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------------------------------------ " Prénom ? Neige d'été Ta mère ? Papillon de l'île douce Ton père ? Nuage à la fois sévère et gentil Saison ? Plage blanche Cheveux ? Baiser doux Avenir ? Me marierai avec la glace" - Romina, 8 ans ------------------------------------Les aiguilles du soleil. Ma couleur, injectée dans la neige. L'extrême douceur d'un éveil blanc. Je tends les bras, Je me lève et je me souviens. J'ai froid, mais moins que ce monde. Je suis une cité de cristal vivant, mes parois se serrent un peu pour couver la couleur. J'ouvre mes gestes pourtant, me règle sur le temps de ce monde, accorde mon feu à l'hiver. Je cours un peu dans la neige pour que le sang chaud de mes veines charrie les nuances, distribue les teintes. Je fais voler les flocons tièdes, souffle sur le givre pour y imprimer des mots. Ils vont fondre, les uns après les autres. Je me glisserai dans leur vapeur, voyagerai jusqu'à la mer où l'eau me respirera. Je viens du sud de la vie, au croisement des plis de la carte du ciel. Je suis un dessin vivant, une parole d 'ocre et d'amour, tracée par de très anciens feux pensants, dans les cavernes du soleil. Là bas, je suis un geste doux, un regard attentif, une caresse Ici, je suis une flamme dans l'hiver, un feu follet dans la neige. Je cours dans l'hiver et me dessine à l'intérieur de moi. Je suis la caverne parfaite, la montagne volante, petite, transparente, glissée sous un ongle, Des mains me lancent sans me voir, je suis la suite de leurs gestes. Mais je vais grandir, grandir, allonger de ma flamme les ombres des hommes pour qu'elles flambent en belles écharpes sombres tout autour de la terre. J'habille le monde du feu rituel, l'entoure de la trace de leurs mains. Je vais aimer l'hiver. Je vais aimer ce temps de nuit et de silence. Je vais aimer être seul, oeuf du soleil posé dans la forêt, coeur secret du monde. La glace se pourpre à mes cheveux et le feu prolonge mes cils. La neige bouillonne et je soulève la terre, peint sa peau de ma trace. J'avance à petites flammes douces, je lèche la lisière du bois, hérisse les feuilles des arbres. De proche en proche, toutes les vies du monde se passent la nouvelle : je suis revenu, j'ai glissé du soleil pour ensemencer l'hiver. Je cherche aussi la mer, j'ai soif de l'eau de ce monde pour l'apporter au soleil. Là bas, j'ai inventé un nouveau dessin, mais seule l'eau d'hiver peut le tracer et seule la mer peut le faire vivre.. Maintenant, je suis une main de vapeur, une nébuleuse de couleurs, un tourbillon de feuilles, enroulé sur la queue d'un chat, qui erre. Il est arrivé au même moment que moi, Sans doute est -il mon frère de soleil et joue t-il à ne pas me reconnaître. Lui aussi veut atteindre la mer. J'aime cheminer avec lui, j'aime le bruit très doux de ses coussins sur la neige, j'aime me perdre dans ses yeux et faire le vent dans ses poils. J'aime le réchauffer à mon feu, et son ronronnement me rappelle les marées solaires, mes chansons vives et incandescentes lorsque j'étais enfant d'or mouvant, au coeur du feu du ciel. J'en fait un chat de soleil. Ensemble, nous arrrivons à la mer où nous allumons la mêche des vagues. L'eau ronronne de retrouver le feu et je remonte vers le soleil avec les premiers volutes de chaleur, mes mains d'or chargées d'océan. Maintenant, sur terre, les hivers seront brôlants et j'y crépiterai mon chemin de couleurs. Mardi 24 Novembre 1998 ------------------------------------------------------------------ * Maeve : Déesse du Sud en magie blanche. Merci à ma jeune amie québécoise Maeve, alias Laurie-Anne Lavoie. ------------------------------------------------------------------"On my way home I remember only the good days" -Enya ----------------------- -- Fées de forêt -- Lumière déroulée Fil de lune autour du front Un chat noir dans les yeux Flamme de souplesse Je passe d'arbre en arbre Les mains des arbres ne dorment jamais Allument les fées de forêt Écrivent pour de vivre L'ombre des feuilles est la voile de l'hiver Les vagues nues de la mer L'origine de la lumière Lancée dans l'histoire À la vitesse du miroir Ici Le souffle d'une fleur fait fondre le temps Soulève le vent Les dieux pleurent le rire du monde Ici, les arbres dansent Et les flammes se propagent De visage en visage J'habite aujourd'hui Au sud de la vie Je ris les mots du grand livre de pluie 22-11-98-- Feuilles vives --Des mains qui courent dans le jardin Emmènent des feuilles Couleur chair Mélées à leur doigts Feuilles de corail au voyage sans fin Traversée tissée des brins Vitrail de demain Mains poussées sous la pluie Champignons de nuit Fées et gestes Dansent et appellent Les feuilles à rejoindre le soleil Tombent les visages Se préparent les mains mouvantes à traverser les âges S'enroule la sêve L'hiver durera le temps d'un rêve Feuilles vives des chansons mortes Clés du soleil au givre des portes Mains d'hiver, Véritables et nues S'étendent dans l'herbe Vont dormir dans la rosée Vont s'échapper Et nous rejoindre derrière nos yeux fermés Cercle de nacre au doigts dormants Les mains regardent La face couchée de la lune Mains du soleil sous la glace Ciel en feuille Sommeille Entre mes cinq doigts Feuilles vives au grand arbre du ciel 21-11-98-- Veiller --J'allume les fleurs au bout de mes doigts Bâtonnets dansants Odeur du temps Le soleil-araignée habite mon coeur Rayonne les facettes de la soie J'allume les gestes au bout de l'esprit Marelles de la nuit Lueur tactile Signe sur les paupières Fait voler le temps aux plumes de l'or J''allume la vie au bout des vagues C'est la nuit qui dort Et l'heure qui me regarde Bientôt, Le feu soufflera sur moi Et mes graines éparpillées Rassembleront vos pas Il fera chaud sur la paume du chemin J'allume une flamme au bout d'un cil 21-11-98-- Or bleu -- En attendant hier Sur le dernier arbre avant la mer Un visage dans les noeuds du bois Lance les fils des fées autour des doigts Cadence la joie Liquéfie le temps aux nages des palmes du sang Rythme le chant Dessine du vent sur les chaînes À l'or bleu des encres en graine Au noyau du soleil S'endort la nuit Aux crayons des éveils Se trace la vie Croissent Les bourgeons dans la mémoire de la mer Arpègent Agrègent les cordes des couleurs Dirigent les courants de chaleur Gravent les gestes en langage des fleurs Pour appeler les lueurs Prière sans port Le creux des vagues cache les trésors Pirate la mort Dans l'intérieur des mots S'allume le jour À l'orient des étoiles d'eau Habite l'amour Jardin brillant Caresse de lune sur le dos d'un chat Gestes d'ombre au confluent des bras Esprit dansant entre les brins brûlants Courbe des yeux Pépinière du feu Or bleu 16-11-98-- Couleurs de l'air -- Au coeur solaire des voûtes Poussent les décombres du nombre d'or Se ferment les anneaux des sorts Sur mes poignets bleus Toujours plus fort L'espace mesure le poing des dieux Ceinture les gestes aux cages de l'air Vocifère L'ordre de rompre les cercles d'eau De briser les mots Soupirs carcans Tapent du pied hachurent le blanc Tuent la pluie en dansant Démontent le temps Pierre seule Fleur sauvage du feu des instants J'arrache le corps du néant Ils peuvent attendre Le bal des corbeaux La mort des mots Je suis la lave féline des eaux du chaud Je vole au dessus des écailles Jette des rires dans les mailles Capture les chaînes des étroits Et les cages en cage Rouillent de rage Au corps lunaire de la cité S'efface un rêve en jardin de brume Clarté sans rideaux Coeur caresse Arche d'encre tracée sur la peau Jouent les cris de la lumière À faire sonner les couleurs de l'air 15-11-98-- Sommeil touchant --Le souffle des graines grave un cercle de plume Donne l'esprit à la terre Habille le vent d'un anneau de chair Parfume l'air Les chemins fiers Se ploient Envoient Une lettre pour marcher droit Le regard des feuilles saute les collines Vole l'ombre à la nuit Enroule la rosée autour de minuit Mange la vie Les gâteaux de pluie Se partagent Nagent Sucrent l'orage L'encre des fleurs voit dans le noir Déchire l'enveloppe des ailes Couvre la mer d'arbres de noël Lit les nouvelles Trouver la fêve Se relèvent Se colorent les feux des rêves Envoient l'orage chercher la sève 14-11-98-- Coeur blanc --Une oreille de bois couchée sur la neige. L'hiver n'entend rien, compte les pas du sommeil, renonce à appeler le soleil, laisse se recroqueviller les feuilles dans le berceau du gel. Les voeux gèlent dans les mains et s'émiettent dans le blanc du temps. La glu des oiseaux colle le vent qui dure depuis trop longtemps, tourne en cercles, fait s'évanouir les yeux volants. Une oreille de neige, couchée sur le bois, dessine le cercle des années, le regard de l'été. Un coeur blanc se déchire sur les pointes des cristaux de neige. Quand tout aura fondu, les oiseaux boiront cette eau blanche et, ensemble, d'un seul mouvement, neigeront vers le ciel 14-11-98-- Le perchoir des roses --Loin de l'âme-orchestre Des notes s'étagent en terrasse Faussent l'ordre des doigts Agitent leur feuilles Froissent le vent Loin dedans Les saisons de l'oreille Meurent en lisière du vent Soufflent dans les troncs vides Replient les ailes de l'eau Partent voiler leur saut Très haut Grains dans les grains Nos mains savent les détours du jardin Avancent N'oublient rien, deviennent tout Tracent un chemin debout Le soir, le soleil explose Et les parfums se posent Balancement des coeurs Sur le perchoir des roses Orchestre d'instruments à fleur 13-11-98-- Les mains pleines --Elle regarde l'eau.
Elle cache ses mains trop pleines. Sa paume en volets de peau autour des flots fait taire les mots.
Elle traverse le pont.
Pont de mains en mosaïque de sons, les gestes liés assemblent les syllabes.
Longue arche de plumes à traverser la vie, dessus savent passer l'urgence du soleil et la patience de l'ombre.
Alors, elle jette tous les mots par dessus le pont. Les mots prennent l'eau, les carreaux coulent en flots de reflets, ciel en marche sur la vitre.
Mais l'eau n'est pas muette et ces mots là savent nager. L'eau regarde le soleil à travers les carreaux et l'arche trempe ses plumes dans l'eau et devient pont de mer.
Elle passe le pont, légère de ses mains vierges.
Sourire des mots, cachés derrière son dos.
13-11-98
-- Feu outremer --Au sommet des vagues, les bougies appellent le monde. Elles montent ensemble, avec le mouvement de l'eau, croisant leurs fumées qui écrivent dans le ciel, se battent en riant, soeurs éblouissantes, puis replongent, transformées, paraphant les vagues de leur braises, faisant pétiller l'eau. Lentement la mer lumineuse pétrit les yeux fermés des hommes, fait naître leur regard.Lentement, les flammes d'eau alphabétisent la matière, apprennent à lire au sommeil du monde..Pour le moment, seuls les enfants, les amoureux et quelques fous aux vies imprononçables les voient. Les bougies pincent les harpes de gouffres, traversent la pression des néants, charment les barques évidentes et leurs harmoniques invisibles. Seuls, quelques hommes lisent déjà dans le livre de feu pendant que leurs frères leur jettent des poignées de boue dans les yeux. Un jour, même eux entreront en collision avec l'intérieur du sable. Ils parcourront le plein de chaque grain comme un pays immense. Puis, ils sauteront du haut du plus petit des grains, du dedans de la dernière-née des secondes du temps, attraperont les pattes d'un papillon de mer, jusqu'à ce qu'une longue chute douce, presque une danse, les amène au sommet des vagues,l à où dansent les bougies. Là, un instant, ils seront une pensée humide et titubante, une vie primale et puissante, cercle rose au sommet du bleu. Et enfin, beaux de geste et d'attention, ils retomberont en vie poudreuse, s'éparpilleront dans les flammes et descendront vers le fond des eaux en crépitant. Ils devront désirer la lumière longtemps avant de remonter prendre place à leur tour au sommet des vagues, riches de sombre et de temps, gorgés de la mémoire à venir. Ils appelleront les hommes à grands gestes de feu et leurs fumées croisées dessineront des yeux dans le ciel. 12-11-98Sur la structure du poème"Arbre bleu", de Marie Mélisou. Cliquez ici pour le lire-- Élan rouge --ton geste saigné de sabre éclaté doute en flammes pendues de l'herbe d'hier brûlée tes oreilles décroisent l'écrit fourmillant du vol dague rousse qui pleure les fibres qui grondent s'entêtent aux roues de ton eau mes oeillères étrennent en rage chacun de tes tourments inaudibles ton or chaud tisse présentement presque entendu sans lumière pour qu'aucune onde ne grille la sueur mère Élan rouge tu t'emmêles noueusement au torride ancien bleu sacré inspiré soudure du mystérieux lune parcelle tu nais entre mots et sel Élan du feu tu restes tressé aux morts et rejoins le lézard du temps les voutes polaires chant sombre la vie si limitée de moi que tu nourris feule souvent en chute à mordre pincées fabuleuses qui nous déversent rondes magnétiques qui n'effrayent pas le tiroir mon orage mon magicieux de tes breuvages braisent les fièvres courages des cieux qui éclatent la poche sapins gravis en fêtes des vents Deux mains aubes liées qui montent tous les fonds froids Élan rouge tu écoutes fraîchis ton front défroisse tes tranches pourpres incendiées et apparaît dans la flamme rompue papille sur les rêves je t'entends conspirés de la douleur de tes sêves marmoréennes célestes raconteront le clamé des âmes mon élan rouge 3-11-98-- Cap Éternité --De Cap Éternité La mer Même loin Même dans la tête Sait venir à nous Et faire le vent dans nos yeux Comme si nous ne l'avions jamais vue Alors Le chagrin devient palette Rien qu'en mélangeant nos mains à la mer On tiendrait presque au bout des doigts La recette pour ne pas mourir À Cap Éternité Même les rochers sont vivants Même tomber est léger À Cap Éternité Le soleil en partant Donne des couleurs même au vent Et les vagues qui viennent à notre rencontre Nous ressemblent étrangement 08-11-98-- Jolitude --Heures en chute Mes yeux casqués en bleu étranglé Corset transparent La jolitude laisse passer la lumière Volets de peau Le soleil filtre goutte à goutte Chaque couleur Et mes mains Pensée par pensée Rassemblent l'arc-en ciel mélangé 6-11-98-- Jardin Bleu --D'abord, rien. Une longue surface de neige qui emmêne le regard au quatre coins d'une page. Il faut réveiller cette eau blanche, colorer ce vide. Il faut poser sa main sur cette neige, lui donner un peu de son odeur. Alors, se trace un coeur d'enfant, un coeur petit dans un autre coeur plus grand. Avec plusieurs couleurs, inégales, pas droites pour que personne ne puisse jamais les mesurer. Le coeur de chaleur réveille la surface blanche, ses coins deviennent moins durs, palpitent en rires surgissants. Une main vient boire dans le dessin d'enfant, s'abreuve de son coeur-fleuve, se pose. Puis, en faisant certains gestes, la main fait pleuvoir sur la neige ensoleillée. Alors, des sources turquoise émergent sur la neige, et le bleu des mers du Sud unit la mer à l'hiver, la neige à la lumière. La longue surface de neige est devenue fleuve clair, devenue jardin bleu ramant dans le fleuve, coeur en proue. Maintenant, y poser des cailloux, pour avoir pied en traversant le fleuve, y poser des pépites de sable, des galets de temps, pour sentir l'importance de chacun de ses pas dans l'eau. Puis des feuilles, en forme de bateau ou d'étoile à trois branches, pour se poser dessus , des soleils navigables pour allumer les voeux de forêt et descendre le fleuve turquoise jusqu'à l'embouchure de l'hiver. Maintenant, le jardin bleu est un bateau de signes. L'étoile la plus étonnante du ciel regarde le jardin bleu, s'approche de la lune er lui demande de chatouiller sa force des marées, pour que des vagues en forme de sourire accueilent le jardin bleu, arrivant dans la mer. 4-11-98-- La cire --La cire Me serre Me rapetisse Colle mes gestes les uns aux autres Je monte à travers la cire Mes gestes surgissent de la mèche noire Et deviennent arbre de feu pour les yeux La cire Lave le bruit que je fais en vivant Noircit mes doigts Qui n'écrivent rien J'écris le mot "Vie" sur la cire Mes doigts éclairent le monde Remontent les bruits du puits La cire Aplatit les vagues Tire un trait sur la mer La découpe pour en faire des barrières Je pose les bougies dans la mer Leurs flammes deviennent vagues solaires Inventent les marées de lumière 3-11-98-- Épaule Sud --Une chatte noire lumineuse sur l'épaule, je marche vers la fenêtre. Elle est ma vigie, me montre les visages volants, signale l'approche de la mer. Elle court, court, si vite que son ombre sursaute, puis s'étire en un très long fil de lumière. J'aime gravir la mémoire de son saut dans le jardin, me trouver dans son labyrinthe bondissant où s'accrochent des roses-lanternes à des feuilles-clochettes. Cette chatte est un bateau. Si elle mange les oiseaux, ce n'est que pour apprendre à chanter et savoir s'envoler haut. Un jour, d'un coup de pinceau rétractile, elle saura dévisser la mort. 3-11-98-- Oeufs d'aura --J'ouvre la fenêtre blanche Langage des avalanches Un nid de neige pour les plus hauts des oiseaux Brins de souffle Givre chaud Vigne de mots Source lumière aux soleils jets d'eau Clairière de regards en feuilles aux cercles visages Coeur rivage Des taches de soleil sur les sentiers de pluie Au fond du puits L'océan compte ses gouttes Plie les routes Cache les trésors Pour que nous inventions les portes qui mènent dehors Échappée d'or Dans les vagues Un pinceau éclot Trace un sourire sur les rouleaux Bouge rit invente résonne verse Étonne à saute-brume Lumière à plumes Mésange bleue tout en haut de la dune Arrondit le regard de la lune Peint des fenêtres sur le ciel Colore le sel Nuance la nuit en fresque d'ailes Oeufs d'aura Sur les cases des marelles Messages du pastel 02-11-98" Aux sombres héros de l'amer qui ont su traverser les océans du vide" - Noir Désir - -- Sentiers de pluie -- Je marche sur la lande, divisé en millions de bruyères fines, en aiguilles de vent séché. Je marche sur le sommet des herbes, passe de brin en brin sans jamais toucher le sol, de peur de me mettre à vivre. Je suis la pluie qui tombe des yeux des sternes, je suis la rayure du silence sur leurs becs. Je suis la fleur de surdité, un oeuf au dos tourné. Je suis l'ondulation du vent mauvais qui perce les pensées, les plaque contre le sol, colle les bords des bouches. Je maçonne ma mort avec art, pose des dalles sur mes lèvres, pour qu'elle ne s'ouvrent plus jamais. J'évite de prendre forme humaine, je me tiens là, entre deux brins, virgule morte inscrite dans le nombre d'or de la beauté. Face à la mer, je me lance un sort terrible. D'une main assurée, je jette la balle de la douleur, qui rebondira longtemps, dans les cavités stupides creusées par mon geste. Et la nuit jette une poignée de cendres sur la lumière et ne me laisse qu'un coeur froid qui me montre du doigt. Et l'eau m'entoure, la mer aux mille mains vient me plonger dans mon propre visage, rme ressort et me replonge, jusqu'à ce je me noie dans l'air. Lande gorgée de sang. Ce n'est pas la nuit qui mouille la terre. C'est juste la mort qui pleure en hauteur. Alors, les becs des sternes viennent me déchiqueter, me coudre à chaque brin de bruyère, jusqu'à je ne sois plus qu'un éparpillement mouvant, une mousse de cris sur la terre. Longtemps après mon éxécution aura lieu mon procès. Longtemps après le silence de l'amer, les échos du silence viendront déchirer le temps. 31-10-98"Like a dry seed seeking water" (Stranglers) -- Hiver aveugle -- C'était l'hiver. Le vent creusait mes mains, puisant des filets de sang qui gelaient derrière moi, dessus se reposaient des insectes épuisés, venant y mourir assis. À demi fou, je sortais mon coeur de ma poitrine pour serrer encore un peu plus le poing de la nuit. Je ne le cherchai pas bien profond, je n'étais qu'une surface de papier, une mince pellicule de vie, une trace verte dans un herbier. De cuir sombre étaient mes chants, obliques étaient mes peaux de bêtes. Le rideau de l'hiver s'ouvrait, soufflait le vent des couleurs, faisait carillonner ses plis, dansait sur le ventre du soleil. Des souffles de bambous arrondissaient le monde. Mais j 'étais la sueur raide, les aiguilles parfaites du rictus. Je n'étais que la patine des gouffres, le pont d'un instant et pourtant, cent mille éléphants pouvaient toujours passer sur moi, trompe en l'air, sans craindre de tomber. Il neigeait des pétales, que je fracassais de ne pas les regarder, il coulait des soleils de mes yeux, que je séchais d'un revers de coeur, d'un geste pathétique et reniflant. Le rideau de l'hiver faisait la roue, son tissu drapé de rires clairs gravissait les saisons. Il chantait pour moi, cambrait ses pétales, arrosait mes paupières pour que la vision pousse. Mais je brandissais mon coeur, pour lancer des gifles de lumières sur la colère de l'hiver. Sa lueur toussait, clignotant sur la neige en spasmes pourpres. J'étais lacé de mépris, chaîné de couleurs acides, ceinturé d'arêtes , les plis de ma bouche rejoignant la terre, s'y collant par le gel, et j'avançais, laissant la neige dévorer ma bouche déchirée, laissant le gel étirer mes lèvres en un long fil mort. Je dansais à contre-vie lorsque le rideau de l'hiver recouvrit mon visage. Mon coeur lanterne éclata de rire, et sa lueur guérit d'un coup, pendant que de petits masques ronds tombaient de mes yeux. Avec les masques blêmes, quelque chose s'enfuit de moi, épouvanté de sa peur, que je ne regrettai jamais. Je croyais mes pieds cinglés de neige. Je marchais sur un champ de pétales blanches. Je veux me souvenir encore de ce temps là pour en rire avec le feu. 1-11-98* * * D Vvv -- Sous les vagues -- ^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^ o ° ° :-) Sous les vagues Les oiseaux font des courants volants Surface profonde De la mère du monde Coeur noir de la clarté Sous les vagues Les feuilles éveilent le fond du ciel Dansent en cercles d'ombre Aux cordes d'eau des soleils profonds Sous les vagues Les gestes multiplient l'eau Soleil plongeon Crépitent les gouttes de mots 30-10-98Dans les calanques de Marseille, on a retrouvé la gourmette d'Antoine de St Exupéry, avec un morceau d'avion. Enfin un pas vers la clé du mystère ? --B 612-- Ton nom gravé sur les vagues Tes poignets cerclés d''eau Tu dors à boa fermé Tout au fond de la couverture, Dans l'aquarelle du futur Sous les calanques arlequines Sous les dentelles marines Sourit une-île astéroïde Jardien de phare Plongeur d'histoire S'il te plaît dessine moi un avion Fait surgir ta chute des eaux Aux algues d'or des mots Couleur des cheveux du Petit Prince À l'humeur de rêve, herbes errent... 30-10-98-- L'île aux oiseaux --Chaque soir, les oiseaux approchent l'île. Ils l'ont dessinée eux mêmes, au tout début du monde, la ciselant du fin de leur pattes, l'étalant doucement sur la mer du plat de leurs ailes, faisant pousser les arbres de l'île par leur seul chant. Terre de plumes. Lave éolienne cerclée de chants. Ici est l'île des cris libres, le sommet des eaux. Je regarde, me penche vers l'île, jusqu'à ce que mes ailes jointes ressemblent à des mains. Jusqu'à ce que mon bec ressemble à un stylo. J'écris le tour des rives, j'écris son sable plumage, j'écris son coeur d'ailes battantes. Je scande sa marche liquide. Dansent les cercles d'ondes vives ressemblant à ma main autour du stylo, volent les doigts fins semant le temps à la vitesse du courant. Est ce la main qui entoure l'eau ou l'eau qui entoure la main ? Les oiseaux rient de ce genre de questions, emmênent l'île danser dans le ciel, oublier ses rochers, oublier ses plaies de tempêtes et de bois noueux, puis la lancent dans le soleil. Lavée de lumière, l'île revient à la mer, portée par une procession de becs, et vient se reposer droit dans sa trace bleue, tressée de pépiements croisés. Eau chantante dans la nuit, Nids de gouttes, farandoles du soleil sur le pelage des eaux. Signature des ailes en transparence bleue. 30-10-98"Pero mira como beben los besos en el rio Beben y vuelven a beber" (Lhasa de Sela) -- Trappe-Aisiste -- Papier à poignées Valise écartelée Comme la peau d'un tambour Sur l'oreille d'un sourd Qui se bouche les oreilles pour écouter l'amour Dans une conque qui sait tous les noms Papier avion À l'orient du visage vent La joie la guerre la vie la colère la tendresse Attendent leur tour Papier à faire jour Papier à trous Pour vivre à travers Un laveur de vie Sur les carreaux du cahier cassé Glisse Papier trop lisse Tombe Du haut de l'amour Roulement de tambour Sur la foule compatissante Et impatiente Pariant sur le nombre de morceaux Papier corbeau Mais Il ouvre ses ailes Transes parentes Papier en pente Il bat des ailes Écrit sur le ciel Papier soleil Un grand rire fait le tour du monde Feuilles lucioles Papier parole 28-10-98 Pub gratuite : si vous avez l'occasion de voir un jour un spectacle de la chanteuse mexicano-québécoise Lhasa de Sela, foncez y, elle est vie et poésie. Elle sait rire du souffrir. Un enchantement.-- L'avaleur de couleurs --
Le signe du buveur de ciel Ensorcelle les noeuds de la nuit Agite les mains du silence Défait les cheveux de l'attente Urgente Tombe à la vitesse des mots Sur la plus haute marche du fond des eaux Du lierre autour des yeux Vision noircie aux cercles d'or bleu Enlace le cou du soir Renverse la tête du savoir Qui vient boire Moire multipliée J'avale les couleurs, recrache des étés Palette absence` Chevalet d'errance Brillance Chemin de gouttes Rivière route Sauter Par dessus soi Vers l'intérieur Avaleur de couleur Éclairs de chaleur Orage Cercle de nage Les éclairs tournent comme les aiguilles des heures 26-10-98"(...)Pourquoi ne pas ouvrir la porte vers une autre chambre? C'est l'héritage naturel des êtres sensibles. Il est temps d'interpréter et d'élaborer de nouveaux lexiques. Allez dans un endroit où il n'existe pas de connaissance à priori. Ne jetez pas votre ancien système d'interprétation, utilisez le, de neuf heures à cinq heures. Après cinq heures? L'heure magique." (Carlos Castanada, interview) --Lettre de Ludivine-- Tout à commencé quand les plombs ont sauté. J'étais heureuse, parce qu'une panne d'électricité, c'est aussi une naissance de bougie. Pendant les premières minutes, on s'est rapprochées l'une de l'autre, maman et moi. C'était bon de s'entendre respirer l'une l'autre. Il y avait des petits fils de peur, tendus un peu partout, mais une peur délicieuse, un peu magique. J'ai senti que la panne allait durer, alors, dans le soir, je suis allée voir le Grand I. Je suis sortie dans le jardin et j'ai retrouvé ce qui ne tombe jamais en panne. J'aime le jardin, la nuit. J'y vois plus de choses que pendant le jour. Sous la lune, je pourrais me transformer en n'importe quoi. J'étais seule, la maison en panne, mais dehors, tout vivait. J'ai mis mes mains devant les yeux, au dessus de ma tête, et je les ai levées au dessus de moi, les doigts un peu écartés,c'était joli, j'avais une étoile entre chaque doigt. Le Grand I, c'est le bouleau de notre jardin. Je l'aime, tout simplement. Il est né avant la route, avant la maison, avant moi. On peut compter sur lui. Bien sûr, il ne bouge pas,ses pieds restent toujours en terre. Mais il y a mieux que les pieds. Il y a la finesse des feuilles, la carte d'un monde dessinée sur l'écorce, avec les îles noires et la mer toute blanche autour, un peu craquelée. Il y a aussi les racines et les branches. J'aime particulièrement les racines les plus profondes et les branches les plus hautes, parce qu'elles ne seront jamais à portée de ma main. Il est plein de choses, mon Grand I. Il sait tout faire, il sait chanter, il sait danser, il sait vivre. La deuxième chose qui est tombée en panne, hier soir, c'est moi. Maman m'a trouvée étendue au pied de mon arbre. J'ai dû attraper la folie, avec toutes ces ondes autour de moi. Ce doit être une sorte d'ivresse des profondeurs, comme dans le Grand Bleu. Ou bien, comme certains ont le mal de mer ou le mal de voiture, j'ai le mal de jardin. La nuit est un monde bizarre. Il faut s'y faire lourd pour s'envoler. Au moment où je me présentais sur la piste d'envol du sommeil pour demander l'autorisation de décoller, la tour de contrôle a hurlé un contrordre. Quelque chose avait changé dans ma chambre. J'avais les yeux fermés, collés même. Pourtant, je le savais, quelque chose de nouveau vivait près de moi... Il y avait une nouvelle porte dans ma chambre. Elle était là, au milieu de la pièce. Elle ne ressemblait à aucune autre porte, elle brillait un peu et se prolongeait par des marches à peine visibles, si peu visibles que j'ai peut-être juste voulu qu'elles existent. Elle n'est plus là, aujourd'hui. Il fait si chaud, si clair.... elle doit avoir besoin de fraîcheur pour vivre sa vie de porte. Elle doit venir d'un pays d'ombre où la moindre étincelle, la plus petite goutte de soleil, fracasse tout un peuple de dentelle noire. J'ai certainement dû rêver. C'était donc certainement vrai. 26-10-98 (Extraits de roman, " Ludivine et le Grand I", 04-94/10-98)
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