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" Prénom ? Neige d'été
Ta mère ? Papillon de l'île douce
Ton père ? Nuage à la fois sévère et gentil
Saison ? Plage blanche
Cheveux ? Baiser doux
Avenir ? Me marierai avec la glace"
 
- Romina, 8 ans
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        Les aiguilles du soleil.  
        Ma couleur, injectée dans la neige. 
        L'extrême douceur d'un éveil blanc.
        Je tends les bras,
        Je me lève et je me souviens. 
        J'ai froid, mais moins que ce monde.
        
         Je suis une cité de cristal vivant, mes parois se serrent un peu pour
couver la couleur. J'ouvre mes gestes pourtant, me règle sur le temps de
ce monde, accorde mon feu à l'hiver. 
        Je cours un peu dans la neige pour que le sang chaud de mes veines
charrie les nuances, distribue les teintes. 
        Je fais voler les flocons tièdes, souffle sur le givre pour y imprimer
des mots. Ils vont fondre, les uns après les autres. Je me glisserai
dans leur vapeur, voyagerai jusqu'à la mer où l'eau me respirera. 
 
        Je viens du sud de la vie, au croisement des plis de la carte du ciel.
Je suis un dessin vivant, une parole d 'ocre et d'amour, tracée par de très
anciens feux pensants, dans les cavernes du soleil. Là bas, je suis un
geste doux, un regard attentif, une caresse
 
        Ici, je suis une flamme dans l'hiver, un feu follet dans la neige. 
 
        Je cours dans l'hiver et me dessine à l'intérieur de moi. Je suis la
caverne parfaite, la montagne volante, petite, transparente, glissée
sous un ongle, Des mains me lancent sans me voir, je suis la suite de
leurs gestes. Mais je vais grandir, grandir, allonger de ma flamme les
ombres des hommes pour qu'elles flambent en belles écharpes sombres tout
autour de la terre. J'habille le monde du feu rituel, l'entoure de la
trace de leurs mains. 
 
        Je vais aimer l'hiver. Je vais aimer ce temps de nuit et de silence. Je
vais aimer être seul, oeuf du soleil posé dans la forêt, coeur secret du
monde.  
 
         La glace se pourpre à mes cheveux et le feu prolonge mes cils. La
neige bouillonne et je soulève la terre, peint sa peau de ma trace. 
 
        J'avance à petites flammes douces, je lèche la lisière du bois,
hérisse les feuilles des arbres. De proche en proche, toutes les vies du
monde se passent la nouvelle : je suis revenu, j'ai glissé du soleil
pour ensemencer l'hiver. Je cherche aussi la mer, j'ai soif de l'eau de
ce monde pour l'apporter au soleil. Là bas, j'ai inventé un nouveau
dessin, mais seule l'eau d'hiver peut le tracer et seule la mer peut le faire vivre..
 
        Maintenant, je suis une main de vapeur, une nébuleuse de couleurs, un
tourbillon de feuilles, enroulé sur la queue d'un chat, qui erre. Il est
arrivé au même moment que moi, Sans doute est -il mon frère de soleil et
joue t-il à ne pas me reconnaître. Lui aussi veut atteindre la mer.  
        J'aime cheminer avec lui, j'aime le bruit très doux de ses coussins sur
la neige, j'aime me perdre dans ses yeux et faire le vent dans ses
poils. J'aime le réchauffer à mon feu, et son ronronnement me rappelle
les marées solaires, mes chansons vives et incandescentes lorsque
j'étais enfant d'or mouvant, au coeur du feu du ciel.
        
        J'en fait un chat de soleil. Ensemble, nous arrrivons à la mer où nous
allumons la mêche des vagues. L'eau ronronne de retrouver le feu et je
remonte vers le soleil avec les premiers volutes de chaleur, mes mains
d'or chargées d'océan.  
 
        Maintenant, sur terre, les hivers seront brôlants et j'y crépiterai mon
chemin de couleurs. 
        
                                        Mardi 24 Novembre 1998
 
        
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        * Maeve : Déesse du Sud en magie blanche. Merci à ma jeune amie québécoise
Maeve, alias Laurie-Anne Lavoie.
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"On my way home
  I remember only the good days"
-Enya 
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                        -- Fées de forêt --
 
        Lumière déroulée  
        Fil de lune autour du front
        Un chat noir dans les yeux
        Flamme de souplesse
        Je passe d'arbre en arbre
 
                Les mains des arbres ne dorment jamais  
                Allument les fées de forêt 
                Écrivent pour de vivre
        
        L'ombre des feuilles est la voile de l'hiver
        Les vagues nues de la mer
        L'origine de la lumière
        Lancée dans l'histoire
        À la vitesse du miroir
        
                Ici
                Le souffle d'une fleur fait fondre le temps
                Soulève le vent         
                
        Les dieux pleurent le rire du monde
        Ici, les arbres dansent
        Et les flammes se propagent
        De visage en visage
                         
                J'habite aujourd'hui
                Au sud de la vie
                Je ris les mots du grand livre de pluie
 
                                22-11-98
-- Feuilles vives --
 
	Des mains qui courent dans le jardin
	Emmènent des feuilles
	Couleur chair
	Mélées à leur doigts
	
	Feuilles de corail au voyage sans fin
	Traversée tissée des brins
	Vitrail de demain 
	 
	Mains poussées sous la pluie
	Champignons de nuit
	Fées et gestes
	Dansent et appellent
	Les feuilles à rejoindre le soleil
 
	Tombent les visages
	Se préparent les mains mouvantes à traverser les âges
	S'enroule la sêve
	L'hiver durera le temps d'un rêve
	
	Feuilles vives des chansons mortes
	Clés du soleil au givre des portes
	
	Mains d'hiver, 
	Véritables et nues
	S'étendent dans l'herbe  
	Vont dormir dans la rosée
	Vont s'échapper
	Et nous rejoindre derrière nos yeux fermés
	
	Cercle de nacre au doigts dormants
	Les mains regardent
	La face couchée de la lune
	 
	Mains du soleil sous la glace
	Ciel en feuille
	Sommeille
	Entre mes cinq doigts
 
	Feuilles vives au grand arbre du ciel
 
	 
		21-11-98
-- Veiller --
 
        J'allume les fleurs au bout de mes doigts
        Bâtonnets dansants
        Odeur du temps
        Le soleil-araignée habite mon coeur
        Rayonne les facettes de la soie
        
        J'allume les gestes au bout de l'esprit
        Marelles de la nuit
        Lueur tactile
        Signe sur les paupières 
        Fait voler le temps aux plumes de l'or  
        
        J''allume la vie au bout des vagues
        C'est la nuit qui dort
        Et l'heure qui me regarde
        Bientôt, 
        Le feu soufflera sur moi
        Et mes graines éparpillées
        Rassembleront vos pas
 
        Il fera chaud sur la paume du chemin
 
        J'allume une flamme au bout d'un cil
                
                21-11-98
 
		-- Or bleu --
	
	En attendant hier
	Sur le dernier arbre avant la mer
	Un visage dans les noeuds du bois
	Lance les fils des fées autour des doigts
	Cadence la joie
	Liquéfie le temps aux nages des palmes du sang
	Rythme le chant
	Dessine du vent sur les chaînes
	À l'or bleu des encres en graine
	
	Au noyau du soleil
	S'endort la nuit
	Aux crayons des éveils
	Se trace la vie
 
	Croissent
	Les bourgeons dans la mémoire de la mer
	Arpègent
	Agrègent les cordes des couleurs
	Dirigent les courants de chaleur
	Gravent les gestes en langage des fleurs
	Pour appeler les lueurs
	Prière sans port
	Le creux des vagues cache les trésors 
	Pirate la mort
 
	Dans l'intérieur des mots	
	S'allume le jour
	À l'orient des étoiles d'eau	
	Habite l'amour
	
	Jardin brillant	
	Caresse de lune sur le dos d'un chat
	Gestes d'ombre au confluent des bras
	Esprit dansant entre les brins brûlants
	 
	Courbe des yeux	
	Pépinière du feu
	Or bleu
 
		16-11-98
 
		-- Couleurs de l'air --
		
	
	Au coeur solaire des voûtes 
	Poussent les décombres du nombre d'or
	Se ferment les anneaux des sorts
	Sur mes poignets bleus	
	Toujours plus fort
	L'espace mesure le poing des dieux 
	Ceinture les gestes aux cages de l'air
	Vocifère
	L'ordre de rompre les cercles d'eau
	De briser les mots
 
	Soupirs carcans
	Tapent du pied hachurent le blanc
	Tuent la pluie en dansant
	 Démontent le temps
 
	Pierre seule
	Fleur sauvage du feu des instants
	J'arrache le corps du néant
	Ils peuvent attendre
	Le bal des corbeaux
	La mort des mots
	Je suis la lave féline des eaux du chaud
	
	Je vole au dessus des écailles
	Jette des rires dans les mailles
	Capture les chaînes des étroits
	Et les cages en cage
	Rouillent de rage
	
	Au corps lunaire de la cité
	S'efface un rêve en jardin de brume
	Clarté sans rideaux
	Coeur caresse
	Arche d'encre tracée sur la peau
	Jouent les cris de la lumière
	À faire sonner les couleurs de l'air
	
		15-11-98
	 
-- Sommeil touchant --
 
	Le souffle des graines grave un cercle de plume
	Donne l'esprit à la terre
	Habille le vent d'un anneau de chair
	Parfume l'air
	
		Les chemins fiers
		Se ploient
		Envoient
		Une lettre pour marcher droit
	
	Le regard des feuilles saute les collines
	Vole l'ombre à la nuit
	Enroule la rosée autour de minuit
	Mange la vie 
 
		Les gâteaux de pluie
		Se partagent 
		Nagent
		Sucrent l'orage
 
	L'encre des fleurs voit dans le noir
	Déchire l'enveloppe des ailes
	Couvre la mer d'arbres de noël
	Lit les nouvelles  
	
		Trouver la fêve
		Se relèvent  
		Se colorent les feux des rêves
		Envoient l'orage chercher la sève
 
			14-11-98
-- Coeur blanc --
         
        Une oreille de bois couchée sur la neige. 
        L'hiver n'entend rien, compte les pas du sommeil, renonce à appeler le
soleil, laisse se recroqueviller les feuilles dans le berceau du gel.
 
        Les voeux gèlent dans les mains et s'émiettent dans le blanc du temps.
 
        La glu des oiseaux colle le vent qui dure depuis trop longtemps, tourne
en cercles, fait s'évanouir les yeux volants.
 
        Une oreille de neige, couchée sur le bois, dessine le cercle des
années, le regard de l'été.
 
        Un coeur blanc se déchire sur les pointes des cristaux de neige.  
 
        Quand tout aura fondu, les oiseaux boiront cette eau blanche et,
ensemble, d'un seul mouvement, neigeront vers le ciel
 
                14-11-98
 
 
-- Le perchoir des roses --
        
        Loin de l'âme-orchestre
        Des notes s'étagent en terrasse
        Faussent l'ordre des doigts
        Agitent leur feuilles
        Froissent le vent
        Loin dedans
 
        Les saisons de l'oreille
        Meurent en lisière du vent
        Soufflent dans les troncs vides
        Replient les ailes de l'eau
        Partent voiler leur saut
        Très haut
        
        Grains dans les grains
        Nos mains savent les détours du jardin  
        Avancent
        N'oublient rien, deviennent tout
        Tracent un chemin debout
        
        Le soir, le soleil explose
        Et les parfums se posent
                
        Balancement des coeurs
        Sur le perchoir des roses
        Orchestre d'instruments à fleur
        
                        13-11-98
 
 
-- Les mains pleines --
 

Elle regarde l'eau.

Elle cache ses mains trop pleines. Sa paume en volets de peau autour des flots fait taire les mots.

Elle traverse le pont.

Pont de mains en mosaïque de sons, les gestes liés assemblent les syllabes.

Longue arche de plumes à traverser la vie, dessus savent passer l'urgence du soleil et la patience de l'ombre.

Alors, elle jette tous les mots par dessus le pont. Les mots prennent l'eau, les carreaux coulent en flots de reflets, ciel en marche sur la vitre.

Mais l'eau n'est pas muette et ces mots là savent nager. L'eau regarde le soleil à travers les carreaux et l'arche trempe ses plumes dans l'eau et devient pont de mer.

Elle passe le pont, légère de ses mains vierges.

Sourire des mots, cachés derrière son dos.

 

13-11-98

 
 
 	 	-- Feu outremer --
 
	 Au sommet des vagues, les bougies appellent le monde.
             Elles montent ensemble, avec le mouvement de l'eau, croisant leurs fumées 
qui écrivent dans le ciel,  se battent en riant, soeurs éblouissantes, puis replongent, 
transformées, paraphant les vagues de leur braises, faisant pétiller l'eau. 
 
	 Lentement la mer lumineuse pétrit les yeux fermés des hommes, 
fait naître leur regard. 
Lentement, les flammes d'eau alphabétisent la matière, apprennent à lire 
au sommeil  du monde.. 
 
            Pour le moment, seuls les enfants, les amoureux et quelques fous aux vies
 imprononçables les voient. Les bougies pincent les harpes de gouffres,
 traversent la pression des néants, charment les barques évidentes et leurs 
harmoniques invisibles. 
	Seuls, quelques hommes lisent déjà dans le livre de feu pendant 
que leurs frères leur jettent des poignées de boue dans les yeux.  
   
	Un jour, même eux entreront en collision avec l'intérieur du sable. 
  
	Ils parcourront le plein de chaque grain comme un pays
immense.  Puis, ils sauteront du haut du plus petit des grains, 
du dedans de la dernière-née des secondes du temps, attraperont les pattes 
d'un papillon de mer, jusqu'à ce qu'une longue chute
douce, presque une danse, les amène au sommet des vagues,l
à où dansent les bougies. 
 
	Là, un instant, ils seront une pensée humide et titubante, 
une vie primale et puissante, cercle rose au sommet du bleu. 
 
	Et enfin, beaux de geste et d'attention, ils retomberont 
en vie poudreuse, s'éparpilleront dans les flammes et descendront 
vers le fond des eaux en crépitant. 
 
	Ils devront désirer la lumière longtemps avant de remonter 
prendre place à leur tour au sommet des vagues, riches de sombre et de temps, 
gorgés de la mémoire à venir.
 
	Ils appelleront les hommes à grands gestes de feu et leurs fumées croisées 
dessineront des yeux dans le ciel.    
 
	12-11-98
 
   
Sur la structure du poème"Arbre bleu", de Marie Mélisou. Cliquez ici pour le lire
 
                 -- Élan rouge --
 
 
          ton geste saigné de sabre éclaté
        doute en flammes pendues de l'herbe d'hier brûlée
        tes oreilles décroisent l'écrit fourmillant du vol
                                      dague rousse qui pleure
 
        les fibres qui grondent s'entêtent aux roues de ton eau
 
                mes oeillères étrennent en rage
                          chacun de tes tourments inaudibles
 
                ton or chaud tisse présentement
                                 presque entendu sans lumière
                  pour qu'aucune onde ne grille la sueur mère
        Élan rouge tu t'emmêles noueusement au torride
        ancien bleu sacré inspiré
                     soudure du mystérieux
 
        lune parcelle
        tu nais 
        entre mots et sel
        Élan du feu
 
        tu restes tressé aux morts et rejoins le lézard du temps
        les voutes polaires chant sombre 
        la vie si limitée de moi que tu nourris
                         feule souvent en chute à mordre
        
        pincées fabuleuses qui nous déversent
             rondes magnétiques qui n'effrayent pas le tiroir
 
        mon orage mon magicieux
        de tes breuvages braisent les fièvres
        courages des cieux qui éclatent la poche
        sapins gravis en fêtes des vents
        Deux mains aubes liées qui montent tous les fonds froids
 
        Élan rouge
        tu écoutes fraîchis ton front
        défroisse tes tranches pourpres incendiées
                        et apparaît dans la flamme rompue
 
        papille sur les rêves
        je t'entends 
 
        conspirés de la douleur de tes sêves marmoréennes
        célestes raconteront le clamé des âmes
                                           mon élan rouge
 
						3-11-98
 
	
 
	 
-- Cap Éternité --
 
        De Cap Éternité 
        La mer  
        Même loin  
        Même dans la tête
        Sait venir à nous
        Et faire le vent dans nos yeux
        Comme si nous ne l'avions jamais vue
         
        Alors
        Le chagrin devient palette
        Rien qu'en mélangeant nos mains à la mer
        On tiendrait presque au bout des doigts
        La recette pour ne pas mourir
 
        À Cap Éternité
        Même les rochers sont vivants
        Même tomber est léger
 
        À Cap Éternité
        Le soleil en partant
        Donne des couleurs même au vent
        
        Et les vagues qui viennent à notre rencontre
        Nous ressemblent étrangement
 
                08-11-98
-- Jolitude --
 
        
        Heures en chute
        Mes yeux casqués en bleu étranglé
        Corset transparent 
        La jolitude laisse passer la lumière
        Volets de peau
        Le soleil filtre goutte à goutte
        Chaque couleur
        Et mes mains
        Pensée par pensée
        Rassemblent l'arc-en ciel mélangé
 
                6-11-98
 
 
 
-- Jardin Bleu --
                
        D'abord, rien. Une longue surface de neige qui emmêne le regard au
quatre coins d'une page. 
        Il faut réveiller cette eau blanche, colorer ce vide.
        Il faut poser sa main sur cette neige, lui donner un peu de son odeur.
        
        Alors, se trace un coeur d'enfant, un coeur petit dans un autre coeur
plus grand. Avec plusieurs couleurs, inégales, pas droites pour que
personne ne puisse jamais les mesurer. 
 
        Le coeur de chaleur réveille la surface blanche, ses coins deviennent
moins durs, palpitent en rires surgissants.
        Une main vient boire dans le dessin d'enfant, s'abreuve de son
coeur-fleuve, se pose. Puis, en faisant certains gestes, la main fait
pleuvoir sur la neige ensoleillée. 
 
        Alors, des sources turquoise émergent sur la neige, et le bleu des mers
du Sud unit la mer à l'hiver, la neige à la lumière. 
        
        La longue surface de neige est devenue fleuve clair, devenue jardin
bleu ramant dans le fleuve, coeur en proue.  
 
        Maintenant, y poser des cailloux, pour avoir pied en traversant le
fleuve, y poser des pépites de sable, des galets de temps, pour sentir
l'importance de chacun de ses pas dans l'eau.
 
        Puis des feuilles, en forme de bateau ou d'étoile à trois branches,
pour se poser dessus , des soleils navigables pour allumer les voeux de
forêt et descendre le fleuve turquoise jusqu'à l'embouchure de l'hiver. 
 
        Maintenant, le jardin bleu est un bateau de signes. 
 
        L'étoile la plus étonnante du ciel regarde le jardin bleu, s'approche
de la lune er lui demande de chatouiller sa force des marées, pour que
des vagues en forme de sourire accueilent le jardin bleu, arrivant dans
la mer.
 
                4-11-98
 
-- La cire --
 
        La cire
        Me serre
        Me rapetisse
        Colle mes gestes les uns aux autres
 
                Je monte à travers la cire
                Mes gestes surgissent de la mèche noire
                Et deviennent arbre de feu pour les yeux
                 
        La cire
        Lave le bruit que je fais en vivant
        Noircit mes doigts
        Qui n'écrivent rien
                
                J'écris le mot "Vie" sur la cire
                Mes doigts éclairent le monde 
                Remontent les bruits du puits
 
        La cire
        Aplatit les vagues
        Tire un trait sur la mer
        La découpe pour en faire des barrières
         
                Je pose les bougies dans la mer
                Leurs flammes deviennent vagues solaires 
                Inventent les marées de lumière
 
 
                        3-11-98
-- Épaule Sud --
 
        Une chatte noire lumineuse sur l'épaule, je marche vers la fenêtre.
Elle est ma vigie, me montre les visages volants, signale l'approche de
la mer.
        
        Elle court, court, si vite que son ombre sursaute, puis s'étire en un
très long fil de lumière.              
       J'aime gravir la mémoire de son saut dans le jardin,  me trouver dans
 son labyrinthe bondissant  où s'accrochent des roses-lanternes à des feuilles-clochettes.  
 
        Cette chatte est un bateau. 
 
        Si elle mange les oiseaux, ce n'est que pour apprendre à chanter et
savoir s'envoler haut. 
 
        Un jour, d'un coup de pinceau rétractile, elle saura dévisser la mort.
                
                3-11-98
 
 -- Oeufs d'aura --      
 
        
        J'ouvre la fenêtre blanche 
        Langage des avalanches
        Un nid de neige pour les plus hauts des oiseaux
        Brins de souffle 
        Givre chaud
        Vigne de mots
        Source lumière aux soleils jets d'eau
        Clairière de regards en feuilles aux cercles visages  
        Coeur rivage
        
        Des taches de soleil sur les sentiers de pluie
        Au fond du puits
        L'océan compte ses gouttes
        Plie les routes 
        Cache les trésors
        Pour que nous inventions les portes qui mènent dehors
        Échappée d'or
 
        Dans les vagues
        Un pinceau éclot  
        Trace un sourire sur les rouleaux
        Bouge rit invente résonne verse
        Étonne à saute-brume
        Lumière à plumes
        
        Mésange bleue tout en haut de la dune
        Arrondit le regard de la lune
        Peint des fenêtres sur le ciel
        Colore le sel  
        Nuance la nuit en fresque d'ailes
        
        Oeufs d'aura 
        Sur les cases des marelles
        Messages du pastel
         
 
                02-11-98
 
" Aux sombres héros de l'amer qui ont su traverser les océans du vide" 
                - Noir Désir -
 
                        
                        -- Sentiers de pluie --
        
        
         Je marche sur la lande, divisé en millions de bruyères fines,
en aiguilles de vent séché. 
        Je marche sur le sommet des herbes, passe de brin en brin sans jamais
toucher le sol, de peur de me mettre à vivre.
 
        Je suis la pluie qui tombe des yeux des sternes, je suis la rayure du
silence sur leurs becs. Je suis la fleur de surdité, un oeuf au dos
tourné. Je suis l'ondulation du vent mauvais qui perce les pensées, les
plaque contre le sol, colle les bords des bouches. 
         Je maçonne ma mort avec art, pose des dalles sur mes lèvres, pour
qu'elle ne s'ouvrent plus jamais. J'évite de prendre forme humaine, je
me tiens là, entre deux brins, virgule morte inscrite dans le nombre
d'or de la beauté. 
        
        Face à la mer, je me lance un sort terrible. D'une main assurée,
je jette la balle de la douleur, qui rebondira longtemps, dans les
cavités stupides creusées par mon geste. 
        Et la nuit jette une poignée de cendres sur la lumière et ne me
laisse qu'un coeur froid qui me montre du doigt. 
          Et l'eau m'entoure, la mer aux mille mains vient me plonger dans mon
propre visage, rme ressort et me replonge, jusqu'à ce je me noie dans
l'air. 
        
        Lande gorgée de sang. Ce n'est pas la nuit qui mouille la terre.
C'est juste la mort qui pleure en hauteur.
 
          Alors, les becs des sternes viennent me déchiqueter, me coudre à
chaque brin de bruyère, jusqu'à je ne sois plus qu'un éparpillement
mouvant, une mousse de cris sur la terre. 
 
         Longtemps après mon éxécution aura lieu mon procès.
         Longtemps après le silence de l'amer, les échos du silence viendront
déchirer le temps.
 
                31-10-98
"Like a dry seed seeking water"
        (Stranglers)
 
                -- Hiver aveugle --
 
        C'était l'hiver. 
        Le vent creusait mes mains, puisant des filets de sang qui gelaient
derrière moi, dessus se reposaient des insectes épuisés, venant y mourir
assis.   
        À demi fou, je sortais mon coeur de ma poitrine pour serrer encore un
peu plus le poing de la nuit.  Je ne le cherchai pas bien profond, je
n'étais qu'une surface de papier, une mince pellicule de vie, une trace
verte dans un herbier. De cuir sombre étaient mes chants, obliques
étaient mes peaux de bêtes.
 
        Le rideau de l'hiver s'ouvrait, soufflait le vent des couleurs, faisait
carillonner ses plis, dansait sur le ventre du soleil. Des souffles de
bambous arrondissaient le monde. 
 
        Mais j 'étais la sueur raide, les aiguilles parfaites du rictus. 
         
        Je n'étais que la patine des gouffres, le pont d'un instant et
pourtant, cent mille éléphants pouvaient toujours passer sur moi, trompe
en l'air, sans craindre de tomber. 
 
        Il neigeait des pétales, que je fracassais de ne pas les regarder, il
coulait des soleils de mes yeux, que je séchais d'un revers de coeur,
d'un geste pathétique et reniflant.  
        
        Le rideau de l'hiver faisait la roue, son tissu drapé de rires clairs
gravissait les saisons. 
        Il chantait pour moi, cambrait ses pétales, arrosait mes paupières pour
que la vision pousse.
        
        Mais je brandissais mon coeur, pour lancer des gifles de lumières sur
la colère de l'hiver. 
        Sa lueur toussait, clignotant sur la neige en spasmes pourpres.  
 
        J'étais lacé de mépris, chaîné de couleurs acides, ceinturé d'arêtes ,
les plis de ma bouche rejoignant la terre, s'y collant par le gel, et
j'avançais, laissant la neige dévorer ma bouche déchirée, laissant le
gel étirer mes lèvres en un long fil mort. 
        
        Je dansais à contre-vie lorsque le rideau de l'hiver recouvrit mon
visage. 
        Mon coeur lanterne éclata de rire, et sa lueur guérit d'un coup,
pendant que de petits masques ronds tombaient de mes yeux. Avec les
masques blêmes, quelque chose s'enfuit de moi, épouvanté de sa peur, que
je ne regrettai jamais. 
 
        Je croyais mes pieds cinglés de neige. 
        Je marchais sur un champ de pétales blanches.  
        
        Je veux me souvenir encore de ce temps là pour en rire avec le feu. 
 
                1-11-98
 
*	*
		 *	  D		Vvv   
	 				 
		 -- Sous les vagues --
	 ^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^
	 o				  
		°    			  		
			°   :-) 
 
		
 
		Sous les vagues
		Les oiseaux font des courants volants
		Surface profonde
		De la mère du monde
		Coeur noir de la clarté
 
		Sous les vagues
		Les feuilles éveilent le fond du ciel
		Dansent en cercles d'ombre
		Aux cordes d'eau des soleils profonds
		  
		Sous les vagues 
		Les gestes multiplient l'eau 
		
		Soleil plongeon
		Crépitent les gouttes de mots
		 
		
		
					30-10-98
		  
		
Dans les calanques de Marseille, on a retrouvé la gourmette d'Antoine de
St Exupéry, avec un morceau d'avion. Enfin un pas  vers la clé du
mystère ? 
 
                --B 612--
 
        Ton nom gravé sur les vagues
        Tes poignets cerclés d''eau
        Tu dors à boa fermé
 
        Tout au fond de la couverture, 
        Dans l'aquarelle du futur
        Sous les calanques arlequines
        Sous les dentelles marines
        Sourit une-île astéroïde
          
        Jardien de phare 
        Plongeur d'histoire
        S'il te plaît dessine moi un avion
        Fait surgir ta chute des eaux
        Aux algues d'or des mots
        Couleur des cheveux du Petit Prince
 
      À l'humeur de rêve, herbes errent...
 
                30-10-98
 
-- L'île aux oiseaux --
        
 
        Chaque soir, les oiseaux approchent l'île.
        Ils l'ont dessinée eux mêmes, au tout début du monde, la ciselant du
fin de leur pattes, l'étalant doucement sur la mer du plat de leurs
ailes, faisant pousser les arbres de l'île par leur seul chant. 
 
        Terre de plumes. Lave éolienne cerclée de chants. 
        Ici est l'île des cris libres, le sommet des eaux. 
 
        Je regarde, me penche vers l'île, jusqu'à ce que mes ailes jointes
ressemblent à des mains. Jusqu'à ce que mon bec ressemble à un stylo. 
 
        J'écris le tour des rives, j'écris son sable plumage, j'écris son coeur
d'ailes battantes. Je scande sa marche liquide. 
         
        Dansent les cercles d'ondes vives ressemblant à ma main autour du
stylo, volent les doigts fins semant le temps à la vitesse du courant. 
        Est ce la main qui entoure l'eau ou l'eau qui entoure la main ? Les
oiseaux rient de ce genre de questions, emmênent l'île danser dans le
ciel, oublier ses rochers, oublier ses plaies de tempêtes et de bois
noueux, puis la lancent dans le soleil. 
        Lavée de lumière, l'île revient à la mer, portée par une procession de
becs, et vient se reposer droit dans sa trace bleue, tressée de
pépiements croisés. 
 
        Eau chantante dans la nuit,
      Nids de gouttes, farandoles du soleil sur le pelage des eaux.  
        Signature des ailes en transparence bleue.
 
                30-10-98
 
 
 
 
 
 
"Pero mira como beben los besos en el rio
 Beben y vuelven a beber"
(Lhasa de Sela)                 
 
                -- Trappe-Aisiste --
 
         
        Papier à poignées
        Valise écartelée
        Comme la peau d'un tambour
        Sur l'oreille d'un sourd
        Qui se bouche les oreilles pour écouter l'amour
        Dans une conque qui sait tous les noms
        Papier avion
         
        À l'orient du visage vent
        La joie la guerre la vie la colère la tendresse 
        Attendent leur tour
        Papier à faire jour
        
        Papier à trous
        Pour vivre à travers
        
        Un laveur de vie
        Sur les carreaux du cahier cassé
        Glisse
        Papier trop lisse
 
        Tombe 
        Du haut de l'amour
        Roulement de tambour
        Sur la foule compatissante
        Et impatiente
        Pariant sur le nombre de morceaux
        Papier corbeau
        
        Mais
        Il ouvre ses ailes
        Transes parentes
        Papier en pente
 
        Il bat des ailes
        Écrit sur le ciel
        Papier soleil
         
        Un grand rire fait le tour du monde
        Feuilles lucioles
        Papier parole
        
                28-10-98
 
        
        Pub gratuite : si vous avez l'occasion de voir un jour un spectacle de
la chanteuse mexicano-québécoise Lhasa de Sela, foncez y, elle est vie
et poésie. Elle sait rire du souffrir. Un enchantement.
 
 

 
-- L'avaleur de couleurs --
 
 
        Le signe du buveur de ciel
        Ensorcelle les noeuds de la nuit
        Agite les mains du silence
        Défait les cheveux de l'attente
        Urgente
        Tombe à la vitesse des mots
        Sur la plus haute marche du fond des eaux
 
        Du lierre autour des yeux
        Vision noircie aux cercles d'or bleu
        Enlace le cou du soir
        Renverse la tête du savoir
        Qui vient boire
        
        Moire multipliée
        J'avale les couleurs, recrache des étés
        Palette absence`
        Chevalet d'errance
        Brillance
        Chemin de gouttes
        Rivière route
        Sauter
        Par dessus soi
        Vers l'intérieur
 
        Avaleur de couleur
        Éclairs de chaleur
        Orage
        Cercle de nage
        Les éclairs tournent comme les aiguilles des heures
         
         
 
                26-10-98
 
 
 
"(...)Pourquoi ne pas ouvrir la porte vers une autre
      chambre? C'est l'héritage naturel des êtres sensibles. Il est
temps d'interpréter
      et d'élaborer de nouveaux lexiques. Allez dans un endroit où il
n'existe pas de
      connaissance à priori. Ne jetez pas votre ancien système
d'interprétation,
      utilisez le, de neuf heures à cinq heures. 
        Après cinq heures? L'heure magique."
 
        (Carlos Castanada, interview)
 
                        --Lettre de Ludivine--
         
        Tout à commencé quand les plombs ont sauté. J'étais heureuse, parce
qu'une panne d'électricité, c'est aussi une naissance de bougie. Pendant
les premières minutes, on s'est rapprochées l'une de l'autre, maman et
moi. C'était bon de s'entendre respirer l'une l'autre. Il y avait des
petits fils de peur, tendus un peu partout, mais une peur délicieuse, un
peu magique. 
        J'ai senti que la panne allait durer, alors, dans le soir, je suis
allée voir le Grand I.  Je suis sortie dans le jardin et j'ai retrouvé
ce qui ne tombe jamais en panne.
         
        J'aime le jardin, la nuit. J'y vois plus de choses que pendant le jour.
Sous la lune, je pourrais me transformer en  n'importe quoi. J'étais
seule, la maison en panne, mais dehors, tout vivait. J'ai mis mes mains
devant les yeux, au dessus de ma tête, et je les ai levées au dessus de
moi, les doigts un peu écartés,c'était joli, j'avais une étoile entre
chaque doigt. 
         
        Le Grand I, c'est le bouleau de notre jardin. Je l'aime, tout
simplement. Il est né avant la route, avant la maison, avant moi. On
peut compter sur lui. Bien sûr, il ne bouge pas,ses pieds restent
toujours en terre. Mais il y a mieux que les pieds. Il y a la finesse
des feuilles, la carte d'un monde dessinée sur l'écorce, avec les îles
noires et la mer toute blanche autour, un peu craquelée. Il y a aussi
les racines et les branches. J'aime particulièrement les racines les
plus profondes et les branches les plus hautes, parce qu'elles ne seront
jamais à portée de ma main. Il est plein de choses, mon Grand I. Il sait
tout faire, il sait chanter, il sait danser, il sait vivre. 
 
        La deuxième chose qui est tombée en panne, hier soir, c'est moi. Maman
m'a trouvée étendue au pied de mon arbre. J'ai dû attraper la folie,
avec toutes ces ondes autour de moi. Ce doit être une sorte d'ivresse
des profondeurs, comme dans le Grand Bleu. 
        Ou bien, comme certains ont le mal de mer ou le mal de voiture, j'ai le
mal de jardin.
 
        La nuit est un monde bizarre. Il faut s'y faire lourd pour s'envoler.
Au moment où je me présentais sur la piste d'envol du sommeil pour
demander l'autorisation de décoller, la tour de contrôle a hurlé un
contrordre. Quelque chose avait changé dans ma chambre. J'avais les yeux
fermés, collés même. Pourtant, je le savais,  quelque chose de nouveau
vivait près de moi...
 
        Il  y avait une nouvelle porte dans ma chambre. 
 
        Elle était là, au milieu de la pièce. Elle ne ressemblait à aucune
autre porte, elle brillait un peu et se prolongeait par des marches à
peine visibles, si peu visibles que j'ai peut-être juste voulu qu'elles
existent. 
        Elle  n'est plus là, aujourd'hui. Il fait si chaud, si clair.... elle
doit avoir besoin de fraîcheur pour vivre sa vie de porte. Elle doit
venir d'un pays d'ombre où la moindre étincelle, la plus petite goutte
de soleil, fracasse tout un peuple de dentelle noire. J'ai certainement
dû rêver. C'était donc certainement vrai. 
 
                        26-10-98
 
          (Extraits de roman, " Ludivine et le Grand I", 04-94/10-98)
 

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