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"Le silence comme une pomme de neige ou un fruit de verre (...) Le silence comme un lac de lilas un iceberg de duvet" (2 textes d'enfants)* -- J'ai tout dit à la pomme -- J'ai tout dit à la pomme tes bras vendangeurs d'étincelles tes cheveux tombés d'une nuit trempée dans l'acajou j'ai scandé les grillons violoncelles accouplés sur ta gorge ceux qui résonnent des ailes de ta voix la pomme vibrait de jus crépitait de cristal elle réclamait la suite pomme, je vais te confier le plus incroyable à condition qu'aucune branche morte n'écoute aux portes regarde bien à gauche puis à droite vers le matin puis vers le soir pour vérifier si on peut traverser la suite de l'histoire à dos de feuille d'automne pomme, approche toi, je vais te le dire à l'oreille (ici je lui ai soufflé les ouragans de jasmin nés du déplacement de l'âme quand tu marches mais je n'ose même pas l'écrire en mots de peur que le soleil se mette à te suivre partout) la pomme savait tout maintenant elle avait pris ta saveur s'étoilait déjà en tartes immenses grandes comme des bateaux sauvages ceux qui délacent la robe de la mer Et sur le pont de la pomme couraient des enfants rieurs pêchant des vagues pour les ramener chez eux le soir et les élever dans un vivier à rêves posé sur le rebord de la fenêtre à portée d'oiseaux alors gorgée de toi la pomme s'est retournée dans l'arbre comme une clé se retourne dans une serrure et elle est née dans ma main 8-10-2000 * je préfère manger à la comptine :-) -- Saignement de rêve -- Se réveiller démarrer sa première pensée faire chauffer la journée J'étais bien je marchais dans une nacelle suspendue au dessus de la mer je dressais la carte des îles du ciel mais mon rêve s'est mis à saigner sa beauté a débordé alors j'ai sauté Le ciel s'est endormi je l'ai bordé avec mon premier pas sur le carrelage avec des baisers qui lisaient son visage en lui racontant une histoire avec des vrais morceaux de vie dedans Le vent saigne en chantant Le café a comme un goût d'arrière-vie je saute par dessus les entailles des gouttes "Gravir le monde jusqu'à la porte de la cuisine suivre la direction de la queue du chat et se plier en poudre jusqu'à tenir tout entier dans la tasse" Qui a laissé ce mot sur ma peau ? Rivière accrochée je berce une goutte prononcée par le robinet balancée d'arrière en avant souffle qui te cherche souffle qui te trouve souffle qui te perd Pour te rêver plus loin demain j'irai dormir dans le jardin 6-10-2000 "d'après les fenêtres il pleut toujours il n'y a personne autour à décevoir" - Mathieu Boily -- Paliers de lecture à mains nues --- Si tu as détourné les gouttières Et joué aux perles à palper les lumières avides A tenir les toits dans tes mains Je ne t'en voudrai pas Si tu as fléchi les rites Des coups de corne à la rivière des vies Pour rendre tes paupières tangibles Je ne sursauterai pas Si tu as écarté les stores Des amples soucis à labourer tes draps Ceux qui tiennent tes nuits encordées l'une à l'autre Je ne mordrai pas la terre Si tu laves à grand feu la frénésie feutrée De nos gangues en gloire Le chemin de poussière de nos verres déchirés Je tremblerai Jetterai mes épaules de ténèbres Et Pour effiler tes doigts Et raviver leurs angles à rafraîchir les fronts Je lirai à mains nues L'étendue qui gravite au revers des serrures 5-10-2000 "Il y a dans le temps d'inépuisables provisions de scondes qui ne cesseront jamais d'exister, et à chacune d'elles, le débordement des gouffres s'avance sur les plages de la terre et les couvre de naissances vivantes" -Jean Giono, Triomphe de la vie- -- Danse de la pluie -- Je tourne sur un manège de feu, mes doigts de vapeur prennent matière, jettent un manteau de peau sur le soleil. Mes bras sont fumées, mon ombre rouille sur le sol, ne me suit plus, gravée dans un monde qui n'entend pas encore ma voix. Je suis la soif des gestes. Je nage sous tes paupières, ris dans tes lèvres et arpente mon échine, cavalier de mon propre corps. J'attise le ventre de nos images. À chaque battement de tes cils, des éternités s'écoulent de moi en filets brillants, ensemencent la terre, érigent des arbres, couchent des falaises, ornent le monde d'un rond de sortilèges vivants. Je dois rester bien en haut du manège. Si je mets pied à terre, si un seul de mes cheveux effleure le sol, le feu s'arrêtera de tourner et je serai gravé dans le monde comme un point immobile, je percerai la terre, trouerai son noyau. Plus rien ne bougera, et les flammes ressembleront à des tours dentelées, rouges et impénétrables. Je pétris mon souffle, le courbe comme un pont, j'arque mon corps à la forme du creux du soleil. Lorsqu'elle passera sur moi, la lumière incurvera le temps, y tracera un ovale, celui de tes yeux. J'entends le coeur des arbres sonner l'heure intérieure. Aquarelle de cloches , le chant des feuilles conduit par l'eau se diffuse en ogive autour de ma tête, leur son se mêle intimement à mes cellules. Je suis ce bruit sourd, émouvant dans son dépouillement, redoutable dans sa profondeur, respirant le moindre recoin de la vie. Je cherche l'arbre qui attirera l'eau comme le fer attire la foudre. J'effleure ton visage à la vitesse du creux des reins. Je danse sans jamais m'arrêter, sans jamais mettre pied à terre, je suis le tourbillon du sang, la peau-toupie qui appelle ta pluie, je danse à en pleurer et si une de mes larmes touche le sol, il en jaillira des fleurs, celles que tu portais sur ton chapeau, un certain jour. Les fleurs de manège tourneront avec moi. Je prends des risques dans mes bras. 23-10-98/3-10-2000 "The scattered pages of a book by the sea Held by the sand, washed by the waves" (Genesis, Foxtrot) -- Il s'est passé quelque chose ici -- Il s'est passé quelque chose ici Une rose trémière s'est retournée dans son lit Les draps tirés ont découvert le monde Il est tout nu maintenant le monde La lumière marche à même sa peau Le vent qui le traverse Se charge de sons étranges Comme une caravane de voix attachées l'une à l'autre Un vol de souffles tendus comme un arc Traverse ma poitrine Toutes mes mains te regardent Il s'est passé quelque chose ici Ou bien quelqu'un a repeint la vie avec des parfums Des longs parfums décolletés Des fragrances aux hanches délacées Je ne reconnais plus les angles de l'horizon Il s'est habillé en robe du soir Une robe de dunes faite de nappes de chaleur Une robe de cheveux et d'algues Qui palpite à même le coeur Le soleil marche sur les bulles du sable Je traverse la tempête de cris Sur le fil de la fourrure d'un renard des sables Tous mes yeux te caressent Il s'est passé quelque chose ici La lune rampe comme un chat sous une porte S'allonge comme une feuille d'eucalyptus A dos d'étoile Je traverse un chant hérissé de corolles Quelque chose est venu ouvrir des fenêtres dans la terre Une sorte de rayon de vent Qui soulève les bras de l'horizon L'eau dans les grains du sable Me demande d'où je viens Mion rêve lui sourit Tous mes pas te marchent 30-09-2000 -- La colère est une bouilloire morte -- La colère est une bouilloire morte Sur la plaque Chauffée au bleu L'eau des yeux disparaît Bue par le feu à lécher les vies Je ne l'écoute pas Essuie son écume d'un revers d'amour Autour de la cuisine J'ai tendu un drap Pour que la vapeur aigre se voie fantôme Courant après sa queue Le rire des yeux déborde Se sauve en sifflant Les enfants se passent les gouttes Chauffées au bleu Je les aime comme ça Les enfants lanceurs de torrents La nuit, ils se glissent sous le drap De la cuisine Dessinent des yeux sur la bouilloire Elle peut enfin pleurer Pleurer la soif brûler le drap Vivre Relié en ronds de fumée Un livre s'échappe Par l'âme de la bouilloire Les enfants jouent à la mémoire Sa colère en lambeaux La bouilloire siffle des enfants par sa peau Chauffée au bleu Elle prépare le ciel pour le goûter 28-09-2000 Ils s'en allèrent dos à dos oubliant qu'au bout de la circonférence ils devraient à nouevau se faire face -- Mimy Kinet A toi, à qui je pense. Simplement et infiniment, pour toi. -- Papier à vivre -- Je me suis lavé à la bougie juste avant de me réveiller. Vétu de cire chaude, j'ai regardé en l'air. Les cheveux du ciel avaient un peu poussé et gravaient des chansons sur la cire autour de moi. Je voulais boire tes larmes, les essuyer au soleil. Mais tu fermais doucement ma bouche. J'aime penser à toi au début du jour. J'aime te voir quand il n'y a encore qu'un demi-soleil. Et faire l'autre moitié moi-même. Aujourd'hui, sur le papier à vivre, mon rôle disait "Intérieur Vie. La scène se passe dans une salle de vérité". Ces nouvelles salles avec les écrans qui saignent, des puits mouvants et humides où s'installer et des tailleurs de happy end qui arrivent jusqu'à vous par les gouttes au bout des mèches et prennent vos démesures. Tu seras là aussi. Tu es partout où je suis. Quelques épaisseurs de nudité autour de ma peau, je me suis bien calé sur les accoudoirs du puits. La projection a commencé. Le rayon à images et à paroles entrait par les pores de la margelle. J'ai compris. Ces fameux nouveaux écrans, c'est nous, nous dedans. En première partie, il y avait un documentaire de Méliès. Il parlait de la lune qui marchait sur toi. Si les vivants étaient déjà nés, ils auraient parlé de trucages, se seraient bouchés les oreilles avec du bruit. Je les connais trop bien. Ils aiment jouer à nous, insonoriser leurs corps avec des boules qui-est-ce, mais le résultat ne nous ressemble pas du tout. De toute façon, à cette heure-ci, nous étions encore tous du côté immergé, donc tout le monde croyait tout le monde. Dans la rue, les ouvriers réparaient les fils à nuit. Il y avait eu une anti-panne. Il n'y avait plus que de la lumière, plus personne ne mourait et ça commençait à faire désordre. Une tempête de vie levait de nouveaux arbres. Des nuages de graines volaient dans le ciel. Furtivement, l'un d'eux avait pris forme de toi. Le film s'appelait "la revanche des feux étanches". Les héros se pousuivaient en roulant à berceau ouvert. Quand ils se rattrapaient, ils sortaient leurs âmes et se donnaient la vie. Je sentais les baisers des personnages autour de ma langue et réciproquement. Les bougies brûlaient à flots. Cela ressemblait à ma vie, sauf que c'était mieux monté et que le héros ne manquait aucun rendez-vous. Je te touchais. Mélangé aux perles de l'écran, mes mots enroulés à ceux du dialogue, j'ai continué de nager dans le papier à vivre. Les ouvriers à nuit sont resdescendus de moi. Impossible de casser lesfils, impossible de t'éteindre. J'ai été déclaré zone émerveillée. Je suis sorti de la salle par le fond du puits et je t'écris sous des trombes de bougie. 2 janvier 2000-26 septembre 2000 -- Diverses tailles de tocsins -- Les taches de peau sur les robes des gargouilles Résistent par touffes Au frottement énergique des joues du ciel Des hommes viendront ce soir Ouvrir les capots des cierges Ovales de pierre en panne Depuis hier Les visages des anges refusent de démarrer Derrière leur dos Je dénoue déjà les verrous des purges Pour gagner Quelques centimètres de chair Je veux sentir sur la langue Ce baiser âcre L'asile pointu du bout d'un noyau d'olive L'ensevelissement des jus n'aura pas lieu Moi, tissu de tocsin Je suis ce drap tendu sur la fosse à marées Ce lavoir à linceuls Sous un soleil rincé 27-09-2000 "En travers du chemin Plane sur le talus la luciole engourdie L'eau coule par les veines de la pierre" (Li-Ho, vers l'an 800) -- Par quatre chemins -- Au nord de l'âme Une île d'eau Sur nos mots de terre pâlie Un drap tordu par la pluie Dans tes yeux Les gouttes fendues Balançoire du soleil L'araignée tisse l'étoile de nuit Une corde autour du ciel Pendu à tes lèvres Le soleil va sauter À l'est de l'âme Sueur en prière La pluie vient croquer la lumière Les mots sur tes joues La coulée d'encre Amarrée aux commissures des cris A l'ouest de l'âme La corde Un grappin lancé sur le bruit Je saute entre les gouttes Pour jouer à la vie Au sud de l'âme L'ancre Se balance Sur un ciel volé à la suie 22-09-2000 -- Suivez mon doigt -- Suivez mon doigt Regardez vers votre gauche C'est votre dîner de ce soir qui vous parle Vous savez bien Celui qui est dans un emballage bleu Comme un ciel de chambre d'enfant Mais sans les arêtes Ni les orages sous l'emballage Quoi Vous ne saviez pas que les petits plats ont une âme ? Il faut pourtant beaucoup d'abnégation Pour se laisser ainsi mastiquer Et aussi l'envie de la trace de vos lèvres Et aussi l'espoir qu'une petite miette de moi Tombera sur votre ventre Juste au creux du nombril où je m'enfouirai Mais ce n'est pas encore l'heure Pour le moment j'ai pris la liberté De me promener un peu dans le tableau Celui qui représente votre arrière-grand-tante En train de poser avec des indigènes D'ailleurs, il ne faut pas que je m'éternise Pouvez-vous me rappeler ma date limite ? Bougez mon doigt Recréez ma main avec votre faim Vous savez, avant Je courais dans la savane Les oiseaux dansaient sur mes épaules Vous m'auriez aimé à l'époque Je veux dire pas seulement avec votre estomac Même quand j'honorais ma fiancée Les oiseaux restaient sur moi Quelques inclinaisons d'ailes pour l'équilibre Et le tour était joué La seule chose c'est qu'il faisaient des commentaires Et qu'ils me picoraient les fesses quand j'étais trop pressé Et puis je ne sais pas Des fusils m'ont attrapé J'ai rebondi dans la terre Ah, c'est votre mari qui tirait ? Il est bien avancé maintenant Même si je suis tout carré Et couvert de chapelure Vous allez décrocher le tableau Et me verser dans une poële Où je vais frétiller de chaleur Nous allons vivre un grand moment Rien qu'à nous deux J'aime quand vous mangez nue Cela donne une saveur particulière à ma chair Comme si vous regarder Me donnait meilleur goût 18-09-2000-- Frères d'eau -- J'écoute avec ma bouche Les cris des doigts sur les cailloux Une pierre tremble un peu sous mes lèvres Je la fais respirer hors de l'eau En équilibre sur mon souffle A terre Des femmes se noient dans l'herbe L'une d'elles a lancé la pierre Et le ciel est entré par mon front Les veines blanches sur la pierre humide Sont une lettre à ma main : "Ceux qui sont passés ici hier Sont nos frères d'eau Ils ont aimés plus vite que la rivière Plus largement que les bras de toutes les femmes des rives Cousues l'une à l'autre Ils coulent devant l'eau Ils coulent à la vitesse des étoiles Trempées dans les troncs des arbres Venues faire leurs nids Dans tes mains mouillées" A terre Des femmes froissent les rives Elles font le plus de bruit possible Dans un étau en ongles forgés La pierre sur ma tête Je nage plus loin Le mouvement des bras Trace la suite de la rivière Le désir de la source d'inonder la mer L'eau me rêve et je suis sa pluie Sa vapeur en plein midi Je rafraîchis le tronc des arbres Désossés par les brûlures des sorcières A terre Des femmes tressent des gangues à soleils Déjà fendillées avant d'être nées Elles tombent de leur peau Elles n'ont pas pied dans le ciel Des oiseaux se posent sur la pierre M'allègent Chantent la main qui a tenu la terre Toute entière Avant de la lancer sur mon front L'eau bat mon sang Le tamise le récolte l'assouplit Le fleuve à le goût d'une goutte de cannelle À l'intérieur d'un sexe La nuit est tombée Je dors dans un arbre La terre fumante Versée dans ma gorge Boit ma peau et s'essuie sur mon âme Sur les rives des femmes Des oiseaux viennent nager dans les marmites Où elles préparent le lever du prochain soleil Posé sur ma tête, Un caillou parle avec mes lèvres : "Demain, nous serons plus près de la mer Cette nuit Tu es une étoile En équilibre sur une feuille Ecoute avec tes mains La liqueur du bourdonnement de la terre Quand ses tempes distillent l'orage. Frère d'eau, Écoute les visages des pierres Coulant vers la mer Ce sont les barques de la lune Venue planter ses rêves Tout au fond de nous " Kalankoë, 14-09-2000¨ -- Mon envie -- Cette envie posée sur la table Je ne sais même pas si elle est à moi Ou aux oiseaux qui partent vers le sud En laissant des petites traces sur la fenêtre Avec leurs pattes Pour que je les imprime dans la buée Et les conserve dans des flacons de pensées Si, Je crois bien que c'est mon envie Il me manque un petit bout de moi Dans mon ventre De la forme d'une oreille de chat Ca donne un sourire bizarre à la journée Et l'envie de marcher longtemps De jouer des tours aux passants En leur faisant croire que je pars aussi là-bas Avec les oiseaux Je voudrais leur demander leurs envies Pour voir si elles ressemblent à la mienne Et rire sous la lumière En appuyant sur les sonnettes des roses trémières C'est une envie qui donne envie Envie d'aller boire avec les oiseaux Au bord du lac Tanganyka Et de m'accrocher au cou des girafes Pour qu'on puisse me voir de loin Ou au moins en avoir envie Mon envie Je la reconnais maintenant A ses motifs Elle est bien assortie A la couleur du ciel aujourd'hui Couleur d'une table rêveuse Au temps où elle était un arbre Penchée sur le lac Tanganyka Avec mes oiseaux dans ses bras Ce soir Je lui dessinerai des jambes À mon envie Pour qu'elle puisse marcher toute seule Et aussi deux oreilles de chat Mais là, Même si vous en avez envie Je ne vous dirai pas pourquoi Kal,ankoë 13-09-2000 -- Despues mi media muerte * -- Après ma demi-mort J'ai posé sur le fleuve L'ancre sépia d'un baiser Une ombre assise dans une tasse de thé La muerte tiene manos Bailan en el agua ** Après ma demi-mort Transi d'étoiles Parallèle au fleuve J'ai croqué la lune rouge en marchant La vida se canta Con labias mojadas *** J'ai mis les petites morts dans les grandes Despues mi media muerte Le fleuve et moi Partons brûler la mer Steph Toulouse, la Daurade : le 09 septembre 2000 * : après ma demi-mort ** : la mort a des mains elles dansent dans l'eau *** : la vie se chante avec des lèvres mouillées "Et nous allions, nous allions comme deux aveugles tirés par le chien de l'amour." -- Renée Brock -- Nés rouges -- Tu marches, j'expire. Je marche, tu inspires. Clowns sur la piste de transe. Poupées météores avalées par les robes ouvertes des femmes. Deux danses sur les langues tressautantes des rieurs. Des frondes grondent dans nos ventres, petites vies élastiques roulées en fleur dans nos poches trop grandes. Nez rouges suspendus aux trapèzes, nous lançons nos ombres contre la toile du chapiteau, jusqu'à ce qu'elles cassent. Vous riez, nous vivons. Vous vous taisez, nous mourons. Nous marchons sur le sable défait, nous courons à l'envers des lits froids, assis sur les échardes des cabanes, plantés dans le sexe de la lune. Nous avons coulé jusqu'à vous depuis la ville, par les caniveaux, portés dans les gueules des chiens, propulsés par les poitrines des femmes. Nous tétons vos regards. Notre désert est fait de tables mouillées, de mousses de bière soufflée par les lèvres d'une enfant qui rit, d'arbres d'ici, feuillus, gorgés de petites nervures d'océan. Des pélerins emmitoufflés de lumières au néons et de matières sans odeur. Notre désert s'étend jusqu'à votre appel. Nous levons les bras, vous volez. Nous glissons, vous tombez. Rien d'autre que des pélerins nus, des masses de glaise s'effilant peu à peu sous la ciselure du soleil, la piqûre du sang sous nos pieds, l'écorchure des crevasses du vent. Petits enfants dans un monde tellement plus vaste que nos bras tendus. Le temps nous déshabille, nous épluche, les ongles des gradins dénoyautent nos âmes. Nous sommes les danseuses nues que les enfants ont le droit de regarder. Votre rire. Un peuple qu'il faut arriver à réunir, puis coller son visage sous le notre. Pour enfin, un jour, regarder. Si notre visage va bien à celui du monde, nous le pourrons. Vous nous aimez, nous grandissons. Vous nous oubliez, nous vous inventons. Venez voir nos têtes plantées dans le sable de la piste. Venez tracer des cercles avec vos lèvres autour de nos corps granuleux. Nous jouons des histoires vraies. Histoires de plumes et de plombs. De lunes bouillantes enchâssées dans des corps d'oiseaux. D'une étoile cyan sertie dans le verre d'une larme. De flammes versées l'une dans l'autre, d'âmes enlacées, enroulées en ruban de cadeau. Nos cadeaux changent vos vies en or. Nous nous ouvrons, vous dansez. Nous nous refermons, vous vous couchez. Vos regards sont notre vitrail. Votre rumeur qui ondule est la rosace à voir à travers la vie, tournant sur nos ventres. Cadeau à regarder à travers, couleur à bleuir, rougir, verdir la lumière du soleil. Il est interdit de nous caresser. Des barbelés sont distribués à l'entrée, embuant vos mains pour qu'elles ne puissent pas nous toucher. Mais nous nous aimons. Nos âmes coulent le long de nos corps de clown, Les enfants nous prennent pour nous passer de main en main, nos corps couchés viennent doucement dans leurs paumes qui applaudissent, remontent les gradins, gravissent l'escalier de mains et de rires aigus, jusqu'en haut, tout en haut du chapiteau. Nos corps adhérent à la toile, s'y entremêlent. Fibres croisées de sueurs. Leurs mains attrapent leurs têtes, les retiennent pour qu'elles ne s'envolent pas nous rejoindre. Maintenant, nous vivrons là, couchés sur la lumière des yeux brillants des enfants. Nous naissons, vous applaudissez. Nous mourons, vous vous faites rembourser. Nos corps s'émietteront au dessus de vous, poudre luisante dans le faisceau du grand projecteur, nous neigerons doucement dans les cheveux des enfants, leur cheveux couleur clown tombant sur leurs joues rouges. Je ris, tu me dessines. Tu pleures, je te colore. 2-8-2000 - - L'oiseau-dièse -- Je suis l'enfant posé sur une patte La dernière touche de ton piano La plus proche du ciel Celle qui enroule les nids autour du soleil Chacun de mes oeufs a une couleur de ton vitrail Celui dont tu t'habilles la nuit Pour qu'un rayon de lune Révèle les rosaces de tes seins Il y a longtemps J'ai creusé à moi tout seul les cratères de la lune Je t'y cherchais partout Tu sais, à chaque fois que je suis mort J'ai inventé une nouvelle couleur Et pondu une nouvelle touche À chaque mort Des fleurs me suivaient en procession Prenaient les mesures de tes épaules Pour ajuster la taille de mes ailes Je suis un oiseau posé sur ton reflet Tu regardes mon ventre qui tourne Pas plus gros qu'un pétale Tes cheveux jouent sur les touches Une Gymnopédie de Satie Je suis l'enfant de la gouttière La musique qui chante en arrière Juste une ombre assise sur ta chaise Une bulle dans le ciel, un cratère de vitrail Un glissé de doigts sur ton ventre qui joue Tu peux prolonger le piano d'une touche Je suis l'oiseau-dièse posé sur ta bouche 30-07-2000 "Je ne sais pas où va mon chemin Mais je marche mieux Quand ma main serre la tienne" (Alfred de Musset) -- Petites notes à lever le couvercle de la nuit -- Un reflet bleu sur un piano noir La terre tourne et s'éteint le soir Dans la nuit trop claire Ma voix lève le couvercle Les pieds trempés dans une touche Celle d'une note grave Celle de ton sourire de basse profonde Ne ferme pas ton ventre sur mes paupières Je veux garder le chaud du noir L'ancre bouclée d'un de tes cheveux Autour de mes doigts Pour m'arrimer à toi Tu penches ton visage Tes lèvres allument Une vie soufflée dans du verre Un ciel forgé Des cailloux d'ombre mouillée Qui roulent en écrivant Des opéras pour becs d'oiseaux Le chant d'une fleur au soleil L'or extrait de ton sang Prolonge la vulve du miel D'un mouvement d'épaules Tu déchires le revers de l'oracle La partition des sorcières Les bulles, les phylactères de pierre Qui montent la nuit Au dessus des cimetières Un de tes cheveux vient dénouer mes lèvres Ton reflet nu sur le piano S'approche Ce soir, j'ai mis le feu aux anges Et personne Plus jamais Ne pourra venir la nuit Me souffler comme une bougie Tu ouvres les draps Et la mort cicatrise 29-07-2000 "De toutes mes forces, je me précipite vers plus tard" (lettre de François à Léna dans le film "l'année de l'éveil") -- Le piano à devenir -- Un piano juste devant l'eau. Il est là pour plus tard. Posé d'avance, humide, avec encore des traces du sang de la mer, de l'écume de ventre, mais pouvant s'échapper d'une ruade et nager seul, voile noire et laquée faisant claquer ses arpèges. Mes mains l'apprennent. La marée monte, mon corps brûle et remonte tout entier au bout de mes doigts. La marée descend, mes mains maigrissent, prennent un profil de fissure. La nuit, les étoiles tournent sur mon corps noir, sauf la polaire, sertie dans mon nombril. La piano rêve, et au large, des bateaux se jettent du haut des hommes. Un piano sur la plage. Organique, faisant corps avec le joueur, avec moi, couché de tout son long sur lui, entrelacé à ses cordes, ses doigts mêlés aux touches. Les étoiles tournent dans le ciel laqué Je saigne des dièses et des bémols. Le piano se courbe, se cabre, demande la parole, tousse des harmonies, désaccorde les vagues. Je salue et vais allonger mon corps en sourdine. Couché, je construis un chateau de vagues. Dépassant à pein du sable mouillé, une graine rose aux lèvres pleines, aux cils en touches noires et blanches. Le piano dit qu'il l'a oubliée à l'intérieur d'un grain de sable. Ses appels pour sortir baguent mes doigts de cercles fantômes. Air de mystère. "C'est un jeu très sérieux" explique la graine. Le piano répond en traçant une nocturne de Chopin sur le sable. À l'entendre, devant la mer, nous ressemblons à ces cornes de brumes qui savent et qui cherchent en même temps. Dans les ruines de la plage, j'ai trouvé la photo d'un piano corné et des débris de doigts d'homme. Et une drôle de graine, à touches noires et blanches. "Bientôt l'aurore" disent mes paumes qui dépassent du sable. Musique de plus tard, quand le piano rosit , la peau de la mer se lève sur mon corps. 26-01-99/29-07-00 -- Les gouttes -- J'écoutais le robinet de la salle de bain. Il me vidait lentement. Je ne l'avais pas fermé, exprès. Les gouttes se retournaient dans mon lit, toujours de mon côté. Il était tard, je fermais les yeux, il était cette heure de la nuit, cette heure sans survie où la voix rend un son terrible, semble éclater. J'attendais une goutte particulière. Celle qui ressemblerait à une femme qui vivait de l'autre côté du monde et en plein milieu de moi. J'attendais la goutte qui la ferait venir à travers les tuyaux. Je la devinais déjà, en transparence, ses mains pressées contre la paroi d'eau, son corps tournant comme une roue au milieu de la goutte. Quand elle ne venait pas, je rentrais les épaules, jouais à me faire peur, jouais à attendre, des fois que quelque chose passe au dessus de moi, me frôle, m'enveloppe et vienne me prendre, m'aspirant par la bouche du robinet, me propulsant par les canalisations à la rencontre de cette goutte. Tout près, la télévision avait toussé lontemps les images distraites des émissions de la nuit. Emissions sur la chasse, avec des chiens même pas maquillés qui oubliaient leur texte. Séries tournées à la hâte avec les fenêtres des appartements dessinées à même le corps des acteurs. Mais lorsqu'elle avait vu mon expression, la télévision s'était éteinte toute seule. Je préférais écouter le robinet. Régulier comme le battement d'un coeur, il égrenait des nouvelles puisées là-bas. Son eau avait le goût du dos du monde, celui de l'autre versant de mon mouvement. Elle avait coulé lentement le long de sa colonne vertébrale, pris l'odeur de sa peau qui dormait aussi, au bout de moi. Souvent, je sentais ses pieds toucher les miens et nous étions une longue pensée allongée, une goutte à deux têtes. La persistance rétinienne des spots publicitaires animait mes paupières. Une goutte, un mouvement de chevelure. Un autre goutte, le rond doux d'une épaule. Entre deux, quelque chose se roulait en boule dans mon ventre, partait, revenait, un peu comme ces néons d'hôtel dans les films. J'étais de passage en moi, j'avais rêglé la nuit d'avance. En me réveillant, j'allais prendre soin de plier méticuleusement les draps à la forme de son corps. Ensuite, je partirais en descendant les marches à la nage. Une à une, les gouttes me couvraient les yeux, et c'était bon de ne plus avoir à regarder, de ne plus avoir à compter les espaces vides entre les soleils. Plus rien ne se couchait. Plus rien ne se levait. Sauf moi. Désormais, je rêglais la marche du monde. Parfois, je tardais, volontairement, pour que le monde désire mon lever, me regrette, m'appelle, me secoue dans mon lit, m'enlace en appuyant ses lèvres sur ma peau. Pendant ce long temps passé à respirer de moins en moins souvent, je construisais des tentes de mouvements, des auvents de peau. Ils abritaient les gouttes, toujours plus nombreuses, si nombreuses qu'à présent, elles recouvraient aussi le robinet. Je ne l'entendais plus couler. Je sentais monter sur mon corps, lentement, les deux gouttes des deux côtés du monde, mêlées, désormais impossibles à distinguer. 19-07-2000 -- Saison sèche -- Il y eut une longue saison sèche. Nous plantions des hérissons à marcher en douleur, des murs à coupures toujours fraîches, des tesssons de signaux à écorcher les pieds de nos vies. Je te lançais de la poudre à pleurer, tu m'envoyais des cartes noires pour plier la vie, tu me clignotais des lieux d'égarement. Quand je voulais ouvrir une de nos portes, je clouais une feuille dessus avec mon souffle en fléchettes. Je te présentais mon coeur par le bout pointu, et je touillais ta vie dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. De mon langage de déchirure, de mes caresses à rebours, je traçais des angles et des arêtes sur le papier, et je croyais que c'étaient des lettres. Entrechoquée de clochettes à fausses notes, tu retirais mes mots à aspirer l'amour, les déracinais de ta peau, comme des sangsues de pointes sèches, et ton sang poussait des cris brefs, dressait une longue digue de carbone devant nos vents à respirer ensemble. Nos gestes glissaient les uns loin des autres, comme des patineurs décalés. Comme deux danseurs de tango s'étreignant ensemble en deux temps différents, l'un glissant d'hier, l'autre bondissant de demain. Je ne voyais pas tes cheveux se tordre de douleur, je ne voulais pas savoir danser la vibration aigüe des mêches de ton ventre, brûlant sous mes vrilles. Je t'aimais à te traverser trop vite, comme un cerceau de glace, mes poings fermés sur ton coeur. Un soir, je me suis réveillé. Il y eut un printemps de nuit, des évasements humides, des entrechats verts phosphorescents. Une pluie de feu doux avait fondu les forges à noircir nos visages. Je me suis retrouvé tout près de toi, à ne plus savoir nous compter et une mousson d'anges rebondissait sur nos plaies, délivrant nos crevasses. J'ai tendu ma peau sur un fil, je l'ai étirée au maximum de sa longueur pour que tu puisse la voir de n'importe quel endroit du monde. J'ai dessiné un immense baiser sur une plage pour que tu saches que j'avais retiré tous les clous de mes lèvres. Les fleurs que je lançais en l'air germaient en plein vol. Un jour de grand froid ou simplement un jour de sourire bas, tu pourrais t'habiller de leur pollen. Puis je suis sorti respirer la terre et j'ai arrosé cette pluie plantée, ces feuilles de rivière. J'ai décloué les rimes d'encre tranchante, dénoué les crochets de cris, puis j'ai caressé nos portes, longtemps, doucement. Et j'ai jeté à terre la saison sèche. Dans la tiédeur humide d'un même rire sur nos lèvres, j'ai compté les gouttes qui se déversaient de nous, sans en oublier aucune. Maintenant, tu peux marcher. J'ai pavé de lèvres douces toutes les routes de ce monde 17-07-2000 La fraîcheur de la rosée les ouvrait Comme un secret qui se serait divulgué en paroles" -- Al Bouhtouri, IXeme siècle -- Calligraphie de terre -- J'écris avec mes pieds J'écris à tâtons La nuit épaisse de terre J'écris les poussières rondes qui enterrent mes mains Miette par miette Elles s'agitent pour faire signe Au fossile de la sève Je marche L'or lent d'une étoile Versée sur mes joues froides Une pluie de salamandres La gangue de miel rêche d'une coquille de soleil Tombés dans les crevasses de la lune Mes rêves Tournent sans savoir dans quel sens J'invente Des cheveux noués par le vent Les barreaux de baisers d'une nuit à échelle J'invente des océans qui s'aiment Dans un grand verre de sable Ma trousse à pleine lune S'ouvre sur un visage Pas plus grand qu'une larme Sa bouche m'encercle de soie Ouvre les pans de ma peau Je danse le corps reptile d'un grand arbre d'amour 28-06-2000 -- Famillle de coeur -- Vous êtes trois, parfois plus, souvent une infinité de visages autour de moi. Ceux qui marchent sur les quais, les soirs où je rentre de vous, les nuits de glissade où j'ouvre la porte qui donne sur l'air. Tous les visages ont votre expression, tous les pas ont votre pas. Quand je vous croise, les jours de plein coeur, je ne sais jamais si je vous reverrai un jour. J'ai appris, j'apprends, j'apprendrai à relier goutte par goutte le fil de vos fleuves. J'aime marcher vos lieux. J'aime m'asseoir à des tables vides que je peuple de vous. Les lendemains, j'inscrivais, j'inscris, j'inscrirai l'incarnat d'un cheveu effleurant une lèvre qui me regarde en face. J'habillais, j'habille, j'habillerai de robes à fleurs les feuilles que vous ne verrez jamais. Celles où je vous dessine, seul, un crayon au bout du coeur. Et dans le train qui a votre rire, je pense déjà au prochain jour, celui où nous nous reverrons toujours. 26/27-06-2000 -- À la verticale de l'été -- Le cortège progressait sans combat, le long de la montagne. Pierre par pierre, des avalanches roulaient vers en haut. Amis de corde, ensemble, des hommes défilaient l'un au dessus de l'autre. Leur bras touchaient le soleil fossile des à-pics, leurs joues se chauffaient aux reflets en chute libre. Sur le flanc de leur souffle, ils posaient des pitons. Dans leur sac à dos respiraient des papiers. Leurs enfants, leurs soeurs, leurs amants, leurs mères et les myosotis de leur jardin, tous leur avaient donné une feuille pour qu'ils l'emportent ensemble, en haut, pour la faire lire au ciel. Les souhaits grimpaient avec les hommes, au rythme des gouttes de sueur qui montaient doucement, de leur ventre vers le sommet de leur tête. "On voudrait des écoles en pente où on apprenne à déplier les doigts. Des cahiers sans face Nord à décompter le rebours des morsures. On voudrait des dos sans cadenas, des corps doux à entourer debout, de grands verres de peaux en velours sur nos lèvres. Et des arrosoirs qui ne se couchent jamais le soir." Les aigles lisaient ces grappes d'hommes ascendants, retournaient à leur nid et se réjouissaient : "voilà enfin des hommes lents. Des mains sans becs pointus à déchirer les chairs. Regardez les embrasser la montagne." De temps en temps, ils croisaient d'autres hommes qui redescendaient déjà. À dos d'épaule, ceux-là ramenaient les sommets des montagnes dans les vallées, pour en arrimer un au coeur de chaque ville. Bientôt, on y verserait les enfants, c'est à dire nous tous, on les poserait là, à la verticale de l'été, tout en bas du monde, pour qu'ils apprennent à regarder à hauteur d'homme. 25-06-2000 -- Papillons de saison -- Je t'écris des papillons pour qu'ils te caressent la joue. Je pourrais t'écrire des méduses brillantes, animer leur corps d'étoiles d'eau. Je pourrais t'écrire des requins-fleur, les faire passer au dessus de nos têtes levées. Mais aujourd'hui, c'est l'été et, en creusant la mer, j'ai trouvé une source chaude à papillons. Au moment où tu liras ma lettre, ils bougeront leurs ailes. Elle vivra par leur mouvement, leurs battements de couleur. Quand ils dorment sur les arbres, les ailes des mots sont pliées. Pour savoir lire les papillons, il faut les réveiller. Et ressembler à une fleur. 21-06-2000 -- Tu sais, aujourd'hui... -- Tu sais, aujourd'hui, mes bras ont enlacé ces espaces plats et scintillants où on ne voit que toi. En lisant, j'ai inventé des courbes à cette encre poreuse, celle qui se mèle à la peau, la transforme en serre à eaux chaudes. Mes yeux ont récolté ces feuilles , poitrines translucides allongées par le vent, ces rectangles à l'ovale de visage, ces mosaïques de neige posées à même le coeur. J'ai su alors que le monde n'a pas de bord. Tu marches dans la fenêtre avec ton sac ouvert. De sa bouche s'échappent des papillons de nuit, papyrus d'ombre pour écrire à la craie. Se tracent les initiales dévidées, se déroule la pelote des noms et des lieux, se peint le profil de la mer. Tu soulèves les perles en grappe de tes nombreux enfants pendant que la nuit tremble, s'écope des noms qui manquent à l'appel. Te souviens-tu souvent de la première porte des mots ? Celle qui battait devant nous dans la lumière, juste à l'entrée d'un été ? Porte tournante des vies-manèges, elle t'attendait. Dans les oriflammes en puzzle d'or massif que tu verseras un jour dans les oreilles alentour quand tu parleras de moi, j'aimerais que tu inscrive le monogramme de ce jus d'étoiles, la mémoire de cette porte à coeur plein qui ouvrait tous les feux, les quatre coins de cette bouche à entrecroiser nos mains. Alors, peut-être, je pourrai frémir dans le sens de la marche. J'ai disposé aujourd'hui les copeaux de cette première porte dans un vase, j'ai gommé ses contours de serrure douce, les ai agrandis à la dimension de l'espace. Posé des soleils patinés sur ces corolles de bois vif. Tu sais, aujourd'hui, j'ai aimé, violemment, ouvrir les palettes de ton sang crié, de tes gouttes à allumer les mottes de terre. Je me suis amalagamé à l'eau de ce vase en pleurs. Je retournera là où tu m'as mis, dans la boîte à rire debout, exosquelette en fleur suspendu aux lèvres grises d'un monde en couleurs. Mais tu sais, aujourd'hui avait comme un goût de soie poivrée, soupe de murmures dans une assiette creuse. 13-06-2000 Paragraphes : 1-3-5-7 : Florence Noël 2-4-6-8 : Stéphane Méliade « Là où passait la géante la moindre chose reconquérait toute l'ampleur de son nom, le plus malingre et fade arbuste retrouvait la mémoire de sa race, de sa très haute et légendaire race végétale. » Sylvie Germain. La pleurante des rues de Prague ---------- Vies de dos ~~ :-)*(- : ~~ Tu es passée hier me danser ces simples mots : " Ne mange pas les lichens des pierres, ils n'ont que le goût du passage. » La marche est une caresse primitive, balancement de peau et de terre melées. Alors, je voudrais marcher, mais je suis collé a ton visage par les lèvres. Tu restes assise. Tu étales l'ombre à petite moue de rêve. Tu me dispenses de sol, pour ne pas souiller les reflets de mes pieds. Eclipse d'une salutation, mes mains s'agenouillent sous tes hanches. Je te parle dans la langue des grésillements, celle de la neige sur le ciel, quand les prières sont terminées. Tu te couches sur le dos pour ne pas me voir. J'imprime tes mots d'absence avec ma salive. A mes lueurs nues, l'espace d'un geste engoncé de vide. A mes désirs, la dissection d'un rire, étalé au mileu de ton ventre. Nombril en pointillisme. Tu m'offres l'envers des paupièrescertaine que mon souvenir y est inscrit à l'aube d'un cillement. Je m'assieds à ta table, en forme de toi, avant. Tu plonges dans un verre d'âme, jeune pétale vieilli en fut de ciel. Du fond du verre, tu parles de brûlures de peau bleue, d'or dansant suspendu a un trapèze. A travers des mains froides, un soleil nous aggripe. A tes mots, la terre funambule sur le bord de tes ongles. L'eau pulse tout autour.Je cherche à lui donner un nom. « île de Parque », « Mont Lissière », mais les vagues rôdent et éclatent ton verre. Tu t'écoules en rivières frisonnantes. Sur tes points d'appluie, j'enlace tes mers closes, fais briller le fermoir de tes larmes. Une goutte géante vient ouvrir mon visage. Corps en croisière, à travers elle je me regarde te boire. 11/12&endash;6- 2000 `` Strophes impaires : Florence Noël Strophes paires : Stéphane Méliade « Je crois qu'il profita, pour son évasion, d'une migration d'oiseaux sauvages." le Petit Prince Saint Exupéry L'enlovée ~~:-)(-:~~ Ils courent en vol d'étoffe large Peau mouvante Toile d'ions tiédie sur les genoux du temps Ciel froncé tissu lourd La plage les mouille d'or plissé Passants cerclés de sol Ils tombent en graine d'exclamation Sur la tranche de ses lèvres, Les oiseaux de capes et de lin Enluminent leurs becs d'or Suspendus aux embruns de leurs ailes Des battements de plume perdent la mémoire de l'oubli Un ange creuse leur poitrine Ils attisent ses éclaboussures Soufflent les bombardements de lumière Derrière leurs eaux en amande Enveloppe qu'évase le fruit d'un pas Au bout du ciel Des ancres flèchent son corps Leur soleil fluide éponge ses morsures D'ambre doux, Les nids s'enroulent de leurs draps Ils le bordent Cillement de cernes jamais assoupis Les oiseaux pétrissent l'ange Corps perdu au bout du bec Bascule son pouls picoré Arbres en élan Branchies dressées en liesse Ils déversent les cîmiers brûlants ensauvageant la mer « Levez moi, levez moi en avant » Gémit le dos des ailes Ils entourent l'ange d'un anneau de mer Baignent ses gonds tendus à briller Naissent les petites flammes de verre Hachurent au feutre safran La semence des pluies à venir Tiroir a mystères L'ange ouvre la porte des oiseaux "J'emporte ta plume à ciel tendre Pour te dessiner, demain" Longue arche blanche Vol cambré des gestes d'ombres Leurs pennes tendues à rompre le ciel Soutiennent un soleil rieur 8/9-06-2000Pour remonter le temps, cliquez sur le myosotis , direction la page 22