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 "l'arbre parle arbre
comme l'enfant parle enfant"
-- Jacques Prévert
 
                    --L'arbre à l'enfant--
 
        Enfant au milieu de l'arbre.
        Un sourire agite ses feuilles. Puis un rire de salamandre court à
travers le feu frais du mouvement vert.
        La nuit, les oiseaux se guident aux éclats du chant de la lumière qui
rit en vert.
        Le jour, l'enfant à l'arbre garde les plus fatigués dans sa paume. En
les caressant, elle écrit une lettre sur leurs ailes.
 
        Oiseau par oiseau, une phrase passe devant moi en volant. 
        "Tu tournes autour du tronc pour le lire. Si tu continues, tu vas te
vriller dans la nuit et le jour ne se lèvera plus jamais dans ta tête.
        Moi, je ne crois pas que l'histoire d'un livre soit sur sa couverture,
je ne crois pas aux dessins des couteaux sur les arbres. Il faut les
lire du dedans".
        
        J'aime beaucoup le mot "nuit" écrit sur un rouge-gorge. 
        Il faut beaucoup d'oiseaux pour dire tout ça d'un coup.
 
        Enfant de cercles sombres et clairs, elle tourne autour des anneaux
noirs et blancs, dans le tronc du temps.
 
        Je sème des champignons en forme de points d'interrogation et j'écris
à mon tour. Puis je pleure un peu, mais juste pour qu'ils poussent plus
vite. 
        Chapeau par chapeau, une phrase surgit de la terre. 
        "Mais comment va t-on à l'intérieur d'un arbre ?"
                
        Elle soupire. Un vent s'enroule aux branchex, elle le prend dans sa
main pour le modeler en forme de nid à respirer, où se poser, les jours
fatigués. Le jour où les oiseaux manqueront d'air, ils viendront
respirer dans les rouleaux du souffle en brins. 
        Sur une brindille, elle grave juste quelques lettres.
        "Facile"
 
        Elle fait onduler les branches, jusqu'à ce qu'elles bleuissent,
deviennent des vagues, jusqu'à ce que les embruns des feuilles me
redonnent la mémoire. 
 
        L'intérieur d'un arbre est le creux d'une vague. Les feuilles
éclaboussent. Dedans, l'enfant de l'arbre arrose des visages d'eau avec
de l'herbe en pluie. 
        Rouge comme le rouge-gorge sur lequel elle avait écrit "nuit", un
oiseau se penche pour faire gouvernail. Son sillage trace un mot dans
l'eau, un mot que je ne dois même pas écrire, car si ce mot prenait
forme, les feuilles ne tomberaient plus jamais à l'automne et même les
lames des couteaux embrasseraient les arbres. 
        
        En frottant ses doigts sur l'écume, elles allume les visages d'eau
d'étincelles de sel, pour écrire dessus. 
        Goutte à goutte, les visages disent le chant crépitant.
      
        "Crépiti-crépita, la vie ainsi va  
         Dans l'intérieur d'une blessure, il y a un baiser  
        Sur le fil d'un couteau, une corde pour marcher 
        Dans les branches d'un arbre bruisse une enfant  
        Dans le creux d'une vague, assise en rêvant
        
        Dans l'océan d'un oeil, 
        Croissent les larmes à faire pousser les feuilles. 
        Dans l'écume de la sêve roulent des verts 
        À faire voler la mer                                        
        Crépita-crépiti. ainsi va la vie. "
 
        Et une vague verte me lance depuis le pont. 
        "Un homme au ciel" écrit le rouge-gorge sur mon sillage vert dans
l'air. 
        Puis je rêve longtemps, dans le sens du courant, je dors chantant,
comme l'océan au bois dormant.  
 
        Assis sur une vague, je regarde une enfant bruisser en approchant. 
        Je vais rire tout vert pour qu'elle tourne la tête et, le temps de lire
quelques rouge-gorge, attendre que l'eau monte, pousse bleue par pousse
bleue, pour qu'elle puisse marcher sur la plus haute feuille de la mer. 
 
                        25-03/ 27-04-99
 
 

 
 
 
 
" "Aux sombres héros de l'amer
Qui ont su traverser les océans du vide"
        -- Noir Désir
 
                -- Chemin faisant --
        
        Chemin faisant
        Tu racontais le vent
 
        Comme il bouge
        Comme il devient rouge
        
        Dans la nuit
        Les trous blancs des voiles
        Écopent le ventre des vagues
 
        Au soleil  
        Tu racontes les brûlures de la pluie
        Pour faire glisser les femmes
                Pour faire tomber les nids
                Dans les fractures des âmes
         
        Le langage des nacres
        Les îles raides
        Les vents cadavres
        L'odeur de la poudre
        Le revers de la foudre
        Les âges les gouttes les tavernes
        Ce que boivent les morts
        Tu sais tout
 
                À marée mentante
        Du fond de ta tête
        Sont montés les monstres les merveilles
        Le poids des bulles
        La langage des abeilles
        Les crevasses du soleil
        L'or tombé dans ton filet
        La pulpe des crochets
 
                Mâchoire en marche
                Quelques pas juste le nez dehors
        Et le chant des vies mortes
        Devant derrière autour
 
        Et tes bras s'agitent
                Gestes à vider les ombres
        Pour singer les étoiles
        Enrhument l'espace
        De tant bouger de vent
        
                Mains vides
        Dans la nuit 
        Personne
                Des rêves en caisse
                Des poils de lune 
                Du sang au bout d'une laisse
                
                Mais la vie s'invente
                Toute seule 
                 
                Chemin faisant
        Le vent te racontera
 
                27-04-99
 
 

 
 
- Toile de naître --
 
        Course des feuilles rouges
        Frôlement couleurs épaisses
        Nuances haletantes
        Pression vivante
        Corps trempé dans la lenteur
 
        Horizon sans herses
        Un rire à l'envers de l'orage
        Tout un ciel à remplir
        Aux radicelles des ailes
 
        Petits sauts des couleurs
        Sur une toile de naître
         
                21-04-99
 
 
-- Lignes de nuit --
 
        Nuit en sursaut
        Faisceaux d'encre 
        Une chanson monte
 
        Orage des mains
        Au visage du papier
        Un rire joue
 
        Visage des notes 
        Libres de mordre
        Un souffle brûle
         
        Feux choisis
        Des lignes de nuit
        Un cri rêve
        
                21-04-99
 
 
--Houles de gare--
 
Dans les houles de gare
Avenirs du bout du monde
Sandwichs à la mémoire
 
Des oiseaux dans les valises    
Des mains qui agitent les quais         
Leurs couleurs sourient à tout le monde
 
Dans les houles de gare 
Des sourires balaient les larmes
C'est la mer qui prend le train
 
        21-04-99
 

 
-- Les filles du carillon --
 
    Les filles du carillon sonnent au bout des branches. 
    En chantant, elles annoncent un autre temps.
    Pliées dans la pluie, elles entourent chaque goutte de trilles
luisantes, cognent sur le verre posé sous le ciel.  
    Quand elles se souviennent du vent, les oiseaux du bout des arbres
respirent. 
 
     Parfois, quelque chose dans la nuit fait peur, et les oiseaux se
referment. Il n'y a plus rien à chanter, plus rien que des poings
froids,  serrés sur les yeux du jardin. 
     Et la peau de la vie, si fine, se déchire dans le noir. 
                
    Puis le carillon crie et les arbres du jardin ouvrent clair leurs
oiseaux. 
    Ce sont des rouge-gorge, des brûlures pépiantes, leurs ailes sont des
longues lèvres peintes qui picorent la vitre du haut, mordent le verre
aveugle. 
    Leur souffle hausse les notes des filles, hérisse le jardin, brise
enfin le verre au dessus de nos têtes. Transparence au bout du bec, un
souffle se reflête,   s'absente de l'oubli. 
     Et les éclats des filles rient en entier.  
    
        Maintenant, elles peuvent marcher. Chaque éclat qui tombe referme une
blessure et ouvre une bouche dans la nuit.  
        Sous les sourires des becs, sous l'arche vive de la chanson du
carillon, le jardin embrasse leur chemin.
        
    Elles déplient leurs doigts-pinceaux, s'affairent à peindre des
gestes sur leurs cils et des yeux sur les oiseaux du bout des arbres.  
        À l'aube, elles s'en vont poser des maisons douces sur les plaies du
jardin.
        Tournés vers elles, les yeux des rouge-gorge font brûler le temps en
roulant les couleurs du carillon sur les brins noirs de l'herbe de nuit. 
 
        Les filles du carillon peignent l'horizon sur le bout du jardin pour
infinir le regard des branches.   
        Les arbres peuvent enfin s'élancer et voler. 
         
        Suspendu à l'arbre par une chanson, le carillon va maintenant fabriquer
des garçons.  
 
                18-04-99
 

 
 --Rose du vivant--
 
  Une fleur pousse
  un cri sans tapage
 
  La nuit tombe
  Dans un flacon de parfum
  En ressort muette
 
  Les pétales du vivant ont chaud dedans
 
  Près de toi
  Les mots de la rose
  Te parlent en vivant
 
    13 avril 1999
 

 
 
-- Robe de vanesses -- 
 
        Le labyrinthe m'enseigne. 
        
        Pulpe de papillon, les touchers de lumlère  dans l'air prolongent son
tracé. Il faut alors prendre le virage volant, tourner vers le haut. 
    Bouquet de pas, je lâche les ailes des carrefours. Les regarde
s'envoler, rire de briller, reflets enflés par les larmes.  
        Cieux qui riment, les vanesses savent les couleurs vives, frottent nos
yeux l'un contre l'autre, fleurissent les appels, font défiler des ors
bleus en robe des chants. 
        Des fenêtres s'ouvrent dans le froid et nos yeux retentissent, leur
rire tinte en courant. 
 
        Tu chantes en clé de scie, fais faner les cages, mes oreilles lèchent
ta voix. Dans le labyrinthe des cris caressent l'intérieur du temps.
Frissons de couleurs, les sursauts épars se rassemblent, forment un seul
mot sur ma peau, dressent le corps de l'eau.   
        Extrémité du toucher, j'entoure la danse des vanesses. 
 
        Le labyrinthe saigne. 
        Un éclat de source fiché dans l'écoulement du soleil, j'habille les
ailes de rouges charmants. 
        Des coupures dans les mains, vertige des lignes de vie, s'ouvre la
paume du pas suivant.   
        Je souffle des ailes pour guérir, laisser s'envoler les vanesses
blessées. 
 
        Tu sais vivre en frôlements, dans l'épaisseur des angles de lumière, tu
lèches tes ailes, lisse la poudre des pétales, argile incandescente.   
        La lumière anime les dentelles, et les fenêtres d'ombre dansent en
tissus de vanesse. Doucement, je te respire. 
    Tu vois à travers ce qui brûle. 
        Les vanesses crient à feu doux.
         
        Labyrinthe de soie, l'élégance du mystère interroge à beaux plis la
robe digitale du plus-que-vivant. 
        Ses caresses se noient, ses cris débordent et il faut encore monter
pour avoir pied. 
        
        Ne pas se retourner, sous peine de se courber. 
 
        Le labyrinthe se baigne. 
        Des ailes embrassent l'intérieur de mes mains, frôlent l'intérieur des
chaleurs.  
 
        Vert mlei, nervures glissées au pinceaux du vent, sève tournante des
tiges solaires, la sortie est dedans. 
        Il était temps. Au dessous de moi, déjà, les couleurs mangent les
coeurs. 
        "La beauté nous tue jusqu'à notre première naissance" lâche le maître
du jeu, puis le vent courbe sa voix, enterre sa bouche.
        Maintenant, la mort manque d'air et s'enfuit en criant que l'amour la
brûle.
        Naissance en escalier, je ris de tout comprendre.  
        Une vanesse déplie ses yeux. 
        
        Un feu de papillons souffle sur la peau de mes gestes plus hauts.
        Vibrations. 
        Tout autour, le frôlement d'une robe de vanesses. 
 
                07-04-1999
 
 -- Période fauve --
 
        Pétales de vitrail
        Mes paupières mordent la pluie
        
        Feu de papillons
        Liserés de carnage 
        Coups à plier les visages
        Coeur en cordée de lions
        
        Née à double tour
        Fleur plantée dans un cri
        La vie bondit
        
                03-04-99

 

 
 
-- Nuage en couleurs --
 
                Tournoie la chanson des chutes
        L'écho d'une vie en une minute
        
        Drôles de petits avions
        Drôles de notes qui se jettent
        Et la falaise les répête  
        Même quand la marée s'arrête
        
        La mer se souvient des mots
        De la chute qui danse
        Et de l'écho du silence
        D'un cri pris en photo
        
        Noire et blanche
        La vie plonge 
        Et des soleils poussent dans l'eau
        Et la couleur lave tout jusqu'en haut
 
                25-03-99
 
 
"Soleil ! sors de ton trou, 
casse le couvercle, 
frappe les brouillards, 
mange la nuit, dissous le noir, montre-toi, 
montre-nous le monde, 
montre-nous au monde,"
 
        -- René Daumal
 
                            -- Esprit du printemps --
 
     Mortilège, je danse contre le mur,  creuse la pierre de l'ombre
d'un mouvement, puis je pars et l'ombre grimpe le mur, saute en
couleurs, 
     Passeur de frontière, je vole par dessus les chiens.  
 
     Venin d'or, peau frappée du sceau des vivants, langue de
lumière, je ris en fliet d'ambre le long du mur, 
    Je suis venu tuer l'hiver, piquer un bâton de feu dans son corps
blanc, faire flamber ses cristaux en marées visionnaires.
 
     Flamme hirsute, sourire de lumière,  je viens lêcher vos
tiroirs, chatouiller l'envers de vos robes, polliniser vos rêves,  
     Vivre ! Aimer ! Et courir, courir, jusqu'à faire flamber l'air
et enchanter nos souffles. 
 
     Fleur du dedans du temps , mes graines sont vos visages. 
     J'aime vous voir flotter dans l'air, rêver que vous vivrez encore
demain. 
     J'aime les ailes de vos lèvres et tous vos bruits d'abeille. 
     Je suis là depuis la veille du monde, mais lorsque vous aimez,
vous m'inventez.
 
      Danse de la tige verte, je viens lever vos jardins et ployer vos
cous tièdes. 
 
                                        19-03-99
                        ----------------------------------------------
 
        Que le printemps vous soit vivant, dansant, fourmillant. 
        On ne révolte que ce que l'on s'aime ;-)
 
                Amitiés toujours. 
 
                Ziggy Stardust/ Stéphane Méliade
 
 
 
 
"car un même cordon solaire
nous relie comme eux à la clarté régénératrice.
Nous descendons tous du soleil ..."
 
        -- Saint Pol Roux
 
                --------------------------------------
 
                -- Ides de mars --
 
        Au bois de la vie noire
        Les sabots du soleil
        Coeur en allée cavalière
        Cris nièrent
 
        Cavalcades déchiroir
        Battement de la terre passoire
        Noeuds opaques
        Craque 
        Le corps gelé
        De l'hiver défoncé
 
        Plexus solitaire        
    En trouées de lumière
        Pour voir à travers
 
                        19-03-99
 
 
 
 
 
 
 
"Le vert fut la couleur premiere 
     Dont les yeux furent enchantez."  
 
                -- Tristan l'Ermite
 
                                -- Verte la vie --
 
        
                Blanc brûlé 
                Ombres en couleur
                Rouge abeille
                Piqûre de fleur
                Noir bonheur 
 
                Ronde vivante
                Mord la liberté 
                Pluie sur parasol
                Danse piquée
                Pivoter ou tomber
                 
                Saut de l'encre
                Saisons des puits
                Cadran lunaire
                Belle la folie
                Verte la vie
 
 
                        18-03-99
 
 
 
 
 
 
"L'océan la fleur et le cri du coeur 
          au loin 
          voici voici voici le murmure des vitres brisées"
 
        -- Robert Desnos
            
                                -------------------------------
                         
 
                        -- Pousses de miroir --
 
 
        Surface de labyrinthe. 
        Teintes de toi diffractées, éclatées. Plaies de couleur, tu regardes.
        Ciel vertical, tu poses tes mains et multiplies les regards, tes doigts
s'agitent en roue plate de gestes à faire la poussière. 
        Montagne de toi-même à gravir, tu pleures des larmes qui tintent,
t'essuie dans un bruit de vitres reniflées.
        Cercle fermé de tes mains autour de ton regard, tu ne te vois pas faire
signe, t'entoure de ses propres bras, bute sur la frontière. 
        Lisse comme le verre, ton corps perd ses arêtes, devient psyché ronde,
scintille en aveugle. 
 
        Tu te tasses et la glace grandit.
        Facettes de vision végétale, croissent les pousses de miroir et s'étend
le reflet de la nuit.
 
                18-03-99
 
 
 

 
 
 
-- Kaput Cino --
         
        
        Plongé dans la lueur du café, je brûle toutes vitres baissées. 
        La fumée saigne dans l'aube. 
        Illucinations, les ailes en fleur clignotent sous l'avion. 
        Halluminations, l'éclat nègre des poings brise le son.  
        En secret, une main gauche glisse une lettre dans une main droite. 
        Puis l'oubli efface l'encre. Il faut torréfier un nouveau coeur, faire
chauffer une nouvelle lettre. 
        Kaput Cino. 
        La poudre déchirée fait violence au sommeil. 
        Volutes qui me couchent et me dressent. 
        
        Sucre blanc dans une nuit noire,   
 
                17-03-99
 
-- Prononcer la lumière --
 
        
        
        En haut de l'eau, une petite fille se bouche les oreilles pour écouter
son coeur.
        Née de la nuit, fleur de givre et d'ombre tiède, tirée par des
papillons d'or, elle
        monte, monte en fièvre volante, 
        Le jour la saisit, attrapeur de vagues dans un filet de ciel. 
 
        Une larme remonte à sa source, coule dans mes yeux, voyage jusqu'à
l'extrème centre de la nuit.
 
        Flammèche de saphir au dessus des cheveux, ta couleur regarde.  
 
        Au fond du soleil, une petite fille ouvre les yeux pour regarder
dedans.
        Enfuie du jour, soeur de foudre et de chant vif, emmenée par des
lucioles noires, elle plonge, plonge en musique tournante. 
        La nuit la libère, envoleuse de flammes dans une coupe de silence
        
        Un rire éclot au delta des gestes, flambe dans mes mains, part dans le
jour,  jusqu'au milieu du bord.
 
        Prononcer la lumière. 
        Dans la paume des mots, la rosée de Saturne. 
 
          17-03-99
 
 
 
 
 
- La nuit crie de nous avoir griffés
         
        -----------------------------------------------
 
      -- Choses de couleur mouvante --
         
        Tu cours, ta crinière en drapeau d'encre, tu cours dans les couloirs du
train, renverse les fenêtres, fais couler entre ets doigts le trait du
paysage, dehors. 
        Je te vois, tu cours, tu conduis le train, la nuit, la terre. 
 
        Ta main passe au travers de la vitre, plie le paysage en origami. 
        Toi seule files à travers le monde qui ne bouge plus. 
        
        Tu fais l'origami en forme de bateau, le lance dans le couloir. Il
flotte sur le nez des voyageurs, masque d'enfance, crème blanche sur ta
peau de charbon d'or. 
 
        Autour du train, la terre s'aggripe au mouvement, le sommeil à la
vitesse, tes mains au ciel vitré. 
 
        Debout sur le siège, tu ris le train enroulé sur ton cou, écharpe de
cris autour de toi. 
 
        Un train à la mer. 
        Les ongles des vagues griffent les yeux du papier. 
        Tu ouvres et fermes les yeux pour changer la couleur du train. Il rit
et file plus vite encore, arc-en-ciel de métal. 
        Chevaux des reins, tu cours dans les couloirs, pliée dans le ventre du
papier, tes doigts écrivent sur la vitre.
        Chats de mer, les autres dorment tous en boule, la tête hors de l'eau. 
 
        Les gens dehors regardent les mots courir. 
        
        Tu sors un cahier de l'intérieur de ta main, écrit les Instants à
brûler, les lignes à mourir de vivre. 
        Cordées de sang, tes mots font les gestes pour laver la nuit. 
        Craque une sève, s'allume un doigt, flambe un souffle. 
 
        Le train orange, lancé comme une larme de feu. 
 
        Les mots filent à la vitesse d'un cri. 
        Les mots sont si rapides
        
        Un train fait l'amour à la nuit, loin, profond, crépite à l'intérieur
de toi, creuse des tunnels dans l'ombre. 
 
        Maintenant, les vitres du train sont couvertes des feuilles de ton
cahier.
        Goutte vivante, ta peau brille sur les vitres.  
        
        Puis, quand la gare rentre dans le train,  tu t'endors, pliée en
origami, pendant que s'ouvrent les portes dans le papier. 
 
                16-03-99
 
 
 
 
 
 
- Coucher d'oiseaux --
 
        
        La lumière vole de plus en plus près de l'eau. 
        Tout autour de la terre, les ailes se rapprochent.
        Soleil volant, les rayons de la terre sont des ailes.
        Et l'eau attend l'heure du coucher d'oiseaux. 
 
        Leurs ailes dépassent de chaque côté du soleil, et les légendes
disent que le soleil descend se poser ici  pour passer la nuit sous la
mer.
        
        Ils s'attardent encore un peu dans sa chaleur. Ils attendent
qu'il touche l'horizon, passent un instant la tête de l'autre côté du
monde,
sous la ligne, sous l'eau, puis sortent nager. 
        Les oiseaux du soleil aiment rire au fond. 
        Pays de toucher frais autour de soi, pays d'ailes douces aux
lents anneaux de caresses. Ciel qui pése sur soi. Lumière vaste qui se
resserre. Profondeurs d'amour traversées de courants chauds.  
 
        Soleil d'en dessous, les oiseaux chantent.
        Leurs plumes éclairent jusque dans les laves noires des fonds. 
        
        Ils chantent un peu sous l'eau, au moment où elle commence à se
prendre en nuit, plus épaisse, plus vaste. De goutte en goutte, leur
voix font
le tour du dedans de la mer, comme le soleil a fait le tour du dessus de
la terre. 
        Leur chant enflamme les vies d'ombre luisante, fait danser les
fauves mous et lourds qui rampent entre les rochers, ondulent sous les
notes. 
        
        Lestées d'amour, les flammes du ciel offrent une arche d'été aux
abysses. 
        Sous la mer, le soleil est une voix et la lumière un chant
d'oiseau. 
        Les créatures de la mer comptent les heures en pépiements de
lumière.
        
        
        Puis, remplis, les soleils volants s'arrachent enfin des fonds 
et surgissent au dessus de la ligne, laissant le feu descendre plus bas
encore, vers le noyau du monde. 
         
        Au dernier instant du jour ils en ressortent enfin, leurs plumes
mises en relief par la lumière de ce moment précis, ni de nuit ni de
jour,
mélange entre l'envie de l'ombre et le souvenir du soleil. 
 
        Le soleil coule et les oiseaux montent, leurs ailes trempées de
la nuit d'eau, leurs chants gonflés d'avoir donné du jour à entendre au
peuple
d'en bas, jusqu'à la dernière profondeur de la vie. 
        
        Ils ont pris la teinte du fond de l'eau, là où la lumière pèse,
là où la vie tremble en cercles phosphorescents. 
         Les oiseaux pleuvent vers le haut.
        
        Lorsqu' avec leurs ailes ils ont bien mélangé les abysses au
ciel, ils replongent en traits vibrants, faisant siffler l'air, créent 
de larges
coupes dressées en touchant la mer, fleurs vivantes au geste bref.
        Ils dormiront au fond jusuq'au prochain soleil. 
 
 
        La mer respire de plus en plus près du ciel.
        Au centre des rayons d'ailes, la terre se repose.
        Soleil profond, les chants du ciel sont le réveil d'en bas.
        Et la nuit attend l'heure du lever de l'eau
 
                17-03-99
 
 
 
 
 
 
 
    -- Tombées de vie --
 
        Sable fou, une montagne raconte qu'un jour, elle sera légère dans une
main d'enfant, volée d'or et de fièvre, compagne de course et de rêve. 
        En poudre de torrent, elle sémera du feu dans les yeux des vagues. 
        
        Un arbre monte, traverse mes mains, écarte mes bras, me transforme en
geste de feuille, signe amarré au courant. 
        Je suis cette forme sombre aux mouvements patients, je suis cette nuit
rêche que caresse la lumière, je suis cette eau luisante aux nervures de
chaleur. 
        En ces temps de croissance, il n'est ni eau tranquille, ni forêt
morte.    
        
        Sable fou, une plage raconte, en dansant dans le vent,  qu'une nuit
elle sera massive et lente, que ses arêtes seront des joues de
vieillard, des gestes de peu au souffle court.
                
        Le vent s'épaissit, mêlange la tourbe au cristal. 
        Je boirai le second et me vêtirai de la première, pour être chez moi de
tous les côtés du temps. 
        Flamme qui tousse, je guérirai les arbres du froid. 
        Eau qui brûle, je soufflerai des vents d'étincelles. 
           
        Craquements de la mer. Les racines fluides courent dans ma tête,
gonflent les marées du bois, cerclent mes mains en sourires d'années. 
        Vent couché, un courant flambe. Vague debout, un arbre monte. 
        
        Aux grandes profondeurs du ciel,  en tombées de vie, j'entends le
premier souffle des troncs du soleil. 
        Mer obscure aux noyaux de flammèches, je sème les gouttes des feux
passeurs. 
        Ligne du sourire d'eau, Crépitement des feuilles en incendie bleu, je
conduis la nuit vers la couleur. 
        Un jour de ma vie, je toucherai la plus haute branche du ciel fluide. 
        Feu palpable, l'arbre de houle est du bois dont on fait les étoiles.
 
        Sable fou, jusqu'au dernier jour, le soleil viendra crier dans la mer
la joie de gravir les grains jusqu'au fond. 
        
                        08-03-99   
 
-- Éclipse d'ombre --
 
 
        Simplicité composée des mouvements nuages
        L' écho des courses en ciel
        Tourne les yeux vers le soleil
        Ombre sur les hommes en couleur
 
        Chat à côté de moi
        L'ombre se ramasse pour bondir
        Griffes sur le soleil
        
        Jouer
        La gravité des vérités
        Oser briller
         
        Boucles
        Écriture vivante
        Chatoyer et signer
        Pinceaux goutte par goutte sur le ciel
        
        Coeurs couvercles
        Nuances dans les marmites alchimies secrètes
        Le temps d'une palette
 
        De l'intérieur
        Rayonne le noir couleur qui repeint l'incendie
        
        Vibration des pinceaux trempés dans l'air d'été
        Battement de paupières
        Rayons des coeurs habités de couleurs
        Le monde prend feu aux yeux
        
        Éclipse d'ombre 
        Au centre de la terre, le soleil regarde en l'air
 
                        04-03-99  
 
 
 
 
 
   -- Bain de minuit --
        
        Nuit dans la nuit
        Les nageurs brillent
        
        Feu en face du soleil
        Souples dans leur main 
        Des petits bouts de nuit 
        Sans partir sans mourir
        S'agrippent à l'aiguille des heures
        
        À minuit
        Nervures d'oasis
        Delta de la lumière irriguée
        Tournent les piqûres dans l'eau claire
        
        La rivière brûle
        Cercles des flammes venues se baigner
        Goutte de soleil sur peau de fleur
 
                04-03-99
 
  	
 
 
 
   -- Les noyés --
 
        Ils remontent.
        Sans bouger leur corps, ils avancent, toujours plus près de la lumière,
toujours plus lancés vers l'air.
        Deux lumières douces et nacrées dans chaque visage.  
        Deux lunes d'eau dans les yeux. 
 
        Parfois l'eau en a rangé un sur l'autre, en travers. 
        Une croix tourne en montant. 
        
        Ils arrivent.  
        Sous l'eau tremblent d'étranges couleurs, portés par les visages
s'approchent des éclats vibrants. Un grand vitrail de nageurs endormis.
        Remontant goutte à goutte une longue fleur de patience, pétales
fluides, effleurent déjà la ligne entre les deux mondes.  
        
        Ils surgissent. 
        Les hommes tendent les bras vers la surface. Tendent leurs doigts vers
les  yeux pour saisir ce qui brille. 
        Mais les noyés continuent vers le ciel. 
        Accrochés aux regards, quelques hommes suivent un instant, puis
retombent.  
        
        Les noyés s'envolent. 
        Sans mourir, ils s'élèvent, au dessus du vent, autour du soleil, plus
loin encore.
        Dans leurs yeux, la lueur nacrée brille toujours. 
        Le rêve d'or et de nuit, la soie rieuse, la Lune de Mer qu'ils sont
venus chercher, à l'envers du fond. 
        Chuchotis de lumière. 
        Ils l'ont mise dans leurs yeux
        Leur regard respire en toute vie.  
        Ils voyagent avec elle pour la rendre au ciel. 
        
        Déjà, quelques enfants ont compris et respirent sous l'eau en riant
tout bleu. 
 
                02-03-99
 
 
 
 
Eaux et tristesses, montez et relevez les
                                 Déluges."
                - Arthur Rimbaud
 
                        -- Grains de beauté --
   
   Je suis venu jouer dans la nuit, sous la neige des grains de beauté,
   Ils sont plus noirs qu'une montagne posée sur des yeux fermés.  
 
   Autour d'eux, la nuit semble faite de milliers de cercles clairs. 
   Ce n'est pas un ciel tranquille. Ce n'est pas un temps à jouer
longtemps
  
        Le vent roule en touffes, siffle dans les brins d'herbe, heurte les
fleurs gardiennes de la nuit. Leurs paumes levées dessinent toujours
plus de ronds clairs autour des grains de beauté.
   Au dessus de ma tête le noir et le clair se soulignent. 
   
   Pendant que je bouge, une neige d'ombres poudreuses tombe à
l'intérieur. 
   En moi, le clair et le noir s'entourent.  
 
   La nuit fracturée meurt en soleil d'avoir dansé. 
   Le jour vient et m'éteint.   
   Et la paume des fleurs continue de tenir le toit de la maison du
ciel, la seule dont les murs rendent libre. 
    
        Je reviendrai. 
        Dans la nuit brilleront les grains de beauté.  
        Sur ma joue, j'aurai posé un rond de ciel. 
        
                        24-02-99
 
 
 
" (...)demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à
l'horloge; à
 tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui
 roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle,
 demandez quelle heure il est."
                -- Charles Baudelaire
                                                                                         
                                -- La plume à l'odeur de la mer --
 
        La plume à l'odeur de la mer ne vient pas d'un oiseau. 
        
        Tendue dans le ciel, la plume flambe au dessus de l'eau pour
accompagner le convoi porté par les vagues. Elle suit le chemin d'une
goutte dans un coquillage. 
        
        Bûcher de nacre,le coquillage dérive. Ses jeux irisés racontent le
voyage d'un ciel d'eau. Sa paume salée tient le sommeil de la première
goutte, celle qui inventa l'odeur de la mer.
        Lorsqu'il lance un éclat, la plume le voit et, aussi sûrement que le
vent, l'éclat infléchit sa route. Au vent de lumière, elle prend chemin
et vient rejoindre l'eau. 
 
        Puis, sur les vagues, elle allume les signaux du langage des plumes,
les mêches de soleil fluide. 
        Ils s'élèvent en vapeur, se détachent du poids de la terre en marée de
nuages. 
        
        Alors un visage se forme en même temps dans le ciel, dans l'eau et dans
la flamme. Qui saura lire dans ce visage ne mourra jamais. 
 
        La plume à l'odeur de la mer ne vient pas d'un oiseau. Mais certains
oiseaux viennent des moments qu'elle a passé à rassembler le grand
visage. 
        On les reconnaît à la goutte irisée dans leurs yeux et à leurs ailes en
forme de vague. 
        Lorsque dans l'eau brille le soleil de nacre, l'odeur de la mer peut
gagner le ciel. 
        
                22-02-99
 
 
        Ce poème est illustré. En effet, le titre de de ce texte est celui d'un
dessin-cadeau de Nolwenn, dessin que vous pouvez voir à l'adresse
suivante : 
                http://www.ac-versailles.fr/etabliss/peupliers/plume_Nolwenn.html
 
 

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