 
 
		
 
 
 
 "La vérité scientifique sera toujours plus belle que les
créations de notre imagination et que les illusions de
notre ignorance."
-- Claude Bernard               
 
 
                        -- Vajra * -
 
 
        C'est l'heure douce
        où les cous incinés des embarcadères
        moussent 
        à même les monstres de sable vif
        
        À travers l'intérieur des terres
        la lumière dansante
        saigne de bonheur
         
        Savamment disposés en rosaces
        quitte à ne pas rester entiers
        pour réussir la figure
        les enfants posent 
        des morceaux de sucre
        au sommet de leurs châteaux d'hommes
 
        il n'y a pas de château comestible
        le sucre d'enfant fond comme un diamant
        illusion tout est illusion
        pourtant l'air est plus rond depuis ce soir 
        
        Sur la plage
        des corps se lèvent d'eux mêmes
        ils pensent 
        à la profondeur des baignoires
        et à boire leur vie d'un trait
        dans un verre
        posé en équilibre
        sur l'épaule d'une femme
        qui saute du grand plongeoir
 
        Il n'y a pas de planche à rouler jusqu'au ciel
        cette femme saute du niveau du sol
        illusiion tout est illlusion
        pourtant ce verre est bu
         
        Tendrement 
        le vent 
        lime les cornes du soleil sous l'eau
        c'est une idée des enfants
        qui veulent lui offrir un chapeau
        pour son trois milliardième anniversaire
 
        il n'y a pas de chapeau assez grand
        le ciel ne prend pas froid par la tête
        illusion tout est illlusion
        pourtant le soleil vous salue bien
 
        Quelques hommes
        privés d'altitude
        prennent des notes à même les vagues
        pour annoncer d'avance
        l'heure des prochains clapotis du monde
        
        Pour la calculer
        ils se guident sur les nappes de chaleur
        la résonance des grains d'olisbos
        dans le sexe des violons
        qui rêvent en bancs de cordes sur la mer
 
        Il n'y a pas de note plus haute que l'autre
        et les violons sont remplis d'eau
        illusion tout est illusion
        pourtant cette corde a crié
        
         
                18-03-2001
 
* "Vajra". Sanscrit pour "diamant"
  
      
À Liette,  ma fée Clochette, pour son voyage au septième étage.
 
"L'être humain étant fondamentalement un gâteau à
plusieurs étages, on peut très bien être triste et gai
dans la même cuillerée."
- José Fréchette 
 
 
                 --  Sept étages sur l'horizon du quai  --
 
 
1. Les mouchoirs à l'envers.
 
Agités de bas en haut
aux antipodes de l'adieu
Ils adoucissent l'arrêt des trains
dans le butoir des bras
 
Ils volent
voiles à courir 
sur les essieux des mains
 
 
                        *
 
 
2. L'amour s'est encove sauvé de son flacon. 
 
On a remarqué 
de curieuses coutumes
chez les écharpes en exil
une sorte d'humour de placard
 
C'est pourquoi
tes bagages se mettent à trotter tout seuls
c'est plus fort que moi
 
 
                         *
 
 
3 . Vous decendez à quel coeur ?
 
 
Dans l'ascenseur
n'oublie pas de préciser 
dans quel sens tu veux voyager
 
Il est capable d'aller
dans des directions surprenantes
y compris vers les terrasses  
lovées entre les étages
et les lunes décoiffées
 
 
                    *
 
 
4 . Elle est encore plus belle tout en haut.   
 
 
Vigie de visage
au petit matin
elle regarde les toits
s'allumer un à un
 
Elle ne sait pas 
tant elle est vaste
que c'est elle
plus encore que le soleil
qui les fait briller
 
 
                  *
 
 
5. Toi et ton filament du dedans !
 
 
Je te connais
tu as tellement d'amour
que tu sais changer
le sens de la grimpette des atomes
 
Alors la nuit
quand tu seras là-haut
n'oublie pas de t'éteindre juste cinq minutes
pour les volets
sinon ils voudront rester ouverts
 
                        *
 
 
6. Ces deux chatons font des trous dans les prisons.
 
 
Quand tu leur donneras
un bol de clin d'yeux
à tous les deux
ils te le rendront
encore plus plein
 
Ce n'est pas qu'ils n'aient pas faim
non
c'est qu'ils font de la musique
avec leurs visages
et leurs mots dans les tiens
 
                *
 
7. Iris et pupilles d'un carnet de voyage. 
 
 
Surtout 
ne me raconte rien
je lirai tout dans tes yeux
quand les miens renaîtront
 
Au septième arrêt
de l'horizon du quai
arrivée prévue
dans le courant de la nuit
de demain à aujourd'hui
 
 
            15-03-2001
 
 
         
 
"Il existe une télévision pour passer le temps et une
autre pour comprendre le temps"
-- André Malraux
 
 
 -- Six programmes au choix sur nos chaînes --
 
 
 
1. Pas moyen d'inviter des amis.
 
 
Ma télé
souffre de graves troubles de la vie
elle s'est enfermée entre quatre murs blancs
et refuse de recevoir de la visite
 
J'essaie de la soigner
en la regardant avec beaucoup d'attention
mais tout seul
je n'arrive pas à entourer
tous ses côtés
 
 
 
2. Les bouddhistes rient beaucoup.
 
 
A cette altitude
on ne sait plus respirer  
sans bouteilles de ciel
 
Pourtant
l'enfant s'est assis sur le livre de prières
et glisse en riant sur la neige
vers la lamasserie
 
 
 
3. Je ne sêche pas n'importe comment.
 
 
Vous m'apercevez de loin
étendu sur la corde à linge
j'aime me faire le plus large possible
mais si vous me voyez
c'est que vous avez beaucoup marché
en portant trop de maisons sur votre dos
 
il est temps de vous étendre un peu
à côté de moi
 
 
4. Il n'y a pas de problêmes, mais que des solutions.
 
 
Dans ces bûchers
on a séparé les filles et les garçons
le bourreau 
ne voulait plus voir
leurs cendres mélangées
 
On songe même
à faire brûler en permanence
des brasiers de couleurs différentes
pour que chacun et chacune sache à l'avance
dans lequel se jeter
 
 
5. C'est à ton âge que tu apprends à compter ? 
 
 
Quand j'étais plus grand
il y avait trop de gens à la fois
sur la terre
 
Maintenant
qu'il y a eu le grand tremblement de lumière
je m'y retrouve mieux
bien que j'ai encore du mal 
à savoir combien tu es
au chiffre près
 
 
 
6 . Mon sourire a encore grandi de cinq centimètres.
 
 
Quelques saisons passées à pleurer
et voilà qu'il dépasse de mon visage
et me raconte 
des histoires de couloirs bleus
et de ponts froids sur des rivières chaudes
 
Mais tout de même 
grandir comme ça il exagère
je ne peux pas me payer
un nouveau toit tous les ans
 
                14-03-2001
 
 
 
 
 
 
Petites gouttes et grands récipients
 
 
8 - Mon livre me joue des tours
 
 
J'ai entendu murmurer
les pages de mon livre préféré
qu'elles apprennent
à se tourner toutes seules
 
Elles aiment se mélanger
la princesse tue l'assassin
en dansant sur les mains
 
Quand j'ouvre mon livre
il fait ce qu'il veut
il se met à courir à haute voix
et l'histoire saute par dessus la couverture
 
Au creux des majuscules
l'encre couve des espaces blancs
bien trop grands 
 
Mon livre devient très intelligent 
plus moyen de le poser
tranquillement entre mes mains
il devine vite
mon début mon milieu et ma suite
 
Je sais que je finis bien
mais j'aime bien me surprendre
et me poser des questions à cinq doigts 
 
Il l'aura voulu
je vais le laisser grand ouvert
et emporter la clé du mystère
pour en écrire un moi-même
 
        14-03-2001
 
 
 
 
 
 
 
"Celui qui chante va de la joie à la mélodie, celui qui
entend va de la mélodie à la joie."
-Rabindranath Tagore
 
                                        -- Turangalila * --
                        (aube en trois mouvements)
 
 
1. La terre qui s'ouvre
 
 
La nuit est tombée
et quelque chose s'obstine à briller
dans la pierre la plus noire
dans la foudre compacte 
qui lave le visage
et la terre 
cette enfance éblouie
qui vole sous les yeux
 
Je ne sais pas 
je sais si peu
l'ordre premler des mots
ni les derniers étages de ton coeur
dessiné dans le mien
le nombre de centimètres cubes
pour atteindre le toit du monde
je sais juste le poids des couleurs
qui soutiennent 
la courbe de ces feuilles
qui traversent l'hiver
dans nos paumes esquifs
 
Je voudrais te parler
de la roue et du moyeu
dessiner le mouvement
la folie électrons
éclairs de pas à pas
ce noyau floraison
qui te rend si belle
cette valse 
qui t'allume
jusque dans les pièces noires de la maison
 
Je voudrais te le dire
sans mots sans cymbales
ni raideur amertume
mais doucement
très doucement
si doucement
avec trois traits de rosée
que je dessinerais sur le ciel
avec toi
pendant une promenade
quelques pas rien qu'à nous
un matin si doux
que les chiens de la ville
seraient sans mâchoires
 
Un matin si profond
qu'il contiendrait la mer entière
cette vague si tranquille et puissante
assise sur ses draps d'anges
sous des musiques d'algues
cette harmonie d'abysses
avec son eau qui nous ressemble
quand nous chantons de couler
vers le haut de la montagne
 
Le soleil est tombé
dans l'escalier
et la terre s'est ouverte
je tangue l'orichalque
je le frange l'éboule l'instaure
ce métal mouvant
dans le creux du coude 
d'une étoile aux bras vivants
il y a des moments tu sais
où j'oublie d'oublier
ton tissu parcouru d'encre claire
la rivière où tu bouges
ce palais soulevé d'ailes et d'eau
 
 
 
2. Le feu aux poudres
 
Puis
tendrement
entre deux doigts 
cette mêche
qui court de tes pieds à ta tête
et incendie chaque seconde
pesée sur la balance
sur ces rides de justice
un enfant rajeunit la patine
et ce sont les greniers
les premiers nés des bois du monde 
 
Ecoute moi
laisse moi juste une fois
remonter les noeuds 
de la corde du fleuve
et te luire à l'oreille
ce soleil complot
cet arpège sans butoir
et te dire
avec les rails de ma silhouette
que tu es un train sans fin
le plus grand des voyages
le début écarquillé  
d'un monde aux jambes ouvertes
 
Je voudrais
t'accompagner
jusqu'aux plus basses marches de l'escalier
jusqu'au ciment terrible
des tessons de poumons
et souffler souffler
ta forme sillonnée d'amour
à travers ces ballons qui tremblent
hisser des peaux ruisselantes de fruits
comme des voiles  
comme un baiser
qui reste longtemps dessiné sur l'eau
 
Je voudrais ramer dans l'or blessé
avec toi
de l'autre côté de ta paume
qui couvre mes yeux de bruits sourds
et croit me protèger
de son rideau à mourir
maos la mort est ton exact antipode
même couchée tu marches
 
 
 
3. Le dehors, le dedans
 
Souvent
mes mains n'ont pas d'équerre
pour faire le tour de tes angles
clair de lune sans diamètre
cordes froncées des plis du front
harnais à comprendre
c'est pourquoi je crie de cuir
et gémis de lanières
 
Si tu savais les nuits dièses
d'escapades sans mesures
où chaque lambeau de peau
accroché aux buissons
écrit en lettres roses
que je marche avec toi
si tu savais
ma tête cognée contre l'aube
quand je reviens de la tournée des oiseaux
mes yeux grands ouverts 
toute la nuit
toute la vie
qui t'appellent
qui t'appellent
 
J'ai appris à pleurer transparent
pour te regarder
à travers ces chutes qui montent
déboîtées d'ascension
sans baillons de perles
sans levées de lest
avec toi
ma cathédrale d'églantines
toi que je clame toute entière
avant de refermer mes lèvres
doucement
sur cet intérieur tendre
cette alcôve irriguée
où les heures se cherchent et se touchent
avec le bout de nos doigts
 
13-03-2001
 
 
 
* Sanscrit :  "le mouvement de l'amour" (approximativement)
 
 
 
 
 
 
"Je trouve mes lectures dans la lumière du ciel. C'est
le livre le plus profond qui soit - et ce n'est même pas
moi qui en tourne les pages." (Christian Bobin)
 
(En réponse à la réponse d'Aaron)
 
                        -- Les oiseaux du troisième sous-ciel --                                                                                 
 
(Lettre trouvée sur le dernier siège de la gare de Toulouse-Matabiau, le siège où
s'assoient les gens qui arrivent d'un autre siècle et que personne n'attend. Sous le
siège, on a trouvé aussi une épée de Tolède, se terminant par un pommeau en forme de
visage d'enfant.)
 
                                                *********
 
À Maistre Aaron de Najran, orfèvre en anneaux d'étoile. Sis dans l'Atelier de l'Or
Volant,  derrière la porte des oiseaux errants, au troisième sous-ciel du parking
souterrain de l'avenue Jean Jaurés. Toulouse, France. Début du XXIeme siècle.
Troisième coeur autour du soleil. 
                
                                                                *
 
La position des étoiles sous mes paupières m'indique que vous devez vous trouver aux
alentours de la fin du XXeme siècle. C'est un choix à la fois sage et insensé. 
Sage car c'est un temps où personne ne regarde personne et vous pourrez dresser votre
atelier de travail dans votre jardin et utiliser la lumière comme matière première
sans que personne ne s'en émeuve. 
Insensé, car beaucoup d'autres matières se font rares, comme les sourires sur les
visages.  Je sais que vous sertissez des sourires dans vos anneaux d'or, selon un
savoir connu de vous seul. J'ai donc pris l'initiative d'en laisser quelques-uns pour
vous dans le coffre n°12 de la consigne automatique. Vous le reconnaîtrez facilement,
il est gardé par des hommes qui ont cette expression de solitude propre à ce siècle
muet de bruit. Ils vous laisseront passer. 
 
Figurez-vous aussi que le dos du siège de mon wagon était lacéré. J'ai d'abord cru à
une brèche dans mon âme qui aurait traversé le dossier, mais, en l'examinant de plus
près, j'y ai trouvé des fissures codées. Grâce à cette écriture de lézardes, je peux
vous affirmer qu'il existe encore une mine d'oiseaux-joailliers en activité. Elle se
trouve au troisème sous-ciel d'un parking souterrain, dans l'avenue Jean-Jaurés. 
 
Hélas, il faut que je vous informe que les oiseaux dont devenus un peuple errant, et
que les hommes leur interdisent de pratiquer à ciel ouvert leur liturgie ailée.  
Mais lorsque vous montrerez le pommeau de mon épée aux oiseaux du troisième
sous-ciel,  ils verront le visage d'enfant et vous feront confiance. Ils vous
ouvriront alors la porte de leur atelier, et vous acquiérerez la science de la
fabrication de l'Or Volant. Les femmes ne se contentent plus d'entourer leurs mains
de ciel et recherchent cette lumière légère qui sied aux pierres changeantes serties
au fond de leurs yeux.  
 
À l'heure qu'il est, vous avez dû trouver mon message sur le dernier siège de la gare
et vous devez déjà approcher du parking souterrain, je vous vois d'ici, vous lisez en
marchant. Sous le parking, les ondes de ma lettre vont se brouiller, elle deviendra
dure et les étoiles en tomberont,  mais les oiseaux du troisième sous-ciel vous
apprendront la suite, et vous en saurez suffisamment pour partir à la conquète de
l'Or Volant, dans votre atelier de jardin. 
Ne me remerciez pas, il faut bien s'entraider entre artisans d'âme. Ce monde
s'enfonce dans l'oubli à raison de quelques centimètres par an. Les hommes sont sur
le point de redécouvrir l'ADN-Adonaï, mais leur coeur devient de plus en plus
friable.  
 
Bien à vous et vos environs. 
 
                                                                        *
 
Maistre Stellio di Melli, sculpteur sur eau et coloriste sur peau de lumière. Sis
dans le 1716eme molécule de la 3eme statue, extérieur du Palais des Doges, Sestiere
San Marco, Venezia, Vénétie. Début du XXIème siècle. Troisième coeur autour du
soleil. 
 
 
 
 
"La grâce est un bonheur d'expression et de
mouvement qui n'inquiète et ne blesse personne."
(Alain)                 
 
                         -- Quatre positions d'horloge --
 
 
 
1. Ces coucous sont bien trop doux.
 
Lorsqu'ils sonnent
la nappe frémit de joie
et déploie ses carreaux
 
Ils ne se vendront jamais
les gens préfèrent 
les aiguilles moins douces que leur peau
et les oiseaux 
sans coeur fragile
 
                        *
 
 
2. Certaines fleurs traversent les siècles.
 
 
Il suffit de les planter
le jour d'une de ses morts
si possible quelques minutes après
 
Une fois rempotées
dans un homme qui possède 
plusieurs trotteuses de rechange
ces fleurs-là
sont impossibles à tromper
avec de l'eau colorée
 
 
                        *
 
 
3. Princesse Profil.
 
 
Elle fait du trampoline
le long des balanciers barbelés
derrière le vent bien taillé
qui ramène vers elle
la musique du bal des bijoux
 
Regard de côté
elle chante
et sa bouche ouverte prend la pluie
comme un compliment
 
 
                                *
 
 
4. L'esprit et la matière sont dans un bateau.
 
 
Sans regarder la position des bulles
je sais deviner l'heure de la surface
 
J'ai laissé le recto et le verso du cadran
discuter entre eux
et se déposer sur le fond
je préfère cueillir ta voix dans l'eau
sur ma peau cerf-volant
 
Quelques molécules suffisent
pour repartir du bon pied
 
 
                        11-03-2001
 
 
 
 
 
Toute photo est une intelligence qu'épuise une
lumière." (Denis Roche)
 
 
-- Cinq photos prises sous mes paupières --
 
 
1. Sans les mains
 
Je suis en train
d'écrire un visage
avec mon regard
 
Mais je préférerais
une feuille sans carreaux
celle-ci me fait mal aux yeux
et ensuite
il faut déblayer la douleur
 
                        *
 
2. Pas de l'oie
 
 
La louve noire
sa gueule entravée de bombardiers d'or
cent abeilles guerrières
fondent une à une  
sous les vêtements
et mangent la peau
 
Une pluie douce lave la cour
la vie est belle
puisque les chaussures brillent
 
                    *
 
3. Même vu d'avion, l'amour paraît toujours aussi impressionnant
 
La piste
ne sera pas tout à fait droite 
pour permettre quelques mouvements d'épaules
 
Toute petite
la ville tient dans ma main
 
Assis dans cet oiseau
de quelques minutes carrées
et sa lumière sous le ventre
je me demande 
si les gens attendent qu'on aterrisse sur eux
pour exister
 
                     *
 
4 . Le remède au doute est au fond de ma poche droite
 
 
Juste à la hauteur de cette latte du plancher
qui craque comme tu aimes
j'ai suspendu mon manteau
celui qui est à l'épreuve des larmes
n'hésite pas à fouiller
mes poches sont les tiennes
 
Pour atteindre l'entrée
Il faudra juste
creuser un tunnel sous la maison
j'ai oublié les clés dans mon corps
 
                     *
 
5. La vie et ses nombreux grains
 
Ce fauteuil a la peau vraiment douce
je m'y égrène
mon dos drapé
dans une grande envie de rire
 
Je vais conseiller aux fleurs
de rougir sur ses accoudoirs
doués de parole
 
                        
                11-03-2001
 
 
 
 
   -- Petites gouttes et grands récipients --
 
 
6. Le jeu des portes
 
 
Avant d'ouvrir les portes
j'aime jouer à deviner
qui est derrière
 
Parfois
je triche en peu
en tirant 
sur le rai de lumière dessous
pour voir qui vient au bout
 
Mais le plus souvent
je me prépare une surprise
même si je me souviens
j'oublie
 
Quand il n'y a personne
je passe mon tour
ou bien je me cache de l'autre côté
 
Sans frapper
je regarde la porte bien droit dans les yeux : 
"rayon sillon de portillon
qu'il y t-il derrière le papillon
une fille ou un garçon ?"
 
Si c'est toi
j'ai gagné 
une nuit d'été
avec des lèvres qui sourient
à monter soi-même
mais il faut s'acheter les piles
 
        8-03-2001

 
 
  -- Dresseurs d'oubli --
 
 
Cette montagne marque midi. 
je me souviens des bruits dorés
serrés autour de moi
et sous mes pieds
ces feuilles craquantes
portes closes des sentiers d'enfants
 
Je suis ce buisson inarticulé
oiseau trempé dans le vinaigre
je tourne le volant de terre
pour voir plus loin
sous ces corps d'épaisseurs
 
Je les vois
ils dorment dans les terriers
les bras noués
les yeux raides
peintres sur civières
ils fouissent les joues creuses
de la forêt
 
Les dresseurs d'oubli
cet animal à poussière
qui bondit hors du corps
puis plonge dans l'étang
sous le reflet de cette même montagne
qui marque minuit dans l'eau
 
        9-03-2001
 

 
 
 
 
 Petites gouttes et grands récipients
 
7. Des mollets à rude épreuve
 
 
Mettons que tu saches
faire pousser tes cheveux
à vue d'oeil
 
Ou prononcer
"sfulsfuli sflulsfuli"
vingt fois très vite
sans te tromper d'une lettre
en chantant même le point sur le i
 
Mattons que tu découpe un avion
y compris les hélices
dans une blouse d'infirmière
 
Ou que tu parviennes à danser
sur tes pleurs enregistrés
et extraire de l'or
des cernes de tes yeux
 
Et même
si tu sais
traduire ce que raconte la lune
en l'écrivant de bas en haut
sur un papyrus à sang chaud
et ouvrir grand tes bras
jusque derrière ton dos
 
Franchement
ça ne prouve rien du tout
 
        9-03-2001
 

 
 
 
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