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-- Eau de soleil--"I'm a foutain of blood in the shape of a bird" -- Björk En haut de la corde, s'écartent les lèvres de la lumière. Il faut monter. Visage contre visage, nous inclinons la ligne d'eau, la corde déja enroulée autour de nos jambes. Ma tête penchée te lit la mer en italique, verse un peu d'horizon dans tes yeux. Doucement, sans quitter la corde, je mords le ciel, tire sur ses rubans, défais son emballage, fais glisser sa robe. Je sais que tu fais de même de l'autre côté du monde, tout contre moi. Ciel rouge juste au milieu de nos deux visages droits, nos corps jouent à nous. nous tissent avec la corde, s'amusent à coudre le ciel à la mer, s'essoufflent avec des rêves de montées vertigineuses, de traces de feu dans nos mains. Tes épaules prononcent les miennes. Pendant que nos corps s'apprennent, la mer devient belle de nous attendre, se gonfle, écoute la corde appeler nos gestes. Sexe mouvant, une vague respire dans l'axe du soleil. "Maintenant", dit l'eau "Maintenant", répond la lumière Il faut partir exactement en même temps, défaire nos visages, les enrouler autour des noeuds de la corde. Très vite, nous grimpons, souffle à souffle, couvons un instant nos visages entre nos jambes, puis les dépassons, les laissons éclore seuls à portée des vagues. Un peu plus bas, nos visages nous rassurent : "Nous faisons confiance aux vagues, elles sauront nous transporter de crète en crète. Allez y sans nous. " Il faut monter. Nos corps s'écoulent par nos ventres, leurs limites tremblent jusqu'au début du soleil. Lorsqu'ils sont sur le point de se casser d'amour, l'eau et la lumière nous prennent dans leurs bras et nous recousent doucement. Puis nous lancent vers le ciel pendant que la corde ne regarde pas. Quatre mains se rattrappent à la corde, se trouvent, se serrent, s'embrassent, se mordent. Brûlure bleue. Sang du ciel, un peu d'ombre sur le bord du soleil. Je gravis ta peau nue. Tu descends la mienne. Nous nous croisons sur les noeuds de la corde. Nos mouvements tirent, poussent, puisent un peu du feu des nuages et le ramènent sur la ligne au mileu de nos langues. Nos gestes rient. Plus de mots. Pour nous parler, il nous reste les visages de nos corps. Pousser, tirer. J'avance en toi. Millimètre par millimètre, nos bras nous lèvent. À travers la corde, nous nous regardons. Les mains de nos hanches se serrent. Nos gestes s'envoient des signes verticaux, des sillons mouillés de brûlures. Moi en toi, toi autour de moi. La corde entre nos peaux, nous rions à l'envers des oiseaux. Si le ciel est trop chaud, nous le noierons. Maintenant, Nous sommes la lumière en sueur. La corde nous dénude, ne laisse que nos chairs rouges, nos fleurs carnivores, les étincelles de nos langues mélées. Bientôt peut-être, il faudra nous retenir fort l'un à l'autre pour ne pas monter trop vite. Tu lis tout haut le halètement des oiseaux. J'inscris dans ma peau tous les noeuds du vertige. Je ne sais plus où je finis et où tu commences. Deux corps liés marchent vers le ciel, sur une route de ficelle.-- Horizontelle --(petit conte à sourire debout) Célibataire endouci, j'épousais la forêt tous les samedis. Je marchais dans le ciel blanc de mon ombre. Mon ombre était une longue lettre blanche se déroulant derrière moi. Phrase par pas, j'écrivais tout haut : "Mon iris mouvant, Je te liègerai en mains flottantes Je t'étincellerai en zéphir de rougeurs Je t'angerai en plumes de lèvres Je te visagerai en lune d'amour" - Tchip ? Non pas "tchip", je n'écrivais pas "tchip", ça j'en étais sûr. Je marquai un chant d'arrêt, puis repris la lettre à mon ombre : "Je te brillerai en lianes ouvertes Je t'ondulerai en coulées de soie Je t'envaserai en robe de graines Je t'espacerai en étang de perles" - Prrrilouiit plit ! La voix venait de vers la mousse, ou de sous les feuilles. Je regardai attentivement sans rien trouver, puis poursuivis : "Je t'offranderai en noueuse de tempêtes Tu m'essaimeras en franges de gestes Je te lèvrerai en orbes de velours Tu m'écarquilleras en nuées de poivre Je te feuillerai en lancers de rivière Tu m'égliseras en profondeurs de miel" Cette fois, le silence m'interrompit. Un silence doux comme une très fine couche de givre tiède autour d'une fleur de cerisier. Et un regard que je ne voyais pas. Je cherchai encore un peu et je la vis enfin : orange et bleue, une oiselle posée sur la mousse me regardait. Elle ressemblait à une longue goutte fine pourvues d'ailes. - Tchip tchip fli-fluiiit ! Tu ne m'as pas vue, parce que pour trouver les oiseaux, tu lèves toujours la tête. Mais moi, j'étais en bas, au bout de tes pieds, de l'autre côté de ton ombre. Je vois que tu écris tout haut une lettre sur ton ombre. Tu l'aimes ? Je haussai les épaules. Quelle drôle de question. - C'est mieux que d'en avoir peur, pas vrai ? Elle sauta sur ses pattes fines, et me considéra très attentivement. - Rrrouiiit ! C'est bien répondu ! Au fait je me présente, je suis une horizontelle. Tu sais ce que c'est ? Mon ombre en point d'interrogation, je tentai des réponse : - Une oiselle-échelle pour monter en avant ? Une escalière pour sablier couché ? Une paire d'ailes pour voyager en dormant ? L'horizontelle secoua la tête : - Non ! Si tu ne devines pas, tu devras aller me chercher des graines, mais attention, pas n'importe lesquelles, pas celles des magasins. Je veux que tu m'apportes des graines d'Ouvre-Cage... Je regardai autour de moi, le plus loin possible, cherchai à deviner des barreaux, sans en trouver. - Mais je ne vois pas de cage, le monde est ouvert, libre, vaste, interminable ! Il se continue plus loin plus loin que tu ne pourras jamais voler ! L'horizontelle leva les ailes aux ciel - Lirouiiiit tchip ! D'accord, d'accord, mais mieux vaut prévenir que guérir ! Je hochai la tête - Bon bon, j'irai, mais alors tu me dis ce qu'est une horizontelle. Et l'oiselle orange et bleue pépia : - Une horizontelle, c'est la femme d'un horizon. Je partis en suivant la direction de son bec. 31-05-2000-- Prestidigitale -- Permission d'orage Les ombres transpirent Je nous dessine le long d'une feuille d'eucalyptus Profil d'ange L'oubli déguisé en visage Dort au creux de l'arbre à danger Face à face Quelques images lancées en défi L'intérieur de la courbe d'un sein Un dessous d'aile de mésange Une perle ancrée à ma main Une sorte d'avenir Gonfle les draps éraflés Prestidigitale Si la mort vient aux nouvelles Mets là dans un chapeau Réponds lui "demain" Nervures des doigts nus Larmes en tenue de guerre Sagaie de souffle J'épointe les petites mares à mourir Lunes croisées Dans nos reflets se dédouble un rêve 29-05-2000-- La seconde sous la mer -- Je nage à la recherche d'une seconde sous la mer, une seule. Il me manque juste cette seconde pour être toute la vie à la fois. Phrasé de visage, un éventail de lèvres de mer agite un courant à faire respirer les étoffes étouffées. Peut-être la seconde se trouve t-elle par là ? Je cueille le visage avec mes cils et plie ma peau en lave salée, en recouvre les feuilles des poissons-sève, prend des notes sur la façon de naître en plusieurs fois. J'en profite pour imaginer ce qui se passera avant : Rassemblées en touffes, des lunes brisées biaisaient la lumière, l'éclataient en arêtes de pollens. Peuple en crue, elles avaient de nombreuses bouches à mourir, de nombreux reflets à planter dans mes mains. J'étais ce miroir bulbeux, cette fièvre à facettes, ce coffre à hantises. Pour la suite, il faut remonter plus loin, vers bientôt, dans le sens des anguilles d'une montre : Les lunes s'agrègeront en grappes, poseront des masques de soleil sur leurs cratères et chanteront des marées verticales, des foisonnements de paumes, des horizons flambants neufs. Tout ça ne me rend pas ma seconde perdue. Si je l'attrape, je pourrai nager à tous les temps sans jamais me tromper. Courant chaud, je glisse au dessous des coques, grave les gouvernails à saccages de mon adresse dans le temps. Quand je reviendrai, je me retrouverai facilement. Mais si je sais la date de ma naissance et celle de ma mort, je ne me souviens jamais de celle du milieu. Il manque juste cette seconde noyée, je ne sais pas où je l'ai brûlée. Sans ce petit bout de moi, je m'échappe de maintenant. L'ennui avec les calendriers, c'est qu'ils ne tiennent pas sous l'eau. Leur feuilles se collent entre elles, et les jours fondent les uns dans les autres. J'ai peur de naître un peu mélangé. Je demanderai à un tourbillon de me rassembler. Je cherche le soleil dans l'eau. Ma peau s'arrache en longs rouleaux où des poissons-plume écrivent, leurs nageoires trempées dans le bois mouillé. J'aime l'écriture du bois, les mots poussent pendant des siècles. Pendant qu' ils brûlent, ils continuent à grandir. Eux doivent savoir tous leurs temps par coeur, ne jamais se perdre, ne jamais avoir froid. Ils n'ont pas besoin d'attendre. Mais moi, je sais nager partout à la fois, et me donner rendez vous partout en même temps. Sauf à cette fameuse seconde, la mienne. Je ne sais plus où elle finit et où je commence. Pour ma peau, ce n'est pas grave, en dessous, j'en ai une meilleure, je l'ai découpée dans du bois clair, elle sait marcher toute seule, je n'ai même pas besoin de vivre pour qu'elle s'anime. La main d'une vague rassemble mes souffles, les lie en phrases. Et je vous parle de tout en bas de vous. Mais il me manque toujours ce tout petit bout. Est ce qu'elle était belle, au moins, cette seconde ? Et si c'était une seconde où je m'oubliais ? Mais je sais bien, il me la faut absolument pour vivre. Et si c'était la seconde la plus importante justement, celle autour de laquelle toutes mes vies sont enroulées ? Ça expliquerait toute cette confusion. Et puis, je vais finir par couler, si je me pose trop de questions. Tout passe à toute vitesse, Une ligne d'écume est mon ventre à ne pas mourir. Ma vie défile en circuits de tempêtes. Et en plus, je mets de l'eau douce dans l'eau de mer. Je vais finir par dérègler le monde. Les nuits de nage épaisse, pendant les lunes d'eau noire, des conversations aigües forent des galeries dans ma tête. Cela fait le son d'un pinceau qui dessinerait une fleur. Les réponses précèdent toujours les questions. Le jour levé, je viens visiter les galeries, accrocher des lampes au bout de la langue des abysses et piloter ces couloirs de flammes. Je flambe en éclaboussures de gestes. La ligne des vagues avance, scie la mort, longue barre au chant doux. À part une petite seconde, je suis l'éternité la plus rapide du monde. 12-9-99/22-5-2000- Équinoce - L'iris du sable Construit mon chateau de peau Pierre caline La lune de midi Nacre la neige brûlée La poudre d'ailes tigrées Brille en infra-vie Je rêve d'une femme Ile tournante Forge de pluie Sur les lèvres de ma paume L'or rougi d'un cri mouillé Buveuse La langue verte du soleil Sexe des pupilles Lèche l'allongé des vies Des feuilles poussent à même l'eau 23-5-2000"Etre en enfer c'est être chassé par soi-même de sa propre parole : c'est l'envers, l'inversion où "le soleil se tait", le lieu de la réaction et de la confusion des langages, des métamorphoses, de la non-communication, de l'illusion d'identité." --- P. Sollers -- Femmes de la lune creuse -- Les nuits de lune creuse, elle est la toute première femme du monde. Ses gestes se souviennent. Corde à agiter les bras et les jambes, sa langue délie les orées. La pluie tiède écarte ses lèvres. Mémoires en robe noire, charbons mouillés en file indienne, ses soeurs portent les cruches de soleil. Peuple de paumes gouttantes, elles nourrissent la vie dans leurs mains. Couloirs d'antres résonantes, elles viennent glisser au bord du puits, se coucher en longues mares et se laissent couler longtemps. Conversation de lave, elles viennent brûler le linge à sa porte. Elles se passent la vie de nuit en nuit jusqu'à elle. La vie gluante, balancement tactile en brûlure d'eau rougie. La vie giclée en gesticulation crue. Miel en feu, couchée en courbe de collier de chair, elle respire le rituel du souffle éternel. Sentinelles, les femmes de proue pétrissent l'eau, deux bras en coeur autour de la lune. Frottées contre la nuit, elles font flamber sa peau, flottent un peu en elle, et se font cercles à joindre les bords de l'humide. Les suivantes viennent au centre, et tout recommence. Cette nuit, elle est la toute première d'entre elles. Texture palpitée en pulpe d'offrande, la femme de proue ferme les yeux un instant, rêve d'un monde où elle marcherait, légère du peuple des autres pesant sur ses épaules. Elle se souvient déjà du temps où elle pourra devenir craquelure sauvage, course de vent sec, vide de troncs tordus, veuve de son sang lourd. Marelle clapotante, elle s'ouvre encore, pour cette fois. Les nuits de lune creuse, les femmes font rivière. Les nuits de lune creuse, elles viennent toutes la tenir, sanglent l'oiseau de feu et versent du sel dans son ventre pour que le sommeil la torde. 14-02-99/20-05-2000-- Vie sur la mer -- Marée haute Je presse mon visage contre un oreiller d'algues Une libellule sur l'embarcadère Regarde vers le continent J'ouvre la fenêtre Jette l'enveloppe de verre Je veux savoir Quelle lettre m'a envoyé le ciel Ce matin La lumière s'habille Je chante à contre-femme Réponds au ciel Par quelques empreintes de doigts sur la mer Petite barque Sous sa paupière de toile le naufrage dort encore La libellule se pose Sur le parfum d'un lilas Feu salé Le soleil se lèvre 19-05-2000Le coeur de ceux que nous aimons est notre véritable demeure Christian Bobin - Chez elle -- Tranquillement, j'écoute mes yeux se fermer. J'aimerais que mes cils jouent chacun une note différente, elle m'entendrait peut-être, chez elle. Elle me reconnaîtrait, elle se dirait "c'est lui", tout simplement. Du moins, elle dirait des milliers de mots, et entre leurs contours, on pourrait voir "c'est lui". Le matin, elle déploie ses plumes, et réveille sa maison de couleurs. D'abord, elle ouvre les violets, puis pose les verts sur la table, allume les rougies, Fait cuire quelques bleus à la coque, pour mettre des plumes sur le ciel des bateaux. Un jour où le soleil s'est levé de travers, quelque chose s'est décalé à l'envers. Depuis, chez elle, c'est partout là où je ne suis pas. Elle a dressé la carte du non-moi. Mais les sons passent quand même, parfois. Il doit y avoir des canalisations secrètes dans les murs, des catapultes à battements de coeur. Je me mets à battre des cils plus vite, plus fort, pour qu'elle m'entende dormir. Elle aime quand je ne suis presque pas, elle se sent chez elle. Je suis dans la pièce à vérité, une pièce où on a peur de marcher longtemps. Là, les mensonges rebondissent sur les murs, et reviennent en échos véridiques. C'est là qu'il y a mon portrait, imaginé de mémoire, tracé d'oubli. Avec ses lettres, je me suis fait un lit. Bordé de syllabes, je dors en escalade. Dommage que les encres soient sèches, il y aurait ses mots sur mon visage. Lorsque je sourirais, ses mots bougeraient, s'élèveraient. Et lorsque je parlerais aussi. Mes mots parleraient avec ses lèvres. Sur mes joues, il y aurait son adresse. Chez elle. Là où lui écrire que je suis parti de chez moi, là où la prévenir que je dors au milieu d'elle. Hier soir, les lèvres du papier sont venues chanter. J'ai reconnu l'air dans mon plexus solitaire. Elles m'ont embrassées en plein vol. Elle ne m'a pas encore rencontré, mais moi oui, ça fait longtemps. À quelques mètres au dessus de la Seine. Si j'étais resté de l'autre côté du pont, ce matin là, la face du monde m'aurait regardé de dos. C'était un de ces matins où on a les yeux très grands ouverts, un de ces matins où on a le monde à ses pieds. Elle avait une robe blanche et rose à carreaux. Une fleur, un flocon, un flocon, une fleur. Dedans, il y avait ses mouvements, si beaux qu'ils n'ont pas de nom connu. Toute l'année, ses seins migraient vers le soleil Ensuite... ensuite que s'est il passé ? Je ne sais plus, j'ai pleuré du champagne, je crois. Et ri quelques oiseaux de paradis. Il faut le lui demander, même si c'est moi qui parle, c'est elle qui sait inventer par où elle est passée pour arriver jusqu'à chez elle. Je sais qu'elle a marché longtemps. Je le sens dans mes jambes. Je vois son visage au dessus du mien. Elle se penche, va me dire quelque chose, se ravise. Je m'endors un peu, maintenant. C'est drôle, je reconnais les meubles, les étagères. Il y a des livres étalés, et des papiers qui parlent accrochés partout. Puis elle s'assied, pensive, regarde le soleil se lever. Il va faire jour bientôt. La nuit reste dans mon corps, mon souffle reste dehors. Partout, c'est chez moi, sauf là. Sur ma peau noire d'être close, là où je me suis cogné, se forment des étoiles. La nuit s'y repère. Je regarde son visage. Son visage, c'est chez elle. Elle habite entre ses stores. Fait varier sa lumière en réglant son corps. S'incendie, se nébule, se nacre, se parfume d'éclairs. Et moi, je suis allongé partout sauf là, alors elle vient me border de sa lisière. Prépare la nuit d"hier. Avec ses doigts qui savent tout, elle joue la musique de mes cils en me regardant, sans me réveiller, sans que je m'en apercoive. Elle est très forte pour ça. Ainsi, je peux rêver que je ne suis pas là. Le soleil se lève. Tranquillement, elle attrape les premiers rayons, assemble quelques couleurs encore lourdes de sommeil. J'ouvre mes yeux, vite, pour rattraper mon retard sur le soleil. Mes paupières ont dû faire un peu de bruit en s'ouvrant. Elle s'approche, se retourne, cueille doucement un cil, comme si elle voulait m'écrire une lettre en regardant à travers mes yeux. Avec mon cil, elle écrit mon adresse sur ma joue. Puis, elle me donne des nouvelles d'ici, de chez elle.4-12-99/13-05-2000 À toi, fleur à qui je viens d'offrir des fleurs et mon coeur bleu corail À Liette, petit diamant à ailettes-- Coraline -- Coraline câline les eaux Les courants du corps des coraux Ensoleille les gouttes qu'elle nage Se souvient de là-haut, la plage Pression douce Derrière elle, l'océan mousse Avec sa force d'enfant Elle pousse la terre, la vie devant Coraline plonge Salamandre à la peau d'éponge Boit l'envers du bateau soleil dans l'eau Sa robe corail révèle La carte du fond du ciel Les plis trempés des étincelles Avec sa force d'enfant Irrigue la mer, mord les rubans Elle nage, fraîche dans l'océan chaud La vie, les vagues, dos à dos Elle nage, assise Le feu d'écume, la mer promise Appelle les oiseaux par leur nom d'entre deux airs Ils viennent noyer les nuages, cendrer la lumière Avec sa force d'enfant Fait voler les étoiles de mer en avant Coraline, gestes de miel chaud Le bleu mouvant sur sa peau Tatouée de ciel Au ventre tiède des dauphins sans selle Arrive au fond du voyage Tout en bas elle pose son visage Avec sa force d'enfant Nomme les oubliés, les brûlés, les déserts blancs Elle parle aux paupières fermées Aux eaux jamais allumées Aux morts fluides Les mains noyées, les corps vides Coraline les berce De sa poche, elle se verse Avec sa force d'enfant Pour eux, elle retournerait le temps "Je sais un monde d'herbe et de neige D'enfants les mains tendues sur les manèges Le ciel ne pèsera plus sur vos corps Remontez avec moi, je suis la vie dehors" Elle fait tourner sa robe corail Pour qu'ils renaissent, papillons de vitrail Avec sa force d'enfant Les élève jusqu'à la surface du sang Alors, du haut de la plus haute vague -Sa robe corail brille comme un baiser de bague- Elle prend son élan , plonge dans l'air Fait ses adieux à l'enfer Nage dans le feu du ciel Monte jusqu'au fond du soleil De sa poche couleur corail Tombe un papier, un détail Avec sa force d'enfant Elle a écrit "Tout est vivant" 8-12 mai 2000-- Mon Ensoleille, -- Je t'écris depuis l'aurore de samedi. Je t'écris du dedans d'une perle, d'une lampée de rosée bue sur la langue du sable. Mes lèvres te regardent. Alphabet de nacre, ton souffle est un collier tiède, une arche en lèvres de sable et d'eau mêlées. Nos chants ont vue sur la mer. Par ta fenêtre verte, je fais naître le premier matin du monde, la marée des jardins, le roulé des joies vétues d'algues. Par ma fenêtre bleue, tu fais parler la seconde sous la mer, fais ruer les bateaux au bout des branches, trace les caresses à lire le langage des vagues. Sur ton cou, la trace coquelicot d'un triskell à même la peau. Sa spirale se déploie, son cercle s'ouvre et dessine la carte du fond du ciel. Mes pétales te chantent. Tu es cette falaise qui montre de ma poitrine, cette craie verte à neiger des feuilles trempées sur ma peau d'eau salée. Ici, les bateaux vont du bas vers le haut, remontent de l'ailleurs, et émergent en toi, leur carnet de bord écrit sur leurs pétales. Ou plutôt sous, il faut les soulever du doigt, doucement pour les lire. Doucement, mes paumières ouvrent les tiennes Rose du vivant, l'aube ouvre nos bras. L'aurore se pend à ton cou et te demande "pose ton doigt sur l'horizon et caresse mes couleurs". Longue et souple, une enfant aux cheveux auburn passe par là, enroulée dans une vague. Elle vient rendre l'aurore plus dense, pour qu'elle puisse s'envole encore plus haut. Effleure ton cou de ses cils en spirale, les déploie aussi pour voir dans toutes les directions du chant. Me demande : " Prête moi ton doigt, je n'ai plus d'empreintes digitales et je voudrais signer sur la falaise". Le soleil cherche d'où il vient, puis te trouve. Son rayon vert vient chercher le rayon de miel dans l'âme de ton ventre. Mes ailes t'écrivent Maintenant, c'est au tour de l'horizon de se dérouler. Il ressemble à une trompe de papillon en amour, s'ouvre, s'ouvre, épouse les contours de la falaise, son toucher de vanesse laisse des ocres en paillettes au creux de ton cou. Maintenant, les cercles s'animent sur ton cou. Mes roues te dansent L'herbe océane écume un peu sous la langue. J'aime goûter ses brins salés. Et lorsque je siffle à travers, cela ressemble au cri de la lumière d'un phare. Sous les ailes des oiseaux de mer, l'horizon se lève, se courbe, sa ligne de vie prend corps de marée, et l'océan est un vase-volcan, une coupe où les pétales du feu neigent loin au creux du soleil. Maintenant, mon ensoleille, tu es la falaise et tu escalades le corps de la mer. Tu es le mouvement des bateaux dans le ciel chaud, la vague verte sous les lèvres du triskell."But real lives Are why we stay for another dream" -- The Cure --- La lune se lève --- J'aime entrer chez toi au moment exact où la nuit tombe. Tu m'ouvres, verses un geste d'accueil dans ma main. Nous le buvons sur le seuil. Soie outremer. Je connais cette robe, je t'ai vue planter cet été les graines de soie dans ton jardin. Elle est de ces robes qui restent muettes le jour et s'ouvrent le soir. Les plis du tissu me sourient. Toi, tu rajustes doucement ton visage et tu rabats les lèvres de la robe sur ta peau. Debout juste au centre de la fenêtre, tu es juste un peu plus sombre que le soir, Je cherche mes mots, d'autres me trouvent. "Tu aimes porter la nuit autour de toi pour mieux te révèler". En réponse, tu fais bouger la soie outremer : " C'est une robe d'avenir, elle est couleur de tout à l'heure, et cette nuit, elle prendra déjà la couleur de l'aurore". Un arbre. Silhouette sauvage, dense d'attention. On croirait qu'il va bondir. Ses fleurs m'intriguent. "Je les connais, ce sont mes amies depuis toujours, je suis heureux qu'elles poussent chez toi". Les mots sont sortis malgré moi. * Comme chaque soir, j'explique : "Je suis venu voir tes éventails". Tu en as beaucoup, ils font collection de moi. Je m'amuse à passer la main sur quelques uns d'entre eux pour les éveiller.. Tu laisses rire les lèvres de ta robe. Tu fronces les sourcils : "Tu ne sais donc pas qu'on peut se couper sur le vent ?" Pour moi, tu fais voler les éventails tous ensemble dans la pièce. Tu dis "j'aimerais tant qu'ils soient vraiment vivants". Puis tu réfléchis un moment avant d'ajouter : "j'aimerais surtout qu'il en existe un très grand, assez grand pour m'emmener..." "T'emmener où ?". "... Dehors. Quand il fait beau, je ne peux pas rester à l'intérieur de ma robe". Tu te tournes face à la fenêtre. Vers l'arbre, très noir. "Ne regarde pas. Non !" La lune se lève. Je la découvre à travers ton corps. Puis, pendant un long moment, je n'arrive plus à détacher mon regard de l'arbre et de ses fleurs. Je veux te rassurer "Ce n'est rien, je t'aime, au fond de moi je le savais". * J'entoure la robe et la soie outremer entoure ta peau. Je saisis un éventail, celui avec les fleurs qui sourient. Doucement, je l'agite près de tes larmes. Sur ma langue, tu fais couler ces mots salés : "je ne voulais pas que tu saches. Je veux dire, pas avant l'aurore". La lune se lève et commence à nacrer tes seins. Tu oublies de serrer complètement le tissu. Autour de toi, les lèvres respirent et la soie outremer se déplie. Ta main vole vers la fenêtre, montre les fleurs sur l'arbre " Il faut qu'elles respirent... elles sont faites de moi, tu comprends ?". Je bouge un peu mon corps, le déploie. Quelques pas dans la pièce. Le souffle de mon geste fait tomber complètement ta robe. Avec mes mains, j'écris sur ta peau : "Je suis un éventail". * Au bout d'une branche, la lune se lève et nous brûle doucement l'un en l'autre. Sur le sol, les plis outremer commencent déjà à prendre les couleurs de l'aurore. 09-04-2000-- Le pincement des anges -- Tu colles des timbres sur les mouettes, des baisers en très nombreuses petites moitiés. Tu cours vers la mer et tu les éparpilles, au milieu des cris en désordre, Tu cours les battements d'ailes de ta peau. Tu cours la chaleur des tuiles sous les pattes des chats qui s'aiment sur le toit. Ton corps s'élève en corniche, la lumière verse ta peau sur l'eau, cambre tes couleurs en arche nue et tu pleus sur le sable. Les deux chats ne savent plus descendre, la mémoire de leurs mouvements a oublié où l'un finit et où l'autre commence. Sombres et trempées d'amour, leurs pupilles verticales prennent la mer en elles. Verte de frissons, l'eau se déhanche. Blanche de vent, elle laisse sa peau vivante s'éprendre de l'air. Le port respire en liesse. tous les morts vont à la mer. Sur la serrure du port, le gardien a laissé ce message. "Vous allez frapper à la porte de l'eau. Il faut d'abord vous pétrir en forme de clé" Tu ris devant la ligne d'eau. Cela ne te concerne pas. Tu fais autrement, toi, tu ouvres les clés avec les serrures et non l'inverse. Tu souffles sur la chaleur de l'eau. Le soleil écarte les lèvres de ta vie. Son cercle s'incline. Tu sais marcher penché, c'est toi qui tiens les maisons des ruelles, la nuit, avec tes épaules. Tu es cette longue rue qui mêne au port, ce ventre pavé. Tu couves les lames des couteaux et tu tresses des rubans d'or autour des caniveaux qui rêvent. Chaque Noël, tu accroches des plumes aux grand sapin qui regarde la mer, tu veux qu'il s'envole. Tu ris ta foudre animée, scande ta langue en prière. En toi, l'aube salée dresse des opéras de varech, creuse des cercles à danser des tarentelles d'écume. Sur toi, les effleurements de l'air sentent l'intérieur de rocher, tu écoutes ses grains de pierre mouillés lêcher ton oreille. Des enfants se retournent dans les pierres. Ils sont les ancètres du gardien de l'eau, la source montante de la lumière des phares. Hérissé de mats de bateaux, tu harponnes le ciel. Les mâts sont les antennes à ériger la mer, les mains levées des rêves. "Vous devez questionner trois réponses, avant de passer", reprend le gardien. Poussés dans l'eau, ses derniers mots rient en bulles au bout de tes bras. Tu marches au milieu d'un cimetière de klaxons, renverse la tablée des claquements clignotants des voiles. Du haut des vigies érectiles, du sommet des tiges blanches plantées dans l'eau mûre, tu passes tes mains sur le port, caresse la ville entière dans le sens de la lumière. Tu ne sais par quel prodige, mais du haut des mâts, tu vois le dessous du ventre des femmes. Leurs écailles ont des reflets d'étoile. Maintenant, tu sais lire l'écriture du vent sur la mer. Il règne une drôle d'atmosphère maintenant, comme si le monde entier se souvenait de quelque chose en même temps. Le gardien du port passe la tête hors de l'eau et explique "On appelle cela le pincement des anges". Alors, la nuit tombe sans se casser 4-4-2000-- Nagicienne -- J'aime cet endroit. Je le sais par coeur. Je sais quels brins de mer veulent me tuer et lesquels donneraient leur vie pour moi, je sais lire les plis de l'eau et les envies des vagues. Je sais écrire d'immenses messages sur la plage, avec la nacre des coquillages. Je trace des envies irisées. Pour les lire, il faut ouvrir grand les bras. Ensuite, grain par grain, je caresse le sable. Je marche longtemps ainsi sur les mains. Cette nuit, les étoiles pourront se guider sur mes traces. Déjà, elles disent entre elles "la terre n'est plus qu'à quelques touchers-lumière". Une goutte de soleil vient rire dans la mer. Suivre les C u a t o r n s faire circuler le chant Dans le sombre de l'eau, un rideau tiré sur la peau, les souffles ploient. Restent des tombes phosphorescentes, avec des croix clignotantes, comme celles des phamacies. On y soigne les fractures de mémoire en les pressant contre des poitrines détachées. On y vend des leviers de soleil pour les amants tombés au fond des puits, et on offre en prime toutes les lettres de nos noms. Sur le lisse du grain de la pierre, on y monte les degrés du froid. Des portes parcourent les rayons, se lancent nos rêves à pleines poignées, payent avec des gommes. "Oubliez la monnaie". Je brûle. Qui a passé la lumière au papier de verre ? Je sais des vents noirs qui patinent les feux Pourtant, pas plus tard qu'aujourd'hui, j'ai trouvé un message écrit sur un pétale. "N'oublie pas le corps des couleurs". Le soir, dans les rues de la mer, je vais promener la photo d'une femme. Je l'ai découpée dans la photo d'une vie. Dans leur langue, les vagues l'appellent "Nagicienne". Je nage sous sa fenêtre sans lever les yeux. Un exercice d'amour ou de trapèze, je ne sais plus. Je ne perds pas le chien, mais je ne peux pas m'empêcher de lui dessiner des écailles. Une sorte d'humour liquide Lorsqu'elle vient arroser son jardin dans l'escalier, les craquements des brins d'herbe forment des mots. Elle n'aime pas tous les entendre. Alors, elle monte les syllabes du jardin quatre à quatre. Au coin du courant, je découvre une marelle. La seule marelle au monde tracée en virage, avec une craie penchée. Il faut sauter en tournant. À la craie, en lettres de marée montante, tu as écrit "n'oublie pas l'âme des couleurs". Puis la photo plonge et m'entraîne au fond de l'eau Je plonge vers le soleil. Vers le plus L o i n vivant au fond du vent Sur la plus profonde pierre de l'eau, j'ai trouvé une lettre de peau, une femme en équilibre sur le bord de la nuit, enveloppée dans une robe. Tu l'as faite rose et blanche, faite dans un souffle de roulé d'amour sur la neige tiède. Je saute dans ses carreaux. Couleurs ciel, terre, enfer. Sous la robe, j'écris la lettre dans ces trois couleurs. Elle, elle avance par petits sauts d'oublis. Peut-être parce qu'elle préfère redécouvrir. Entre elles, les étoiles se réjouissent. "La terre n'est plus qu'à quelques baisers-lumière" Sur la courbe d'un sein, j'ai trouvé un grain de plage. Alors je marche sur les mains en caressant sa peau. . 13-02-99/31-03-2000-- Les lèvres du jardin -- À mes lèvres une moitié de brin d'herbe Sur ton ventre une orange tiède Je tape aux carreaux de ta robe tu ouvres la fenêtre de ta peau Sur ton sein l'autre moitié du brin écrite à même la courbe à même le grain par les lèvres du jardin Poids des souffles sur l'herbe nue goûtée par la langue du soleil 29-03-2000-- Étoiles en fleur -- Rêve de sève une musique d'effleurements met l'amour en espace ce soir une anse habille mon coeur pour le verser en toi lune tiède posée dans ma main vitrail de caresses ma paume te colore deux chatons émerveillés sous le cerisier autour l'un en l'autre écoutent fleurir les étoiles 29-03-2000Pour remonter le temps, cliquez sur la flêche verte pour aller vers la page de poésie numéro 21