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-- Derrière le soleil --
 
        Derrière le soleil
        Se donne une drôle de fête
        "La voir c'est mourir"
        Proclament les panneaux de métal
        Fichés dans nos chapeaux
        Nous nous croisons dans la rue
        Et quand nous enlevons nos chapeaux
        Les panneaux tintent pour nous rappeler à l'ordre
        Ne pas caresser ne pas mordre
        Dix doigts de la même taille
        Et du sommeil debout
 
        Nous parlons
        Nous nous faisons gris comme eux
        Mais dans nos regards
        Des lueurs s'attardent 
        Insesiblement
        Nos têtes s'inclinent vers le ciel
         
        Les panneaux crient
        "Restez groupés"
        "Ne regardez pas en l'air"
        Je ne les vois plus
        Je marche
        Mon chapeau jeté à terre
        Recueille une pluie de couleurs vives
        Aime l'air d'en haut sur ma tête
        
        J'invente
        Un grand escalier
        Chaque marche est une joie plus belle
        Et je monte l'arc en ciel quatre à quatre
        
        Je suis une vie en route
        Vers la fête qui se donne
        Derrière le soleil
 
                1er février 1999
 
 
 
 
 
 
-- Infini de naissance   --
 
        Dans la première graine d'une forêt, un arbre parcourt une lettre
envoyée depuis loin devant dans le temps. 
        Ses enfants lui écrivent. 
        Ils ne se servent pas de mots. 
        Ils sont le papier, et aussi un peu la trace des doigts qui
l'ont tenu. 
       
         Lui, l'arbre, il n'est même pas encore né. Il n'est qu'un rêve dans
une graine, même pas plantée. Et déjà, ses enfants pliés se souviennent de
lui. 
        Ils savent les saisons, les vies, les mouvements, les soleils. 
        Pas lui. Il est infini de naissance. 
        
        Il n'est qu'une origine, même pas ronde, même pas brillante. Juste une
graine un peu aplatie, peut être juste un désir d'ombrage voulu par les
hommes d'un pays chaud. 
        
        Il se souvient de ses enfants qui viendront d'en dehors de lui. Il y
aura des vents, des gestes verts, des enlacements de terre, des
cambrures de pétales et des carnages de sève. Des histoires de saisons.
        Lui n'a pas de saisons. N'a que sa propre naissance pour mourir et
tout l'infini pour vivre. 
        
        Mais là bas, ses enfants ont vu le monde, et ils veulent lui dire que
ce monde qu'il ne saura jamais, il l'a commencé un jour. 
        
        Alors, l'arbre peut s'infinir et  naître de la lettre lointaine
de ses enfants qui l'aiment. 
                
                30-01-99
 
 
 
 
 
-- Fenêtre sur vie -- 
        
        
        En hiver
        Les fenêtres viennent boire ici
        Transparence parfaite
        Soulève déplie complète
        Ma main sur la vitre
        
        Aux heures blanches 
        Les fenêtres viennent ouvrir les murs
        Les regards des carreaux
        Atteignent chantent éblouissent
        Gestes derrière le verre
 
        Un mot s'écrit sur le verre
        Puis saute
        Du haut d'en-bas
 
        Visions brillantes
        Aveuglées transparentes
        Ce qui est chanté chante
        
        Ailes des fenêtres
        Elles repartent en tintant
        Vol des vitres du printemps
 
        Chambre avec vue sur la vie
        Elles habitent le tour de la terre
        Les fenêtres
        
        Fenêtres à vivre en l'air
        Leur scintillement crie dans la lumière
 
        
                        26-01-99
 
"La lumière creusait son vertige, quand les ombres des hommes sont
pareilles à des puits sans fond"
-- JMG Le Clézio
 
                        -- Or Noir --
        
 
        Terre sans arbre
        Brasier nu en gestes silhouettes
        Or flambé
        Déshabille l'eau
        Cherche la source
         
        Son mouvement regarde en haut
        Joue avec les avions
        Devine leur destination
 
        Parfois, 
        Les siècles sont rapides
        Et les instants n'ont pas de fin
        Et les avions se posent en plein vol
 
        Si nous aimons
        Nous sommes les pistes des ailes
 
        Lentement
        Trempées depuis les premiers feux
        Des mains travaillent le soleil
        Se penchent quand la terre tourne
        Forgent un baiser
        Pour le lâcher vers le sol
 
        Artisan du monde
        Être son propre ouvrage
        La vie n'est pas autour mais dedans
 
        Et l'or noir vient gonfler les nuits plates
        Germe les horizons
        Donne des couleurs rondes aux fenêtres 
        Jardin d'eau et fraîcheur aux recoins du vent
        Patio tournant
        Rires à dix doigts aux fontaines nées du feu
         
        Maintenant, c'est la source qui cherche le temps
 
        Solell profond
        Un sourire dans l'arbre
        
                26-01-99
 
 
"De toutes mes forces, je me précipite vers plus tard"
(lettre de François à Léna dans le film "l'année de l'éveil")
 
                                -- Le piano à devenir  --
 
        Un piano juste devant l'eau. Il est là pour plus tard. Posé d'avance,
comme incrusté, mais pouvant s'échapper d'une ruade et nager seul, voile
noire et laquée faisant claquer ses arpèges. 
 
        Un piano sur la plage. Organique, faisant chair avec le joueur, puisant
ses crescendo dans les mélanges vifs de ses doigts. 
 
        il joue la musique qui marche, rassemble les sommeils en une boule
brillante, éventre la torpeur. Chacune de ses notes meurt de joie,
s'empile en sphères rugueuses , feutre la mesure douce dans les pupilles
du joueur, frappe chaque souffle d'un sceau, cogne à la porte des
maisons. 
 
        Le piano se courbe, se cabre, demande parfois la parole. Le joueur le
salue et va allonger son corps en sourdine.   
 
        Les lames des volutes percent ses mains. Lentement, les chants en
fumées montent, cassent la clarté, baguent les doigts du joueur de
cercles fantômes.        
        Air de mystère. Un jeu très sérieux. 
        
        Folie déroulée, lacée, adhérente, essentielle. Un mouvement continu
grave le sillon fruité, scalpe le temps. 
        À l'entendre, devant la mer, nous ressemblons tous à ces cornes de
brumes qui savent et qui cherchent en même temps. 
        
        Le joueur dort entre les cordes, à l'intérieur. Il avait préparé des
notes d'avance, elles vivent toutes seules, rasant les vagues. 
        
        Musique de plus tard, quand le piano rosit , le début du jour a déjà un
goût de soir. 
                
                        26-01-99
 
-- Yeux en amants --
 
 
        Tes yeux en amants
        Lisent dans les coins
        De mon sourire  
        
        Mélanges savants
        Cils en tamis
        Mots en forme de fruit
 
        Sirène noire en robe des chants
        Ta maison  
        Pousse au dernier étage de la lune 
        
        Vision de pluie
        Sur un bruit de beau temps
 
                25-01-99
 
 
 
  "Nous naissons, pour ainsi dire, provisoirement, quelque part. C'est
peu à peu que nous composons en nous le lieu de notre origine, pour
naître après coup et chaque jour plus définitivement"
                -- Rainer Maria Rilke 
 
                                                         -- Stivell --
 
        Sur la place de Stivell, l'air de rire, les enfants disent qu'ils ont
vu des arbres se mettre à faire des bruits de marée et des collines
commencer à vivre vite. 
        Ils prétendent même qu'un bout de soleil est tombé, mais le montrent
avec leur main fermée. Lorsqu'ils l'ouvrent, il n'y a rien. 
        Mais lorqu'ils courent dans les allées du marché, les fruits sautent
tout seuls dans leurs mains. 
 
        Ils disent que maintenant qu'ils sont nés, les couleurs vont changer de
place et qu'on aura des surprises. Pour cela, expliquent-ils, ils
devront courir de plus en plus vite, jusqu'à ce que les choses vivent
autrement. Une histoire d'atomes et d'amour que je ne suis pas encore
assez jeune pour comprendre. 
        Déjà, eux commencent à grandir ailleurs. 
 
        Ils doivent avoir raison. Nos feux du soir nous intriguent. Ils
prennent couleur humaine, comme s'ils secrétaient des visages et des
corps, comme s'ils étaient la maison d'une vie . 
        Et les courbes des plantes commencent à écrire des mots dans l'air. 
 
        Les enfants de Stivell parlent en regardant à travers nous, contemplant
les fruits qui bougent tout seuls dans leurs mains ouvertes, 
        ils disent qu'un jour, quelque chose ouvrira le ciel, il y aura un
grand éternuement en nous, et les étoiles viendront visiter le jardin. 
 
        J'aurais dû les croire depuis le début
         Hier soir, j'ai regardé le trou dans le soleil. 
        Je suis resté encore un moment dans la flamme, pour faire réserve de
souvenirs de soleil, de secrets de chaleur, puis j'ai sauté dans ce
monde. 
                        
         J'aime venir dans  les jardins de Stivell. Je suis encore un peu chaud
pour toucher les gens, mais déjà je tends les nouvelles couleurs dans
mes mains ouvertes. Leurs oeufs sont des bouts de soleil et ils ont
encore besoin de la chaleur de ma paume. 
 
        Mais bientôt, les enfants pourront les attraper en courant et les
tremper dans la source. 
        Les couleurs naîtront dans l'eau, elles seront des fruits vivants, des
plantes qui savent écrire, des vies en course de soleil, emportées avec
nous vers le prochain début du monde.  
        
                23-01-99
 
        ("Stivell" veut dire "Source" en breton )
 
 
 
 -- Pistes --
 
        
        Les voitures sont passées sur les dunes. Leurs bruits ont cassé les os
des enfants, la mort droite a épousé leurs courbes avant de jeter une
pièce dans leur bouche ouverte.
 
        Les voyages patients, ceux qui durent plusieurs vies, ceux qui arrivent
vraiment quelque part, peuvent reprendre. 
        
        "Qui ?" demandent les tissus brûlés, "Qui ?" demandent les toiles des
tentes. 
        Parfois, elles s'envolent seules, alors que nous dormons debout à
l'intérieur des grains. Elles habillent les astres. 
        Alors,  les étoiles parées descendent vers nous, le soir, sur le sable
tiède.              
        Elles aussi voyagent, elles aussi aiment se guider à notre
lueur palpitante.                                          
        Parfois, nous sommes le ciel du ciel. 
        Et toujours, nous nous réunissons à l'intérieur de la lune pour boire
le thé. 
 
        Les voitures sont passées sur les coeurs des enfants qui s'étalent en
nappes de chaleur, mirages tremblés de l'amour vrai, fleurs
nourrissantes , posent la table du partage sans moteur, sans argent,
sans métal. Juste le vent et un regard...
         Voyage multiple, Je me rassemblerai seul, tout autour de cette table,
famille interne. 
 
        Déjà, ailleurs, ce qu'ils appelaient leur civilisation est morte. 
 
        Maintenant, le temps derviche peut faire tourner à nouvau la roue du
désert. Il n'y a jamais eu de désert. Ici, tout est vigne. Mais la vie a
joué à se cacher, pour qu'ils ne puissent pas voir le monde qu'ils
transperçaient. 
 
        Quelque part, des enfants marchent, des traces de roues sur leur peau.
Ce sont eux, les pistes à suivre. 
 
                22-01-99
 
 
-- Traverser la nuit --
 
	
	Du drapé des pensées
	Surgissent les mots mystères
	Ils rythment le tour de la nuit
	Gravent nos jours cachés
	Poussent
	
	Phrases internes vivantes innées  
	Langue inconnue par coeur
 
	Pierre habillée d'eau
	Une goutte autour du temps
	
	S'invente en vrai
	Le mouvement de naître
	De ces mots
	
	Je traverse la nuit sur leur pieds
	 
	 	22-01-99
	
  -- Ta voix écrit --
        
 
        Fleur qui plonge
        Plage aux bras ouverts
        Lune pêcheuse
        Éclats de vivre sur une fenêtre terrienne
 
        Corbeaux de feu
        Lacs de soleil dans les yeux 
        Poudrières des chemins seuls
        Les mots se jettent du haut d'un cri
 
        Les ramasser 
        Se rassembler 
        Renaître
        Réapprendre
 
        Ta voix bouge l'espace
         
        Au tableau 
        La lumière palpable
        Choisit les gestes de la craie
        Les couleurs des mouvements vifs
 
        Forme chantée du mot amour
 
        Soleil touchant
        Ta voix écrit 
                
                        20-11-99
 
 
" Dieu a créé des pays avec beaucoup d'eau pour que les hommes puissent
y vivre et des des déserts afin qu'ils puissent y reconnaître leurs âmes"
        (Proverbe Touareg)
 
                -- Encre Solaire --
        
        
        Feu dessiné autour des yeux
        Une main trempée dans un puits
        Maquille la nuit
                
        Vie ondulée dans les cheveux
        Dunes nouées
        Elle tremble les traits droits des lignes d'eau
 
        Terre rouge
        Dans les veines du soleil
        Le sang de soif aux lèvres du ciel
 
        Peuplée de signes
        Elle s'allonge sur le chaud de la terre
        Étire ses gestes pour pétrir un jardin
        
        Verger nu
        Le désert voyage dans sa paume
        Écrit le regard des ombres à l'encre solaire
 
                        20-01-99
 
 
"Je suis homme: je dure peu 
et la nuit est énorme. 
Mais je regarde vers le haut: 
les étoiles écrivent
Sans comprendre je comprends: 
je suis aussi écriture 
et en ce même instant 
quelqu'un m'épelle. " 
        -- Octavio Paz
 
                                        -- Nommer la vie  --
 
        Vieux fou au milieu d'une forêt, plus vieux que la première graine qui
désira sa voûte.  
        Dans la maigreur de mon bâton, il y a toute la place pour vivre. Mes
cercles magiques ont tous la forme d'un visage. Nul sommeil ne peut
tondre ma barbe. Nulle fleur ne peut m'endormir.  
 
        J'appelle l'orage par son nom et il vient.  
 
        Sueur hérissée, la pluie sculpte les arbres, prolonge chaque feuille
d'un regard lourd. Sursaut clair, la foudre cuit les mains dans leur
geste, dresse les oreilles de nos ventres.  
        En temps normal, chaque herbe surveille chaque tronc, et gare à qui
voudrait vivre hors de sa forme. 
        Parfois, les gardiens s'endorment dans les tiges. Alors, le ciel
s'enroule autour d'un homme, les fleurs pésent comme des maisons dans
les mains et les rochers marchent ensemble vers le monde des hommes.  
        
        Tombe un nuage d'orties rouges pour me punir, je plonge dans l'eau pour
respirer.  
        Des poings dans mes poumons, je nage, galope sur le cheval de ma mort. 
        Ma chair devient un peuple vert sombre, un balancier d'algues fumantes,
une course éclaboussée.  
        Escalier du souffle, j'emmène bouillir la flamme éternelle dans le
chaudron des abysses. 
        
        Sous la pression, mes yeux éclatent. Maintenant, je vois partout à la
fois. Je vois les feux dans la nuit et les demains dans la mémoire, je
vois la forêt surgie d'une seule graine, les caravanes du ciel et les
soleils du fond des eaux. 
 
        Une fleur fichée dans mes palmes, au fond du temps, ma main pour seule
clé, je passe au galop sous les arches en fusion.  
 
        Et là, traçant un cercle, je peux enfin nommer ma vie pour qu'elle
puisse se lever et raconter toute l'histoire aux enfants qui viendront. 
 
                20-01-99
 
 
-- Quelques graines --
 
 
	Quelques vents plus tard 
	Le toucher des tables 
	S'allège  
	Noir après noir
	La nuit est enceinte de la neige
	Soleil en robe du soir
 
            Quelques eaux plus loin
	Autour du feu, les gouttes en cercle
	Brûlent 	
	Pour grandir la soif
	Élèvent la profondeur
	Réchauffent la lune
 
	Quelques fleurs plus haut
	Courent les enfants
	Vol des ballons 
	Dans un ciel de traîne
	Une main blanche autour d'un flocon
	Quelques graines
 
			20-01-99
	
 
 
 "Debout mes fils cassés
 Et vous, mes fils emmêlés,
 Debout ! 
        -- Kedarnath Singh
 
                        -- La maison qui vit toute seule --
 
        Nous quittons les enfants qui vont naître. Nous aimons qu'ils aient
envie de trouver la maison qui vit toute seule. 
        Ils ont bravé nos interdictions, sauté par dessus nos doigts tendus,
fait semblant de se prendre les pieds dans nos barbes froncées. 
        Maintenant, ils sont déjà en chemin et nous rions de leur feu. 
       
       La maison n'est pas encore tout à fait née.  
       Elle lêve encore dans un four invisible, laisse éclore ses fenêtres.
Trop hautes, les marches de l'escalier ont brûlé. Quand les enfants
viendront, il leur faudra tous coucher en bas, déployés en fleur
dormante. 
        La maison les prendra dans ses bras, interdira à la pluie de troubler
leur sommeil, soufflera sur les loups pour les faire tout doux autour
des enfants. 
 
        Dans la maison, des mains patientes patinent leurs gestes, polissent
les murs, traitent la vie comme un bois précieux, achèvent l'ouvrage. On
ne les voit jamais, mais on les entend courir, c'est même la source de
la légende. Au village, tous les enfants font courir leurs doigts, dans
l'air, sur les tables, sur leur tête. Ils disent qu'ils parlent comme la
maison. Qu'eux aussi veulent vivre tout seuls. 
         
        Maintenant, le ciel a changé de couleur. Les enfants viennent de
pousser la porte et les vieux soleils peuvent mourir. 
    
        Bientôt, nos mots durciront sur nos langues, nos regards se tourneront
vers l'Ouest. 
        Quand la maison sera née, nous serons tous morts. Par politesse, nos
poussières viendront la saluer à lents gestes de caciques. Le vent nous
soufflera parfois contre sa fenêtre. Mais, promis, nous ne resterons que
le temps d'un regard.  La maison vivra toute seule avec les enfants, et
elle aimera se souvenir de nous qui l'avons voulue. 
        Nos graines s'assembleront à nouveau. Cette fois, nous serons des
visages verts dans le jardin et les enfants aimeront sauter par dessus
nous pour se défier. 
 
        Mais d'abord, il  nous faut nous étendre, deux tiges de ciel fichées
dans la tête, cornes à lier les mondes. 
        Nos doigts mourront les derniers, et lorsque nous aurons cessé de
respirer, ils courront encore un peu dans l'air. 
 
                        20-01-99
 
	
Aux enfants d'Hénouville, mes amis. 
À la vie que rien ne peut mourir
 
        "il arrive, parfois, que ce cri inconnu qui fonde notre vie 
devienne, un court instant, audible"
        - Luc André Rey                 
 
                                        
                                        -- Mémoire Vive --
        
 
         Une plante verte dans une cour d'école fait la ronde avec les enfants,
leur apprend les couleurs que l'on voit les yeux fermés, la mémoire de
bientôt. 
         Une rose chaude dans chaque main, ils écrivent en lettres de parfum.
Creusent les galeries des étoiles souterraines. 
         Sèves tournantes, ils écrivent, mentent la vérité, grimpent l'échelle. 
         
        Ils chantent : 
 
        "Je sais des ciels vastes et des plaies volubiles. Je sais des fièvres
imprononçables. Et des enfants-rochers. Je sais les visages dans les
troncs et les yeux dans la lune." 
 
        Et je crie autour de leur chant
 
        Je crie aux nuits blanches vrillées dans mes yeux.
        À une signature salée sur un bras d'enfant
        Aux nuages noirs en forme de croix.  
        À la nage des loups dans la neige 
        À une petite fille de 89 ans qui parle à son miroir. 
        Aux vitres posées sur les sources
        Aux arêtes du soleil
        À la furie du vivant. 
        Aux mouettes, plus lourdes que la mort, plus belles que l'amour.
        À la terre, jamais immobile.  
         
        Et les enfants ne s'étonnent de rien et leur chant vient dans mon cri,
tresse le sourire du sang. Puis ils jettent leur craie tous en même
temps sur le tableau et sortent tourner sous le soleil comme un jardin
vivant. 
        
         Même la nuit, même couchés, les enfants chantent encore.
         
        Je leur souris. J'ai mis mes feuilles dans leur main, mon parfum dans
leur mots et je tourne, tourne avec eux, jusqu'à nous vriller tous dans
la pierre qui s'envole. 
 
                        19-01-99
 
 
-- Chambre d'écho --
 
                Rires sangles ôtées
                Dans la chambre d'écho
                L'air appuie sur l'eau
 
                Fluide continent
                Vaste visage
 
                Le monde entier 
                De la longueur d'une valise
 
                La nuit écrit
                "Il y a une vie pendant la vie"
                
                                18-01-99
 
 
 
			-- L'accordeur d'anges --	
	
	
	Pizzicati
	Regards vifs
	Un écureull sur une portée
 
	Une main brûlée autour d'une clé de Sol
	
	Envolées de cordes
	Vie d'arbre en arbre
	Roue lyrique
	Orchestre cosmique
 
	Au coeur d'une mélodie respirée
	Trilles sursaut
	Ciel crescendo 
	Soleil souffle et lune en apnée
		
	Une voix limpide trouble le fleuve
	
	Diamants des notes et poussières des chants
	Naissent 
	Sonnent juste
	Aiment voler
 
	La musique de l'homme
	Marche à pied
	
	Plume tempo sur l'accordeur d'anges
		
			18-01-99
	
 
-- Histoire cherche auteur --
 
        
        Une lettre se déplie
        Corps sans bruit
        L'encre rougit
        
        Porte froissée
        Le papier raconte
        Les pleins les déliés du toucher        
        La trace des yeux
        
        Plusieurs vies à vivre
        Lecture en plein vol
        À quelques lettres du sol
        Nulle part sauf partout
 
        Les mots 
        Laissent les doigts dormir
        Vivent tout seuls
 
        Je signe
        
        L'histoire existe
        Pas moi
 
                        17-01-99
 
 
 
 
 

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