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                                              -- Visages d'eau--
         
                                          L'arbre est découpé dans le ciel avec patience.
      Château de sable bleu, les dentelles conquérantes des feuilles,
découpées une à une de ta main. Chaque feuille est un visage, chaque
visage ouvre un peu plus mes yeux.
        
        Maintenant, à moi. Je me fais la courte échelle avec mes propres mains
et j'écris sur chaque feuille, j'écris une longue lettre, une lettre
vivante, encrée de sève, griffée de lumière. 
 
        Puis, je lance chaque feuille dans les vagues, elle se replie
sur
l'eau, ses coins remontent en bateau de sève et elle commence son long
voyage, jusqu'à la plus belle fleur de la plage, celle que nous aimons,
celle qui regarde la mer, celle qui tisse le parfum de la lumière.   
        
        Déjà, des centaines de visages naviguent sur la mer, formant le regard
de l'eau. Tu souris, et tu prépares sans cesse de nouvelles feuiiles. De
plus en plus de lumières dans les yeux, de plus en plus de visages sur
l'eau, peu à peu, le monde prend forme. Bientôt, il naîtra.  
 
         Je marche sur l'eau, je vole de plus en plus haut, mais il m'arrive
de
tomber encore, de me noyer dans une seule goutte et le plat de mes mains
battant l'eau, la projette si fort que les gouttes deviennent épées.   
        
        Bruit du ciseau qui continue à découper les feuilles bleues, bruit des
visages de la mer, bruit des visages d'eau qui  naviguent en fermant les
yeux de bonheur. 
 
                25-10-98
 
                                            -- Arc-en-sel --
 
        
        Jardin des couleurs. Vagues en fleurs, belles, parfumant le monde,
faisant claquer le drapeau de la beauté sur le sable. 
        
        L'eau se baigne dans mes mains en coupe 
 
        À grands gestes picturaux, j'envoie les gouttes de couleurs suivre la
direction de mes doigts, je lance les matières vive sur le tableau du
monde.  
 
        La plage-palette s'arrondit à la ramure des arbres d'eau, les
oiseaux-pinceaux se posent sur l'arc-en-sel et les vents océaniques
deviennent caresses de couleurs sur le monde. 
 
        Au couleurs du chant volant, le soleil vient boire chaque soir dans la
mer, les feuilles de l'arbre profond deviennent flammes et l'arc-en-sel
entoure chaque grain de sable en habit de fête, fait danser chaque grain
de temps dans la couleur.
        
        L'arbre de la mer se couvre de millions de feuilles-soleils 
 
        Le ciel en terrasses plonge ses feuilles dans la mer, étage ses
teintes, égoutte ses nuances sur un fil d'eau. 
                
        24-10-98
 
 
                                                   -- Fondu au noir--
 
                
        L'écran n'est pas une voile, il est la platitude du ciel,  le négatif
de l'ombre, carré de nuit blanche où apparaissent des figures fugaces,
des  constellations de mots, écriture liée. 
        
        Parfois l'écran  est impuissant, bouche le ciel, éclipse ma parole,
délimite les angles du vent, qui devient fou, pleure sur quatre coins.
Il est la carte d'état-major d'une cage, éteint mes yeux, estompe ma
peau. 
        Quelque part  dans ma tête, il y a un jardin scintillant, un verger
d'écrans carrés, vers lesquelles nos mains fascinées se tendent pour
cueillir nos mots. 
 
        Toujours mes larmes coulent vers l'intérieur. 
 
        Je voudrais déborder, je voudrais que de moi naissent des champs de
fleurs, des petits cris de joie se balançant au vent. Je voudrais
dessiner les étoiles sur tous les écrans, que l'écriture de la lumière
brille dans tes yeux, je voudrais que le chagrin et la mort te fuient,
épouvantés par ta vie, courant à jamais loin de toi, en fondu au noir,
pendant que le soleil s'habillerait de fête dans le miroir de ton coeur
en couleurs. 
 
                24-10-98
 
                             Pour Marie, mon amie de toujours.        
 
 
  "All the accidents that happen
  follow the dot
  coincidence makes sense
  only with you
  you don't have to speak
  I feel
  emotional lanscapes
  deep inside me"
 
        (Björk-"Jöga")
 
 
                                                                             -Bleue-
 
         
 
 
         Tu pleures dans la nuit, ton coeur départ dans un sac de voyage. Tu
sais tant de choses, tu sais marcher contre le vent, tu sais courir dans
l'eau, respirer dans les flammes, mais tu ne sais pas plier ton coeur
trop vaste. 
 
        Une bande magnétique s'enroule autour de ioi, tu deviens momie
de
mémoire, réservoir de rubans, pendant que le vent de nuit soufflant sur
toi lit ta vie.
        
        Tu écris, tu écris, trempes la plume dans ta peau, imprimes les
lettres
"aimer" dans le désordre sur la pulpe de tes doigts, déposes tes
empreintes sur la nuit, tatoues le territoire des ombres.
        
        Je me penche vers ton jardin qui pleure.  
        Un tournesol danse dans le noir, plonge dans la terre, pour
chercher la
lumière aux antipodes du temps. 
        Je pleure sur ton jardin penché.
        Je demande au vent d'étoiles de te faire jaune d'or, florale et
solaire, riant devant la mer. 
        
        Ton coeur couleur du ciel, jardin bleu lumière.
         
                24-10-98
                
                                              -- Danse de la pluie --
 
"Et mon coeur pourrait s'arrêter de battre et les secondes cesser
d'exister pour moi, il y a dans le temps d'inépuisables provisions de
scondes qui ne cesseront jamais d'exister, et à chacune d'elles, le
débordement des gouffres s'avence sur les plages de la terre et les
couvre  de naissances vivantes"
        -Jean Giono, Triomphe de la vie-
 
                        ---------------------------------------
 
        
         Je tourne sur un manège de feu, mes doigts de vapeur prennent matière,
jettent un manteau de peau sur le soleil, mais mes bras sont fumées, mon
ombre rouille sur le sol, immmobile, gravée dans un monde qui n'entend
pas ma voix.  
         Je suis la soif des gestes.
         Je nage sous mes paupières, ris dans mes lèvres et arpente mon échine,
cavalier de mon propre corps.
        
        À chaque fois que je bats des cils, des éternités s'écoulent de moi en
filets brillants, ensemencent la terre,  changeant le paysage, érigeant
des arbres, couchant des falaises, ornant le monde d'une guirlande de
sortilèges vivants. 
        
        Si je mets pied à terre, si un seul de mes cheveux effleure le sol, le
feu s'arrêtera de tourner et je serai inscrit dans le monde comme un
point immobile, je trouerai le sol, dérangerait le noyau de la terre. 
Plus rien ne bougera, et les flammes seront comme des tours dentelées,
rouges et impénétrables. 
        Je pétris mon souffle, le courbe comme un pont, j'arque mon corps à la
forme du creux du soleil, pour que la lumière, passant sur moi, incurve
le temps, et trace un cercle en forme d'oeil. 
        
        J'entends le coeur des arbres sonner l'heure intérieure. 
      Aquarelles de cloches , le chant des feuilles conduit par l'eau se
diffuse en ogive autour de ma tête, leur son se mêle intimement à mes
molécules, jusqu'à ce que je ne sois plus qu'un bruit sourd, émouvant
dans son dépouillement, redoutable dans sa profondeur, explrant le
moindre recoin de la vie. 
        
        Je cherche l'océan, appelle les eaux profondes à sourdre du sol, les
eaux volantes à pleuvoir du ciel, je cherche l'arbre qui attirera l'eau
comme le fer attire la foudre.
        
        Je veux l'eau du soleil, je règle mes pas sur la vibration de son
noyau, pour que pleuve l'eau lumineuse, que les rayons du soleil se
mettent à asperger mon cri, avant de tomber tout à fait, et de figer le
monde en une masse ténébreuse.
        
        Je danse sans jamais m'arrêter, sans jamais mettre pied à terre, je
suis le tourbillon du sang, la peau-toupie qui appelle la pluie, je
danse à en pleurer et dès qu'une de mes larmes touchera le sol il en
jaillira des fleurs, dansant avec moi, faisant choeur avec mon attente.
                
                23-10-98
 
                                                       -- Nausicaa --
 
        Des yeux de Nausicaa sortaient des traits de feu, des éclairs bleus
sombre,  gonflant l'eau en bulles autour d'elle. 
 
        La colère de Nausicaa était légendaire, son cri se propageait dans
toute les eaux du monde, dessinant un anneau de désir autour de la
terre.
        Et lorsqu'elle criait d'amour, elle rassemblait toutes les eaux en une
seule force, projetant vers le ciel des colonnes d'eau tendre, des
geysers caressants, qui retombaient en paquets de baisers d'eau sur les
lèvres tendues des hommes. 
        
        Ils attendaient des années pour un seul baiser d'elle, ils restaient
là, continuaient à  vivre pour regarder le fond, à tenter de percer
l'obscur avec le désir de leurs yeu, lançant leur coeur dans l'océan
comme une bouée, espérant que Nausicaa le saisirait de ses mains.
        Parfois, l'un d'eux mourait, le sourire aux lèvres, et les autres
jetaient son corps, secrètement jaloux qu'il puisse s'emméler aux
cheveux de Nausicaa  
 
        Nausicaa cherchait, tournait son regard vers l'air là haut, regardant
avec mépris les morts tournoyer vers elle. Nausicaa avait faim d'aimer
depuis le début des temps, une faim dévorante de soleil et de lave, qui
entrerait en elle et la dévasterait. Nausicaa ne voulait plus nager
seule et son corps battait les flots, criant le vide de son ventre. 
 
        Elle dansait nerveusement, faisant des noeuds à l'eau, la tordant pour
lui extirper le secret du soleil, la secouant pour que tombe d'elle les
clés du feu.
 
        Chercher la porte du ciel, tel était le destin de Nausicaa, sa vie sans
fond dans laquelle elle descendait, toujours plus loin, toujours plus
affamée du feu qui viendrait la délivrer. 
 
                21-10-98
 
" J'énonce le mot de passe primitif"
                - Walt Whitman
                
                --------------------------------------
                        - Vie courante-
 
        Je suis couvert de feuilles et de terre, je cours, cours dans la
forêt, ne m'arrête jamais, de peur d'être rejoint d'un coup par la lumière
complète, celle qui frappe à la porte de ma vie, trouant le couvercle de
la forêt, rendant vaine l'opacité des barrières d'ombre, riant de mon
sommeil.  
        Je nais en courant, je suis un enfant en forme de vent, desfeuilles
collées sur ma figure, je file vers la mer, déjà gluante dans ma sueur,
déjà chantante dans mon souffle.
        Mon corps est fait des matières du monde entier, de sable et de sang,
sculpté de lumière et de chaos et de cette matière intelligente que nous
inventons lorsque nos mains se joignent. 
        
        Je cours sous l'arche des ailes des oiseaux, qui m'éventent pour
ne pas que je meure de brûler, avant même que d'être né. Je cours
d'aimer. 
 
        Les chants des oiseaux et la noblesse du silence des arbres se
croisent, se tressent, font germer un langage qui fait gronder la mer,
devant moi, tord ses fonds, l'habite d'une vie nouvelle. 
   Je cours, écartant la terre, me frayant un passage dans mon souffle
que je pousse devant moi, remontant les sèves, le regard fixé vers la
mer. Je plonge à l'horizontale, devient un trait de peau, un rire aux
pieds de vent.  
        Je suis le nid mouvant, le nid où les chants viennent se poseret dire
les oiseaux, je suis les brindilles croisées pour inventer les signes
secrets des enfants. Je suis leur rire qui dévaste les maisons, fait
éclater les murs, couche les coeurs assis et perche l'amour sur la plus
haute branche. 
 
        Je cours en dessinant, d'abord à traits sombres, la densité des
feuilles, secouée par mes pas, puis, affinant les traits, l'échappée
claire vers la mer, s'ouvrant à la lumière, belle, immense, baignant
tout, donnant vie au moindre soupir.  
 
        Je cours en agitant la feuille,  le monde fait semblant de tenir
dans ses marges, pour ne pas trop faire peur à mes yeux. Si mes yeux savaient
encore un peu plus à quoi ressemble vraiment la vie, ils appelleraient
le sommeil de toute leur force pour se reposer, pour ne pas naître. 
        Je cours en panique merveilleuse, je file en spasmes ordonnés dans la
forêt, soulevant les feuilles, me cognant aux arbres, colorant l'air,
faisant vibrer la lumière, mes doigts jouent sur des cordes invisibles
et le monde donne congé au temps et la toute la forêt se lève et me
suit, dans un déchirement de terre.
 
         Dessiné sur la feuille qui court avec moi, vit de mon
mouvement, le soleil prend peau et le tracé de nos destins se rend visible, même à ma
torpeur. Le soleil touche la mer et des vapeurs du sel, naissent des
chemins, des fils.
 
        J'atteins enfin l'océan, continue à courir dans l'eau, jusqu'à
ce que les gouttes se mèlent intimement aux feuilles, jusqu'à ce que la vie
comprenne la vie et que le creux des vagues fasse un nid aux pensées. 
 
        Maintenant, je ne cours plus, je nage, je suis toute l'eau et
toute la lumière du monde et je coule dans vos veines, tourne dans votre
esprit, cogne à votre coeur, habite votre soleil, fouette votre peau,
appelant votre sommeil à écarter d'un coup les rideaux du feu, vous
livrant en pature au vivant. 
 
                        21-10-98
 
                                                -- Simple et beau--
 
 
        Un coquillage en forme de lune
        Un gâteau au goût qui dure très longtemps
        Une fleur qui sache changer de couleur
        Du ciel dans la tête
        Marcher en souriant 
        Rêver des choses vraies
        Et rendre heureux
        C'est tout ce que je veux
        Une joie
        Simple et belle comme la vie
        
                        20-10-98
 
                                                     -- Herbe folle --
 
        On la voit toujours par surprise, on dirait qu'elle pourrait pousser
partout, même sur nos mains. On l'aime parce qu'elle n'est pas rangée,
pas alignée, pas peignée. Lorsqu'on la voit, on a envie de faire un
détour, de quitter la route et de devenir fleur parmi les fleurs, de
passer sa vie à rire et tourner sous le soleil. 
        Elle ne dit rien quand on l'arrache, continue à pousser dans nos bras,
en nous donne son coeur en odeur. 
        Elle est toute simple, et c'est pour ça qu'elle sait tous les secrets
du monde, peut être même pourquoi nous marchons. 
        
        Bien plus tard, nous marcherons sans regarder autour de nous. Mais
juste au moment où nous nous prendrons pour des gens sérieux, elle
reviendra en parfum depuis le fond de nous pour faire chanter le temps,
et nous rirons et tournerons dans la nuit. 
        
        Alors nous sourirons tout seuls dans la rue, puis quelqu'un verra nos
sourire, nous serons des enfances contagieuses, sauterons de visage en
visage et nous rentrerons tous dans une belle maison, où un grand
bouquet d'herbes folles vivra sur la table, poussé là où les mains se
sont posées sur le bois, nous attendant depuis si longtemps.
 
                20-10-98
 
		                    - -- Cuillère du Nord --
 
        Une luciole tourne dans la nuit, près de la mer. Les bateaux se
demandent quel est ce phare qui vole, les fleurs saluent sa beauté, les
herbes se ploient, puis se détendent pour tenter de toucher sa lueur. 
        Seul l'océan l'entend, et la connaît par son vrai nom. L'eau appelle le
soleil, le mouvement appelle la lumière et la luciole aime voler au
dessus de la mer et parler la langue des marées qui se conjugue au
présent vivant.    
 
                La luciole tourne au dessus des eaux, crée des tourbilllons d'où
naissent des vies qui se souviendront toujours d'elle, s'amuse à briller
dans les vagues et remonte d'un coup, faisant naviguer à leur insu les
bateaux vers le ciel. 
 
                Elle chante : 
 
                "Je suis l'or dans vos yeux quand vous aimez, je suis la nostalgie et
la découverte, je suis un long chemin de pierres pointues et l'arbre
doux en fleurs où se reposer, je suis l'origine de la beauté, je suis la
fatigue de vos pieds et l'espoir qui ne s'éteint jamais dans vos coeurs.
Je suis la caresse cachée dans la tempête, le feu qui étanche la soif."
 
                Et nos yeux se tournent vers la Cuillère du Nord, le nid des lucioles
célestes, la Grande Ourse qui seule peut nous guérir de notre faim de
ciel, qui seule peut guider nos yeux alourdis de torpeur vers un lieu
d'éveil. 
 
        Elle poursuit : 
 
        "Je suis l'étoile déguisée en luciole, l'enfant qui sait tout,  la
lumière qui vient nager dans la mer, plus brillante que la neige, plus
chaude que le soleil. La nuit, je viens voler sur la terre. La terre a
faim, les lambeaux de son savoir enfoui, les débris de son amour
m'appellent. Je fais ce que je peux. Je ne peux pas refaire le chemin à
votre place. Mais je peux devenir l'étoile dans vos yeux." 
 
        Et les bateaux atteignent les étoiles, croyant qu'il s'agit des phares
d'un nouveau continent. 
        Et la cuillère du Nord continue de nourrir les nuits des hommes 
        
        Et l'étoile redevenue étoile nous interroge dans la langue de la
lumière "De quelle vie seras tu la luciole ? De quels yeux seras tu
l'étoile ?"
 
                        20-10-98
           
        
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        * Les chinois nommaient ainsi la constellation que nous, les
"Long-Nez", appellons la Grande Ourse. Ils inventèrent la boussole, et
leur aiguille était en forme de cuillère, le creux indiquant le Nord et
le manche désignant le Sud. N'oubliez pas le guide ;-)
                        ------------------------------------------------------------
 
"Savoir ce qu'on a reçu du ciel et ce qu'on doit y ajouter de soi,
voilà l'apogée" 
        -Tchouang Tseu-
        -----------------------------------------------------------------------
 
        À Mireille.  
           
                                                   -- L'arbre de vie -- 
 
        Une enfant, dans un tiroir de sa chambre, garde une histoire qu'elle a
inventée, une histoire d'arbre de vie. Cette enfant sait faire beaucoup
de choses :  elle sait danser dans sa tête quand tout le monde la croit
sage sur sa chaise,  elle sait sourire de chagrin et elle sait pleurer
rien qu'avec les poings fermés. 
        Elle est toute petite de taille, mais grande quand même dedans à cause
de tout ce qu'elle sait qui prend de la place, c'est pour ça qu'elle
court et bouge beaucoup, pour rattraper la grande fille qu'elle voit
marcher dans sa tête, à grandes enjambées. 
 
        Une enfant, qui tiendrait presque toute entière dans un seul tiroir de
sa chambre, en sort son histoire d'arbre de vie, tient la feuille à bout
de bras, la feuille presque aussi grande qu'elle. Elle la tient
précieusement, comme un trésor très important. Car si elle perd le
papier, toute la vie de la terre s'éteindra. 
        Elle l'a apprise par coeur, son histoire, elle la connaît comme son
propre prénom, Aurore. Elle sait même la chanter à l'envers. Car si elle
oublie son histoire, toute la mémoire du monde oubliera son avenir. 
 
        Vous allez dire que ce n'est même pas vrai. Pourtant, certains soirs où
Aurore ne pensait plus à son histoire, parce qu'elle souriait trop de
chagrin et qu'elle fermait trop les poings sur le monde, j'ai vu le
soleil vaciller, devenir pâle, comme si le monde entier fermait un peu
les yeux, et j'ai oublié mon nom, un instant, juste le temps qu'Aurore
se souvienne à nouveau de son tiroir vivant. 
        
        Parfois, dans le tiroir, elle entend vivre le papier de son histoire ,
bruisser de chants, envahir son tiroir de mille bruits d'eau qui
résonnent dans le bois. C'est le signal pour elle qu'il est temps
d'ouvrir le tiroir. Le sang des arbres a besoin de la lumière du jour
pour recevoir les dons du soleil. 
 
        En ce moment, Aurore dort et la vie continue de faire pousser son arbre
dans son tiroir. Mais maintenant, je vous ai raconté l'histoire, et même
si Aurore se met à grandir d'un coup cette nuit et à oublier son
enfance, même si elle oublie le tiroir, l'histoire est dans vos têtes et
vous la continuez déjà. 
 
        Alors, grâce à vous, la vie ne s'éteindra jamais et le monde se
souviendra de son futur.
 
        Le 20 octobre 98
 
                                                     -- Chats de mer--
        
        Viens rejoindre les chats de mer,  viens admirer leur folie gracieuse,
viens renaître à leur nage aiguïsée , regarde les laisser l'eau plus
belle derrière eux. Viens tout oublier devant eux. 
 
        Dans cette tempête, il faut danser ou mourir, il faut courir sur l'eau,
à ne plus la toucher, il faut s'envoler d'un coup, et ne plus jamais
retomber autrement qu'en gouttes chantantes, sur lesquelles d'autres
chats danseront avant de désirer voler à leur tour.  
 
        Vois-les se mouvoir, faire corps avec le rythme des vagues, les lancer
de leurs bras vers le ciel, les faire bondir par dessus le soleil, et
les laisser revenir fumantes, aspergeant les chats de mer, les
saupoudrant de lumière.  
 
        Les chats de lumière étincellent dans la nuit. Regarde les tournoyer et
souviens toi toujours qu'aucune autre joie du monde ne vaut de mourir de
voir leur beauté. 
 
        Les chats savent tout cela et deviennent ce qu'ils veulent, laissant la
mort sur sa faim, laissant l'eau appeler d'autres vies joyeuses,
laissant d'autres yeux rêver devant leur magie. 
 
        Vois les rire sous la pluie, vois les scintiller sous les vagues et
endors toi, endrors toi longtemps, et rêve de nous en nageant, car nous
ne viendrons pas sur terre avant maintenant.
 
        Chante bien haut "Hier, je serai chat de mer", et lorsque tu auras
trouvé la bonne note sur laquelle le chanter, la mer viendra te chercher
et nous t'emmènerons jusqu'au soleil. 
 
                                        19-10-98
 		 
	                                  -- Étoile des neiges --
 
	Étoile, 
	Dis moi
	Que quand je tombe
	Je trace une lumière sur le temps 
 		
		Tu es la lueur, l'envol qui entend
		Je suis le chant qui éclaire le vivant
 
	Étoile
	Chante moi
	Que le plus seul des loups
	Sait aimer
 
		Tu es le pas du loup amoureux du ciel
		Je suis la joie sur son souffle, la fourrure de son sang
	
	Étoile
	Rappelle moi
	Que le plus froid des hivers
	Se brûle au fond de la terre
		
		Tu es la patience du voyage, la blessure des sages
		Je suis le feu du blanc, la promesse du printemps
	
	Étoile,
	Approche toi,
	Viens serrer le ciel
	Autour de moi
	 
	 	Tu ouvres tes mains pour m'accueillir sur la terre en hiver
		Je plie le ciel pour que la nuit n'aie pas froid
 
 
			19-10-98
	
"Le temps passé, le temps qui va naître
Le temps d'aimer et de disparaître"
(Charles Aznavour)
 
                                                      -- Loreleï--
 
        Théatre de fleurs au coeur minéral
        Miracle en allusions d'optique
        Change les eaux en vain
        Joue à se perdre
        Noie les couleurs
        Au kaléidoscope des heures
        
        Les cheveux de Loreleï
        Déroulent le tapis plongé
        Suivent les rochers en oiseaux de pierre
        Font flamber le fleuve aux feux d'hier
        Gravent les enfants dans la lumière
 
        Et nous mourons 
        Le sourire aux lèvres
        Et nous aimons
        Danser en nous noyant
        Et nous rions de brûler
        Ses cheveux d'algues enserrant notre cou
 
        Le temps lisse les cheveux de Loreleï
        Fait chanter son regard
        Le temps
        Nous traverse de part en part
        
        Fraîcheur du Rhin
        Coulent la chaleur et le vin
        Dans la gorge des hommes ivres de rêver
        Que l'amour croit l'amour
 
                19-10-98
-                                                        - Sakura --
        
        Augure sombre des pétales de neige
        Couvert de fleurs de cerisier
        Le sommeil m'évapore
        Couché en parfum
        Jardin zen
        Épée
        Peau tracée
        Jardine le vide
        Glissant sur les pétales
        Les mésanges picorent mes yeux
        Chant des oiseaux sur la mort en fleur
 
                        19-10-98
 
  

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