Pour  aller vers l'avenir, cliquez sur l'oiseau direction la page 26
 
 
 
 
  -- La petite fille penchée --
 
 
        
        Je marche
        une étoile sur mon épaule
        j'ai beaucoup de tendresse pour la terre
        je marche penchée vers elle
 
        Tous les matins
        je prends mon petit déjeuner
        dans un bol incliné
 
        Ceux qui me connaissent
        se penchent avec moi
        nous ressemblons à des brins d'herbe
        à un grand vent de vagues
        qui danseraient ensemble
 
        Penchés 
        comme les visages des amoureux
        quand ils sont très attentifs
        ou quand ils ont envie de s'embrasser
        nous sommes les virages des oiseaux
        nous plongeons tendrement vers la mer
 
        Si quelqu'un que j'aime
        me prend dans ses bras
        ou pense très fort à moi
        ou me comprend tout simplement
        j'oublie tout
        je deviens la petite fille-soleil
 
        Et un soleil c'est rond
        vous pouvez le pencher dans tous les sens
        il restera toujours droit comme un coeur
 
13-12-2000
 
 
 
 
 
 
 
 -- Ma poupée s'est mariée-- 
 
 
        Ma poupée s'est mariée
        je n'étais même pas prévenue
        mais depuis quelques jours
        elle n'était plus la même
        quand je la coiffais
        ses cheveux formaient une grande tresse
        en forme de coeur       
 
        Son amoureux 
        elle a dû le rencontrer la nuit
        ou quand j''étais à l'école
        ou bien il vivait dans une cachette
        depuis toujours
        et je n'ai rien remarqué
        trop occupée à lui construire sa maison
 
        Elle a voulu se marier
        au sommet du Mont Blanc
        pour que personne ne la regarde de haut
 
        Je ne lui en veux pas   
        elle doit être jolie
        mais avec sa robe blanche sur la neige
        j'ai peur qu'elle soit invisible
         
        Je vous quitte
        il faut que j'attraoe vite
        le prochain téléphérique
        pour les rejoindre
        je suis une avalanche qui monte
        jusqu'en haut du Mont Blanc
         
        J'ai apporté des grain de riz
        ma poupée se marie      
        mais si vous voulez mon avis
        ça ne doit pas être pratique
        de s'embrasser sur des skis 
 
14-12-2000
 
 
 
 
 
 -- Les moulins à sang chaud -- 
 
 
        Je compare mes entailles
        aux trous dans les livres
        ceux qui ornent
        le corps du tout premier ciel   
         
        Gravure de granit
        cette brise d'éblouissement tactile
        éboule les effleurements
        les rideaux respirent fort
 
        L'occupation favorite de mes coffres à énigmes
        éventrer les songes
        quand je t'embrasse la tête sous l'eau
 
        Laissez moi ces cordes à marier les envers
        pas par pas
        je relie les pointillés du glacier
 
        J'enfourche une herbe sauvage
        ton vivier à folles fêlures
        pour capturer ma poitrine
 
        En un fragile fracas
        je combats les moulins à sang chaud
        
                14-12-2000
        
        
 
 
 
 
 
  -- Chapitre d'immondices --
 
         
        A coups de rames enchantées
        j'écope la suie
        orgue à parfums
        j'essuie la traversée du fleuve nuit
        malgré la fonte du métal  
        les assassins des fruits courent toujours
 
        Je lance des arbres
        le jardin les rattrape
        tout n'est pas perdu
        
        Enchaîné dans les pupilles de l'ordure
        coeur accouché sous X
        les pieds enfoncés dans la silhouette de la terre
        je veux mourir les danses étranglées
 
        Je veux éparpiller leur cadavre
        comme un pont-levis
        une migration de fleurs sauvages
        leurs baisers donneraient des ailes aux horloges
 
        Ne m'écoute pas
        je ne suis pas cette mâchoire qui nous trie
        je suis la musique que fait un homme libre
        l'impact de ta voix douce
        inventeuse de séismes 
        
        Chaque jour
        pendant l'heure réglementaire
        je dévore mes étincelles
        comme si l'éternité durait
        le temps d'un oeuf à la coque
 
        Chaque vie
        de peur d'ouvrir les bras
        j'ouvre en moi 
        un nouveau chapitre d'immondices
 
         
         14-12-2000
        
 
 
 
 
 
 
  -- Ruisseau de couleurs -- 
 
        "Ouvre les yeux" dit-elle
        plumes suspendues à un fil
        
        J'étends mes mains  
        corps de surfaces granuleuses
        relief de regard
        je ne sais pas faire le tour de la lune
        je suis un monde déboîté 
         
        J'amuse le ciel 
        les nuages haussent les échelles
        tombe un liseré de carillon
        un effleurement de sons décorés
        et une fleur qui dure toute l'année
 
        Doucement
        en cachette de moi-même
        je secrète un nuancier
        
        "Ouvre les yeux" dis-tu
        il pleut des cordes à perles
        les couleurs ruissellent
        merveilleux ravages
 
                14-12-2000
 
 
 
 
 
  -- L'amour, sa vie, son oeuvre -- 
 
        
        Presque en dehors de moi  
        applquée sur ma peau 
        une crème à corset
        long filet à trembler les ornières
        
        Tissus agités
        je force à rester basse
        ma poitrine alllongée sous la ligne de murmures
        j'appuie à peine
        pour ne pas t' effrayer
 
        Les bandeaux sur mes yeux
        s'étranglent d'indignation
        devant ton visage
        cette si belle injure
         
        Se pressent des dos en prière
        des amphores en foule
        tout un peuple d'arbustes
        venus des quatre courbes du monde
        pour soulever ton île
        simplement
        parce que je te regarde vivre
        
        Énorme différence
        petit feux au bout des cils
        à mon poignet
        doucement, une montre respire
        un peu plus vite que le métier à mourir
 
        Au milieu de moi
        une lampe à délivrer les oiseaux
        un dégradé de draps noués
        un scandale de couleurs 
        et ta voix  
        chambre à fleurir droit
 
        J'appelle un taxi
        "conduisez moi à l'orage le plus proche"
 
         14-12-2000
 
 
 
 
 
 
-- N'oubliez pas de m'ouvrir demain matin --
 
 
 
Je voudrais repasser la nuit
avec un fer à toucher
grain d'ombre sur grain d'ombre
elle s'empile en désordre
 
Je nage dans l'élixir de ses hanches
remué de roulis
lavé par les papilles  
de désirs sans archives
 
Je me réveille en sursaut
compte mes doigts
les déplie
les écartèle 
me demande s'il se connaissent les uns les autres
s'ils se désirent entre eux
 
Je les entend s'appeler
par les petits noms que je leur donnais enfant
 
Je repars en elle
terreau de cernes
mon regard pousse une brouette
un jardin se remplit
s'inonde d'une mer glaise
 
J'attise ses odeurs humides
ses mottes de rêve
ses gestes de femme en friche
 
Je suis un sexe amarré 
j'ai toute une planète à brûler
des lèvres d'images à poser
 
Je forme en moi
une lampe barbare
une arche d'ancres souples
un outil à chérir la lune
 
J'ouvre une chambre à contenir sa chaleur
la faire tourner 
comme une roue posée en équilibre au milieu d'elle
puis déployée tout autour
 
Je voudrais repasser la nuit
avec un fer à toucher 
je laisse un mot sur les draps : 
"N'oubliez pas de m'ouvrir demain matin"
 
 
7-12-2000
 
 
 
 
 
Pour Audrey.
 
        
        -- Robe de marée --
 
Dans mes mains posées
très doucement
sur un visage que j'aime
j'entends la mer
 
Quand j'ai bien appris par coeur
son sourire de sirène
je le pose sur ma joue
 
Je tourne le dos aux vagues
pour écrire quelques  battements d'encre
sur une feuille
et je la lance en arrière
à la vitesse des étoiles de mer
 
Je sais bien qui la lira
 
        1-12-2000
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 -- Comment les vieux de Sartène changent l'ordre de
l'univers quand ils se
retrouvent pour causer sur les bancs, à la tombée du
soir -- 
 
 
 
Il n'y a pas d'étoiles 
rien que des bouts de bancs 
frottés l'un contre l'autre 
là où les vieux viennent s'asseoir 
face au granit
quand le soir tombe sur Sartène 
 
A gauche du banc
Antoine Poletti commence la joute : 
 
"Les astronomes du monde entier 
ont passé leur vie 
à dresser les cartes du ciel 
avec les âmes des mensonges 
de quelques vieux qui font angle droit avec la terre 
et se racontent des histoires de cochons grillés 
mêmes pas bonnes à foutre le feu au maquis 
 
Elles sont parties depuis longtemps 
les étoiles 
le ciel des hommes est trop étroit 
rien à tirer 
de cette planète de tueurs de jardin 
de numéroteurs de corps célestes" 
 
Au mileu du banc, 
Laurent Sassatelli s'agite : 
 
"Moi 
sur Ganymède 
j'ai connu une femme qui habille les âmes 
avec ses lèvres 
mobiles dans plusieurs espaces-temps 
chaudes comme le cul du big-bang
crépitante comme une étincelle de cédrat"
 
J'ai connu des collisions d'amour 
des lunes laissées trop longtemps sur le feu 
qui donnent naissance à des univers entiers
alors vous pensez bien
la terre
ce caillou à l'eau verdâtre
ce sphéroïde mou sous la dent...."
 
C'est compter sans la réplique
d'Oscar Nicorosi
assis à la droite du banc : 
 
"Il reste bien sur terre 
quelques étoiles en exercice 
elles meurent dans les toilettes d'un lycée 
d'une marelle sur un champ de mines 
d'un seul mot pas prononcé 
d'un soleil mal rêglé 
les hommes les débusquent une à une 
pour les tuer 
 
Pourtant 
quand les étoiles se mettent à parler 
c'est encore plus beau que le Kyrie Elison 
chanté par Céline Dion
mais personne ne les écoute 
 
Quand il se rend au cimetière 
l'homme éteint les dernières gouttes de l'arrosoir 
et ferme a terre à double tour 
derrière lui 
 
Les étoiles 
sont des enfants qui saignent de la lumière 
des copeaux de verrous
des petits bouts de ventre qui palpitent là-haut "
 
Et là, 
assis nulle part
leur ancètre à tous
aussi vieux que le dolmen de Fontanaccia
éclate de rire
un rire qui retourne le banc comme un gant
et les couche tous en croix sur le sol : 
" Mécréants ! 
Il y aura des étoiles 
des vraies 
le jour où plus personne ne sera là 
pour les regarder naître 
et leur chanter des nanne *
 
Il fera nuit sur Sartène 
les vieux mourront l'un contre l'autre 
comme des silex 
et du bout du banc 
partira un grand feu d'ombre 
qui dévorera le maquis 
et au bout de trois jours 
on n'entendra plus jamais parler du ciel "
 
 
* berceuses
 
30-11-2000
 
 
 
 
 
 
-- La cérémonie du ciel  --
 
 
Devant le miroir, elle se prépare pour la cérémonie du
ciel. 
 
Sa peau se resserre très doucement autour d'elle, la
prend dans ses bras. 
Elle pense : "Ma peau respire plus fort pour être tout
près de moi". 
 
Une goutte d'eau montée du sol lui coupe un peu le
doigt. La première. Elle ferme les yeux pour éviter
l'averse.  
Elle les rouvre et lit sur le miroir : " N'oublie pas
d'habiller le soleil".
 
Elle dit "Oui", sans parler, sans hocher la tête.
Juste avec son visage qui fait
"Oui". 
 
La cérémonie du ciel peut commencer.
 
Un flacon. "Essence d'ombre bleue". Elle dessine un
sourire de parfum au creux de sa main. Le pose sur le
miroir. En met aussi un peu sur son épaule, pour avoir
l'impression de porter une odeur en bandoulière. 
 
La glace se recouvre d'esquisses de regard. 
Pour ouvrir tous les yeux en même temps, elle souffle
sa vie sur le miroir.    
Maintenant, les yeux la contemplent, s'étonnent
d'elle.
 
Elle choisit quelques pots de crème d'ange. Les touche
un à un pour se décider. Prend le plus chaud, le garde
un moment dans sa paume, sans l'ouvrir. Juste le
sentir. 
 
Elle rit avec le creux de sa main, écoute le battement
du pot dans ses doigts. Le retourne. Puis demande  :
"Est-ce une lune à visage ?"
 
Sous le pot, elle lit : "Non. C'est un paysage à
appliquer autour des yeux". 
 
29-11-2000
 
 
 
 
 
 
 
 
 --- Soleil antique --
 
 
 
Cet homme 
simple comme un os d'enfant
meurt debout depuis longtemps
au sommet du sein fossile
 
Il souffre de la maladie de la lumière
sa mort sera éblouissante
luira d'un éclat sec de pierre enrouée
 
Pour marcher 
il suit le vent 
les courants d'âme sur les veines de la pierre
les traces d'eau brûlée
 
Il ne se déplace que sur les failles
si ses pas touchaient la vraie terre
il tomberait dans ce néant débordant
que certains métaphysiciens nomment la vie
mais il a peur de ce grand trou tactile
 
Avant de réfléchir
sur la tectonique des hommes
et prononcer une phrase historique
il aimerait boire  
 
Depuis qu'il est en route
Il a perdu  
trois kilos et cent quatre vingt deux grammes
son poids exact le jour où il est né
 
 28-11-2000
 
 
 
 
 
 
-- Chanson pour l'étoile tropicale --
 
 
Étoile tropicale
poudre d'or tiède sur la nuit en robe de bal
j'ai quelque chose à te dire
à te crier te murmurer te bondir
laisse moi ouvrir le toit
laisse moi verser mon coeur dans le ciel
écoute bien mon secret
même si tu le connais
 
Je mords les doigts posés sur ma bouche
cette nuit
pas question que mon coeur se couche
 
Je sais
il est tard
la terre tourne et s'éteint le soir
je devrais dormir depuis longtemps
mais je me souviens de trop de choses
je me souviens d'une rose
 
Ses ailes dépassent de mon cartable
 
Je l'ai rencontrée sur le sable
un jour tout bleu 
ce jour ressemblait comme deux gouttes de pluie 
à un éclair qui durerait toute la vie
ses yeux lançaient des fruits mûrs
quand elle sourait  
je te jure que l'eau fleurissait
 
Elle n'allait pas à la même école
on ne buvait pas dans le même bol
on se voyait
à chaque lune de feuille
quand le vent nous faisait des clins d'oeil
quand les coins de vie se faisaient tout doux
comme des bras chauds enroulés autour du cou
 
Chez elle
elle a une collection d'étincelles
certaines vieilles comme la Terre
d'autres mêmes pas encore nées
elle sait toutes les regarder
 
Étoile des pays chauds
arrête de clignoter tout haut
je te vois briller dans l'eau
je sais que c'est trop beau pour être faux
mais laisse moi continuer
c'est mon tour de parole
alors je vole
 
Les jours où je l'aperçois
mes mains se noient dans leurs doigts
je ne sais même plus si ce sont les miennes
 
Étoile des vents de chaleur
je voudrais tant savoir parler fleur
tu sais
cette nuit 
j'ai envie de disparaître en faisant du bruit
pour que que tout le monde me cherche
en espérant qu'elle seule me trouve
 
 
 
 Pour  remonter le temps, cliquez sur le myosotis , direction la page 24