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- Ta page nocturne -- Ce soir j'ai nettoyé tous les carreaux de mon cahier les mots étaient devenus un peu flous il manquait quelques lettres la neige tombait dans les trous Dehors, de grandes feuilles en velours bleu s'ouvrent comme des lèvres sur les arbres elles s'embrassent elles croient que je ne les vois pas J'ai envie que tu viennes je te dessine sur la fenêtre demain matin tu me raconteras souvent, quand tu m'expliques c'est encore plus beau que si j'avais tout vu moi-même Demain matin, j'écrirai ta nuit dans le cahier et j'y mettrai quelques lèvres mais surtout pas pressées entre deux pages je les garderai vivantes Et j'aménagerai des chatières à rêves sur chaque porte de la maison ils pourront rentrer et sortir quand ils voudront Mais fais attention la nuit a plus d'une lune dans son sac si les arbres t'aperçoivent leurs baisers se cacheront et tu n'arriveras plus à sortir du verre il faudra que je t'enroule au bout de mes doigts pour que tu redevienne entière Je ne veux pas rêver sans toi couché dans cette page trop grande pour moi mes lèvres fermées de froid alors je trace un soleil sur ta joue et j'attends doucement qu'il te réchauffe 27-11-2000Aux doigts posés sur mes lèvres, ceux que j'embrasse. -- Dans la cave à ouvrir les mondes -- Je courais dans la galerie des yeux ouverts. Ces ouvertures dans la ville, ils les appelaient des tableaux. En naissant, ils avaient tout oublié : c'étaient des fenêtres à projeter l'âme au bout des rayons du soleil. Ils ne les voyaient pas bouger. Ils disaient "venez visiter les musées". La fronde du ciel les attendait. Un trypique m'avait avalé. Mes vertèbres s'égouttaient sur les cordes à élever les regards. J'étais le dos d'un rêve. J'errai en boucle dans les pinces du dédale. Hyeronimus versait un damier de Dali dans un verre de banquet, étalait des cornettes de bonnes soeurs en guise de nappe. J'aimais souffler dans les églises pour qu'elles s'échappent et volent comme des ballons d'enfants. Je leur accrochais des voiles, tressées en rêve d'oiseau. Je levais la tête et regardais Dieu rajeunir, j'aimais le voir préparer des bêtises qui allaient peut-être rendre le monde meilleur. Inlassablement, de nouvelles fenêtres s'ouvraient. Habillée de clair, tu marchais à mes côtés, ton rire sonnait comme un trapèze à encorner les ronces, une brûlure en fleur retirant les écailles qui bouchaient la lumière. Longtemps, j'avais été un piment rouge suspendu aux volets de la lune. Parfois je demandais au ciel "réveille moi". Mais je devais toujours ouvrir d'autres yeux au monde. Parfois, les yeux ne prenaient même pas la peine de rester assis sur les murs, ils venaient s'ouvrir à même ma peau. Je me souvenais de longs cris pressés hors du tube, de beautés lacérées, d'écharpes en lianes venues revisser les rivières. Je me souvenais qu'aimer était la seule signature. Mon esprit tenait ta main pour ne pas s'engloutir. Des obscurités joueuses me percutaient en diagonale. J'étais une coque vrillée, un oeuf torsadé lancé en toupie dans la gueule d'un bourbier. J'espérais être très dur à digérer. Parfois, je demandais au ciel "referme-moi". Alors, un parapluie de rosée ouvrait plusieurs mondes enchâssés les uns dans les autres pour m'ôter de la poussière. Je pouvais continuer à marcher. Tu dansais à côté de moi, à chaque pas, tes carillons de visage greffaient des sources sur mes rampes aveugles. Il neigait des clés de voûte très douces, des encorbellements d'enfants orangés. Personne ne mourait derrière les portes. Il fallait simplement continuer à courir en ouvrant les yeux du monde un à un. Je lavais les gris avec des pluies de carmin. J'engrangais des bruns pour avertir les soleils des nuits qui les brûleraient demain. Je prenais cette lumière pâteuse à grands paniers de plaisir. J'étais une cornue remplie d'effroi, je marchai en pilant la poudre des os du diable. Le feu se torchait sur les murs, projetait des ombres, les unes aigües comme des couteaux, les autres douces comme des recoins de caresses. La ville perdait les eaux. Je la laissais agiter ses rues en moi, tremblant du désir de dérouler des colliers d'éclairs autour de ton cou, saisi de la fièvre de nommer les astres. Parfois, je demandais au ciel "brûle moi", et il me trempait dans les lèvres d'un volcan. J'en ressortais tout neuf, creusant de nouvelles galeries, forant de nouveaux nids à images, de nouvelles bouches de couleurs. Tous mes ponts ruaient en rond. Il n'y avait plus de mâchoires accrochées aux draps. Les murs étaient nés. Leurs yeux encore titubants buvaient les derniers restes des fissures. Du doigt, tu désignais les mondes ouverts et, à grands déploiements de rideau, le matin riait dans ta lumière. 1-11-2000-- En alerte alanguie -- Je viendrai te rejoindre tout à l'heure je suis un peu fatiguée ce soir je voudrais poser l'ovale de mon visage sur ton épaule pour te faire une rosace un atelier de baisers un nuancier à entourer les cris Rue de la Grande-Chaumière seuls deux lampes ont laissé leur lèvres allumées celle de ton pinceau celle de mon corps elles se parlent d'espace à espace je prends forme doucement doucement tu me projettes A la place de mes yeux tu as peint deux petits sexes bleus c'est ma robe qui te regarde verte comme le sang d'un jardin Tu m'as faite douce et dressée en alerte alanguie maintenant viens viens signer tout en bas de moi viens brûler ton nom tout au fond de moi Amedeo Modigliani 1-11-2000-- Un trait posé sur ma maison de verre -- J'ai couru longtemps dans les couloirs d'une prison sous l'eau mes cheveux verts sccrochés aux barreaux je m'évadais de moi pour aller danser à la surface des couleurs Un tableau traversait la ville en bateau à chaque rive de rue les gens d'ici le complétaient en se penchant sur l'eau J'ai traversé des corridors d'épaisseur des plumes au bout des cils des cascades de soie rouge intense leurs plis souriaient sur toi Puis tu as cousu quelques gestes simples les uns aux autres comme celui de verser doucement de l'air dans ma poitrine Trois heures de marche sous un ciel vert deux yeux évadés peints sur un pont un trait posé sur ma maison de verre 1-11-2000"l'empreinte de ses dents à elle sur sa peau à lui dessinée de mémoire par un moine" -- Michael Ondaatje -- Dans l'arrière boutique de mon avant-dernière vie -- Mon avant-dernière-vie était construite en bois de merisier un beau bois pur sans un seul noeud de regrets quand nous passions le rideau de perles nos pas sur le sol faisaient des bruits de baiser Elle avait de grandes pièces très lumineuses les gens du quartier aimaient s'y rendre après leur travail et parler ensemble des cailloux dans leurs mains en partageant des gâteaux d'abri Mon avant-dernière vie était tenue par une femme aux longs cheveux animés d'une vie propre son corps était une traînée de poivre versée dans la lumière elle brillait comme un citron chaud dans une tasse de thé Elle n'avait pas son pareil pour lancer des écorces d'orange amère dans le feu de la grande salle leur parfum nous racontait des histoires nous parlait d'une vie douce d'un endroit secret où nous pourrions aviver nos couleurs et cultiver nos caresses Par une trappe au dessin de pétale les meilleurs d'entre nous se glissaient la nuit dans l'arrière-boutique de mon avant-dernière vie les propos que nous échangions alors étaient couverts par le bruit d'un océan veilleur que portait la femme dans ses mains en coupe J'ai passé là toute ma vie à respirer ses reins pendant qu'elle veillait sur le seuil en respirant profondément pour distribuer l'air à parts égales sur nos tables lorsqu'elle croyait que personne ne la voyait elle aimait faire rouler doucement le rideau de perles sur ses seins les fleurs qu'elle venait ensuite piquer dans nos vases avaient un toucher particulier celui du gémissement d'un flocon de neige pressé contre un ventre chaud De l'arrière-boutique de mon avant-dernière vie les gens repartaient comme ils étaient venus en aspergeant les murs d'un peu d'eau de leur puits pour que les murs grandissent J'ai tant aimé le moment où ils sont devenus si vastes que vous avez pu venir marcher chez moi sans jamais les atteindre 21-10-2000-- A même la lumière -- Deux tournesols l'un en l'autre deux langues d'or enchâssées s'aiment au dessus d'un champ de corbeaux Biberon de charbon dans un nid en brindilles d'oreilles coupées Sur son lit de mort la pâleur maudit Vincent un jour elle reviendra le boire elle le jure Entre les jambes des brindilles son rêve allume un feu-fille Il sait les sillons les étreintes digitales l'exacte densité du sang des cigales Il prend son pinceau sa fronde à folie ce soir il écrira à son frère "il y a le feu au paradis" Il lance son corps dans la fournaise laisse une trace en forme de pierre haletante une église aux élytres brasillantes Dans la main de l'homme aux entailles crépite l'aura du mystère la vulve de la lumière sexes ondulants sous le vent des visages leurs lèvres caressées par le cri au bout du souffle Seulement deux yeux chacun pour regarder cela il en faudrait des milliers Entre quatre murs à trois sous au milieu de ses pupilles grandes ouvertes sur l'enfer après l'amour Vincent fume un bon bleu de prusse sur l'oreiller puis il se tire un soleil dans la tête La lumière était chargée le canon du pinceau est encore chaud il pleut dans l'arène aux étoiles Dans le champ ses toiles continuent à pousser ses enfants s'impriment à même la lumière Tous les 27 juillet Dans sa boîte à bijoux le nuancier des civières vient dire à l'homme qui voyait trop clair "la couleur durera toujours" 19-10-2000"Ne dirait t-on pas, que peu à peu et par un long détour, je me suis évertué à faire de l'homme que j'étais, du penseur, un enfant ? Et pourtant, ce détour doit avoir du bon, pusque l'oiseau qui chantait dans ma poitrine n'est pas mort" -- Herman Hesse, "Siddharta". - Propos recueillis par un escargot le soir où le Bouddha fut saisi d'une crise de paludisme -- Ces propos sont irréfragables ils sont conservés sous les chapeaux des Horse Guards de Buckingham Palace ce sont des secrets à qui il est interdit de parler sauf le dimanche à l'heure du thé quand les morts viennent nager dans le panache de fumée Je vous les confie tout de même car j'ai pitié de votre main crispée sur ce caillou rond au sommet de l'Anapurna le sein de femme le plus haut du monde était-ce bien la peine de transporter toutes ces bouteilles d'oxygène pour une caresse ? Préférez-vous que je prenne votre main et vous relève ou entendre des propos qui pourraient changer votre vie adoucir votre chute changer votre cri en lèvres d'harmonie donner sens au bruit de votre écrasement ? L'être qui m'a confié cela est un oiseau digne d'attention une horizontelle épouse d'un horizon un moiseau un toiseau qui a couvert Gautama de quelques plumes de satori bien chaud pour l'aider à passer sa première nuit en dehors du monde de l'illusion le genre d'oiselle qui connaît le sens de montage de ses ailes qui saît où et à combien dénicher des petites robes en solde sous les neiges éternelles Patientez un peu avant de glisser et écoutez Or donc, un escargot vint se réchauffer sur le crâne de Siddharta Gautama alors en proie à la fièvre des mains ouvertes celle qui se dépose régulièrement en fines lèvres de maladie sur les Bouddhas exposés à la réverbération du paradis au bord des rivières des lits Oreille en promenade Il entendit ces étranges et lumineux propos sourdre en gouttes de sueur de lotus sur le crâne de Siddharta : "saisir la vie en tenaille avec les plumes et les entrailles comme deux doigts à défaire la coquille de l'ignorance" Le gastéropode en pagode n'en crut pas sa coquille la pensée du Bouddha lui nettoyait l'intérieur avec une brindille l'horizontelle passa par là et donna les paroles sacrées à ses étoiles qui demandaient la becquée Mais vous bien sûr, je le constate tout ce qui vous intéresse, c'est de glisser bêtement du sein de la Très Haute Maman avec de petits cris désordonnés et des petits chocs même pas bien pliés contre les rochers vous m'excuserez il est l'heure de la relève de la garde à Buckingham sous le chapeaux d'un des gardes un escargot nous entend Si vous trouvez quel garde et quel chapeau vous tomberez de moins haut et vous mourrez moins grièvement car votre chute amortie par le crâne du Bouddha qui vous attend en bas lui fera découvrir par illumination la loi de la gravitation 18-10-2000, enfin paraît-il ;-)-- Où va ce cortège ? -- Ils marchaient les uns derrière les autres certains très fleuris les autres sombres comme une motte de terre Une fanfare les précédait j'ai demandé : "où va ce cortège ?" Un seul d'entre eux a daigné me répondre "ne croyez pas que je vous regarde je marche sans jamais ouvrir les yeux j'ai simplement un torticolis tourné par hasard dans votre direction" Marchant par petits sauts sur le côté pour ne pas le perdre de vue j'ai insisté "où va ce cortège ?" il m'a accordé un sourire en coin de cou "nous allons enterrer nos coeurs puis nous repartirons en dansant les uns derrière les autres la musique jouera plus vite des airs plus insouciants" Je n'étais pas satisfait avec son cou tourné il ne me disait pas toute la vérité je lui ai gentiment fait remarquer "vous devriez regarder le monde en face" j'ai descendu en quelques bonds habiles la moitié de la file et repéré un autre homme à l'air attentif j'allais enfin savoir où allait ce cortège il marchait avec une toile et des palettes portatives et peignait la procession à grand pas de pinceau il a désigné la tête du long serpent d'hommes : "vous voyez ces cercueils ? nos coeurs y reposent mais nous nous allons les planter verticalement dans la terre pour déranger l'ordre du monde qui veut toujours coucher toutes choses voulez-vous tenter l'expérience ? " Il avait raison c'est bon d'être debout dans la position natale de l'amour ils repartent les uns derrière les autres la musique est devenue très gaie comme des enfants qui courent dans tous les sens un soir d'été après un mariage J'aime les regarder s'éloigner je serais quand même curieux de savoir où va ce cortège 12-10-2000"je voudrais rentrer à la maison mais la maison c'est moi" - Marie Mélisou -- Quand ma maison viendra s'asseoir sur mon seuil -- Lorsque je rentrerai ce soir ma maison aura changé de place je m'en apercevrai aux coutumes différentes des chats sur les toits Elle ne se souviendra pas de moi sa porte me reniflera suspiscieusement "le monde a tourné sur lui même" m'expliquera une chatte en position du lotus Ma maison voudra des preuves me demandera de déposer nos moments heureux sur son seuil pour expertise "Soit" concédera t-elle je te reconnais mais je ne comprends pas avant, vous étiez plusieurs" Assis sur le seuil caressant sur mes genoux les lointains descendants de mes chats je me me souviendrai tout haut : "ils m'ont habité longtemps mais un jour ils ont construit un dehors en pierre d'horizon puis leur absence m'a cambriolé" Ma maison m'ouvrira grande la porte du jardin "regarde j'ai créé des fleurs à votre effigie j'aime les offrir aux passants sur la route pour que vous soyiez surs de vous rencontrer partout où tu marches" Alors ma maison et moi nous pleurerons longtemps à grandes larmes de glycine à grands claquements de volets Puis nous irons marcher dans le jardin et donnerons des noms d'étoiles aux chats en faisant semblant de penser à autre chose comme si nous étions des enfants construisant une cabane en brindilles de mémoire l'après-midi au bord de l'eau avant de rentrer à la maison 11-10-2000-- Les oeufs du vent -- Le vent à cinq branches était venu pour nous écarteler. Il soufflait sur les grains de la table. Il apportait la neige noire, le métal dans les reins, la compression des entrailles. Le vent venait pondre la nuit. Il arrivait en haut-de-forme, montrait cinq cartes à cinq doigts, les mélangeait à la lumière. Puis il demandait laquelle était encore vivante. Dans les mains cornées étaient piquées des poussières à tricher. Puis il faisait d'autres tours, comme scier le soleil, ou lancer des étoiles de mer dans le trou du ciel. Ronciers d'images, les corbeaux claquaient au bout de ses foulards. Pour l'effacer, nous courions à la vitesse des graines, dansions autour de nos lèvres. J'avais laissé mes yeux dans des coquillages, je pouvais voir les galets s'engouffrer dans sa manche. Il les déguisait en lunes grises, puis les propulsait vers nous pour qu'elles viennent cendrer nos visages. Le vent sussurait : "je viens d'après vous, je suis le drap qui vous éparpille". Nous lancions des filets à cratères, des frondes à baisers, des orgues à aurore. Nous dansions et nos chants nous évasaient. Il ne savait plus où creuser. Lêcheur de tunnel, à chaque coup de langue, il nous enlevait un mot. Il nous fallait forer des nids, piler nos cris en volières de piqûres, nager, nager dans la soufflerie du ciment. Sous le poids des oeufs noirs, la moitié de la table était déjà au dessus de l'eau. Le souffle rauque retournait la plage, reniflait la mer, édifiait des pyramides en pierre de peur. Nous scandions ses arêtes, nous agrégions en longues traînes de lucioles. Le jour où l'un d'entre nous eut l'idée d'apprendre à lire au vent, il se déchira sur la première page, émietté par les histoires que nous avions écrites pour le décoller du monde. Nos livres le burent jusqu'à la dernière coquille. On conserva la table suspendue au dessus de la mer, en souvenir du souffle qui avait voulu nous effacer. Et lors de nos fêtes, nous laissons désormais un livre allumé sur le port, pour repousser les oeufs du vent. 10-10-2000Took a walk down the street Thru the heat whspered trees I thought I could hear Somebody call out my name as it started to rain" (bon anniversaire à John Lennon) -- Pensées d'un arbre voyageur au bord du fleuve Soleil -- Cher jardin germain, Je vous envoie une petite écorce de pensée depuis la place Esquirol là où on embarque vers les étoiles dans de grands bateaux rouges tout à l'heure j'ai voulu boire un thé à la feuille de mésange mais le serveur est venu vers moi et m'a jeté en pleine sève "ici, on ne sert pas les arbres voyageurs" pourtant, j'avais posé mon coeur sur la table pour payer enfin j'en avais posé la moitié l'autre moitié est sur l'autre lèvre de la Garonne bien au chaud dans une goutte de femme tout au fond de la poche du ciel mais il s'en moquait le serveur il ne voulait pas d'ennuis avec la police déjà occupée à repeindre quelques visages un peu foncés dans l'arrière-boutique d'un pavé quand le serveur m'a chassé, je me suis déraciné avec un bruit de succion désolée et j'ai rejoint à l'entrée de la rue du Taur une aurore boréale qui mendiait je lui ai laissé ma moitié de coeur de toute façon elle ne sert plus à rien tout juste bonne pour les chirurgiens de toutes ses draperies l'aurore boréale m'a dit "merci avec ça, je vais me payer un voyage en Carélie que voulez-vous on n'échappe pas à ses racines" oser me dire ça à moi, un arbre voyageur ! enfin cher jardin germain si vous voyez une aurore boréale arpenter votre île de givre faites lui porter par Jade un os de soleil séché mais je dois vous laisser il fait soir je suis arrivé en face de l'autre lèvre de la Garonne je bois le flleuve en compagnie des fleurs sauvages et des oiseaux en briques roses cher jardin germain, portez-vous bien moi, cette nuit au milieu du Pont-Neuf j'ai rendez-vous avec mon ange jardien elle mettra sa robe en bois de nuit blanche avec un imprimé de roses en plein vol et moi mes feuilles du dimanche et on jouera une bonne partie de lunes croisées en regardant l'eau monter 9-10-2000"Le silence comme une flûte de rose un violon de nacre (...) Le silence comme une vitre d'orgeat une paume de vanille" (même série de textes d'enfants) à Aaron. -- Lettre d'un arbre à son jardin natal -- Quand tu liras ma lettre ton jardin aura déjà fermé les paupières je te vois d'ici c'est la nuit tu tiens le monde à bout de bras criblé de rêves lesté de lunes et ma lettre saute par la fenêtre sans réveiller le chat accoudé sur ton coeur moi et mes pommes nous sommes concertés rassemblés au milieu d'un grand cercle un grande bouche en bois d'enfant tendre comme le reflet d'une envie dans un oeil il nous fallait partir tu sais il pleuvait des doigts posés sur les lèvres des feuilles j'avais peur qu'ils éteignent mon visage et puis, je cherche ma soeur ma soeur aux doigts de pastel au ventre de menthe poivrée aux longues robes en pages de livres ma soeur qui croustille sous l'âme ma soeur qui pétrit des tapisseries en grains de sable ma soeur qui habille les maisons de grands draps de soleil pour que la lumière retrouve son chemin, le matin alors, j'ai empilé quelques larmes dans une valise des mouchoirs au bout des branches pour faire signe et devant moi à perte de racines se dépliait l'origami du monde j'en ai couru des vies avant d'arriver ici à la mer j'ai couru à m'en rompre les rêves j'ai couru à grandes lampées d'étoiles j'ai traversé des forêts mordues par les flammes les pétales du feu me couronnaient de vacarme et me voilà je t'écris aujourd'hui sous une tente de papillons de nuit je vais m'enraciner dans la mer les joues de mes feuilles tout contre la ligne d'eau le sel étreindra ma peau n'oublie pas de dire à mon jardin natal qu'on fera de moi du bois de bateau et que les enfants du port dessineront des sourires sur mes pommes demain, à la première marée de rosée tu viendras lui lire lire ma lettre et mon jardin sera fier de moi 8-10-2000Pour remonter le temps, cliquez sur le myosotis , direction la page 23