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""Cela remue la question éternelle : la vie est elle toute entière visible ? (...) toujours la vue des étoiles me fait rêver(...)pourquoi les points lumineux du firmament nous seraient-ils moins accessibles que les points noirs sur la carte de France ? Si nous prenons le train pour nous rendre à Tarascon ou à Rouen, nous prenons le train pour nous rendre dans les étoiles..." -- Vincent Van Gogh, "Lettres à Théo"- Ciel vert, longues feuilles brouillées, tranchantes pourtant, opaque respiré aux fentes végétales des yeux inquiétants. Je crie dans l'huile, renonce à la pâleur. Arbre bleu de Prusse, sieste douleur au chevalet des plaies cigales. Sangsues en capuche, des chevelures carnivores s'abattent sur mon front, usent mon cou frotté sur le fil de l'horizon, enlacent ma poitrine de paniers étroits. Seule geint mon ombre étranglée, seul saigne mon souffle éclaireur. Cailloux noirs. Galets écorchés, dos tournés des chemins sourds, regards glacés des corbeaux pliés. Immense disque citron. Oreilles de chat, fleurs sensitives, des gestes délicats entourent mes poignets, orientent mes mains dans le fluide des collines, cerclent mes lèvres de lueurs navigantes. Ma sueur palette lance des traits tournants, court en magmas volants, en ruches d'auras bourdonnantes autour des visages, dissimule ce qu'elle montre. Cailloux blancs. Tableau de mots. Soies-palettes, pensées droites en haut du bas, chant chaleur du semeur, fleuves ouverts. Ici, la courbe du soleil imprime les sceaux mouvants, les marées d'or où l'arc- en-ciel vient boire. Ici, la corde des couleurs tend la flèche-matière, le mouvement-cycle où se forgent les astres. Constellation de l'oreille coupée, mon cri entend le pinceau du ciel. 25-12-98
Visita Interioræ Terræ Rectificando et Invenies Occultum Lapidem (Visite l'intérieur de la terre et en te rectifiant tu trouveras la pierre cachée) ------------------------------------------------ -- Lune Croissante -- Coups brefs au heurtoir d'un arbre. Clignements du corps à l'or reptile. Parois des fleurs, se retourne le velours intérieur, langage à lire de la pulpe des doigts. Sourire des feuilles aux lueurs noueuses, je descends. L'arbre-coeur Sa chevelure en grand escalier, litanie aux poings serrés. Aux spasmes-écrins de ses feuilles scandées, les nervures des voix fendent la jungle sourde. Chorale des ombres pâteuses, longs tubes de neige en fusion. Chemin en terrasse, marche hors du spectre visible, je descends. Mouvements machettes aux formes en friche, la force muette cisèle la beauté, travaille la terre, l'allège en volutes primales. Tout est chant. Chaleur claire, froissement des noyaux aux cires viscérales. Vrille aimantée, sang-limaille, je descends. Tiges internes. Denses, non alignées. Carrefour des fièvres, portes tournantes des croisements-souffles. Ficelles tendues aux cratères des eaux. Cordes à s'envoler, gangues tressées, je descends. Je descends, toujours plus loin dans l'intérieur de l'arbre. Poids des profondeurs sur la langue-lumière. Sous les racines s'arquent des rayons, se cambrent des reliefs, germent des couleurs. Mains serrées, mêlées, fortes. Progression aplatie, puis ramassée en forme de graine. Patience nue, au dessus de moi roulent des vies, clignotent des empires, tombent des têtes, s'envolent des danses, et je descends lentement dans la torsion des pierres. De mes mains ouvertes, je fore le mystère. Des rochers qui ne voient jamais le soleil naissent des papillons. Ils portent mon coeur, tressent un nid de motifs entrelacés sur mes mains, un camaïeu d'éclairs pour soulever les paupières sous mes paupières. Scintillement pulsant, mon coeur se fraie un chemin, je descends. Du fond de l'arbre montent des soleils lourds. Soudain, je débouche sur le ciel. Et, loin au dessus de la plus haute feuille, à la lune croissante, à grands pas d'étoile, j'écarte brusquement le rideau des rêves. Au fond du ciel, à l'altitude de l'éveil, je vis. 25-12-98"Se murmurent entre eux leurs pensées souterraines, leurs songes intriqués de racines - de très anciennes racines neuronales. Polyphonie infime, hymne subtil et intuitif. Ils vous pressentent là" -- Philippe Caquant -- Nuit et jour -- Glaces et flammes entrechoquées. Combat des têtes. Fronts qui se fissurent, coeurs à joindre les rages. Coups brûlants qui rament dans les plaies blanches. Crochets à croquer la glace. Fleurs et fruits tressés. Baisers des doigts. Nez qui sourient, âmes à lier les douceurs. Gestes frais qui neigent dans les cris rétractiles. Signes à boire le feu. Fleur blanche tirée d'un arc, un soleil-perle vient laver mon visage et drainer mon ciel rouge. Vapeurs lentes, bleus en fusion versés pour mordre. Mots qui pésent, aplatissent mon visage, étirent mes mains en hoquets durs, carbonisent mes gestes en concrétions brèves. Spasmes de la nuit roulés sur ma langue, étouffoir des lèvres, mur de verre. J'entoure la pieuvre éclarlate, danseuse nue ceinte de crânes tressautants. Volutes vives, ors en vision lancés du futur. Chants de plume courbent ma raideur, ramènent mes doigts en souffles chauds, pleuvent mes murs en sève de fenêtres. Danses du jour posées sur ma paume, air vital brassant la terre d'amour. J'emmène la mouette émeraude, sentinelle vétue de rires d'enfants. Nacre céleste jaillie d'une fontaine, une lune-respir vient chercher mon coeur et guérir mes mains noires. 23-12-98"Et l'étoile apatride chemine dans les hauteurs du Siècle vert, Et ma prérogative sur les mers est de rêver pour vous ce rêve du réel... Ils m'ont appelé l'Obscur et j'habitais l'éclat." -- St John Perse ------------------------------------ -- Arbre d'Or -- Brindilles. Plumes soufflées par tout le corps. Souffle bleu nuit. Ronde des mains souterraines se passant les paroles. Cercle de pierres portées par des rêves d'enfants. Une roue de pensées tourne en ballet vif. Un soleil de papier donne un chemin vert aux branches éparses. La lumière pousse, crève la fièvre des brumes, remonte en tiges scintillantes, emporte l'horizon. Cris semants, feu fertile des graines de soleil. Sang clair joint au vent incandescent, l'Arbre d'Or déplie la lumière et parle la langue de nos pas. Dans un nid plus noir que la nuit Les étoiles apprennent à voler. 23-12-98
"C'est ainsi que l'on m'a montré toute une nichée de soleils encore embarrassés aux froids plis de la nébuleuse" -- Paul Claudel"Le naturel est miraculeux" -- Barjavel -- Spoutnik -- Créer l'espace Surface silence Bercée dans les bras Lent mouvement Ma main saisit la nuit Donne des noms aux rêves Dentelles martelées La soie qui soupire sur l'acier Aime Respire Aux fractures réunies Je lance mes doigts vers le jardin Ils tombent sur la vitre Un à un Écrivent À l'envers du verre Se taisent Ploient Se relèvent Dansent sur la buée Font signe Gestes déchiffrés Une fenêtre tourne la tête Son regard rassemble les doigts Et ma main court Terre volante Rejoindre les fleurs Au centre du jardin Le ciel regarde ce qu'est devenu ma main Une rose qui tourne autour du soleil 23-12-98"Et même les tout petits enfants apprendront à neiger. Et le blanc recouvrira vos piètres tentatives à le nier. Et la terre entrera dans le tourbillon des étoiles Comme un astre brûlant de neige". -- Anna Blandiana --Vive hante-- Tu dis : "Un coquillage dans la neige. Escalier de nacre, il descend vers le centre de la mer, rougeoyant toujours plus, jusqu'à ne plus être qu'une longue spirale flamboyante, une conque de feu où tu saurais écouter le soleil et rayonner sa mémoire..." Il neige sur l'eau. Je marche, plonge mes pieds dans les cristaux, y entre tout entier, deviens transparent, éternel, unique. J'entends le cri du silence blanc rythmer ma mort muette. Je laisse une longue traînée poudreuse, je croise des sillages gelés sur des visages lisses. Ils montrent les traces du givre sur leurs joues pour que l'on croie qu'ils ont pleuré en été. Mes mains émergent de la neige, cherchent à escalader l'air froid, glissent sur des parois invisibles et sourdes. Je retourne entier dans la terre, pour construire des oiseaux. Puis, habillé d''une gangue luisante et sombre, je fais face à la mer, sur la plage de neige. Je me démembre et laisse mon sang colorer la neige, jusqu'à ce que la plage ne soit plus qu'une rose couchée léchant la mer. Je prends forme de l'intérieur du coquillage, pour être le chant secret que l'on entend dedans. J'élève des chateaux blancs, des bonhommes de rêve et de sang, d'or et de soie mélés. Pour les fenêtres, j'y dessine des étoiles. Lorsque le château est fini, je ne suis plus qu'une trace sur la neige salée, le tout dernier mouvement de ma main. Ne restent que la neige sur les vagues, le château aux yeux d'étoiles, quelques enfants qui jouent à se lancer des oiseaux de neige et tous ceux qui continuent à vivre devant. Tourbillon glacé, je cherche longtemps à me reconstituer. Palpitation tiède, coeur battant de l'hiver, quelque part dans le sommeil de mon visage. Eau brûlante, je vis. Tu dis : "...Un coquillage de peau et de rêves, un long corps couché, roulé comme les pages d'un livre sacré. Il monte vers le ciel, toujours plus bleu, jusqu'à ne plus être qu'un long mouvement ascendant, un pays d'eau où tu saurais parler au ciel et construire les ruines de l'indifférence." 22-12-98
"...nous sommes des idées de l'Être, indestructibles, impérissables, et peu importe que nous soyons fortement persuadés du contraire." -- Richard Bach -- Sêve des songes -- J'allume la mêche des arbres. Je rend leur sang fou et savoureux, les vrille et les déplie d'un coup. Je les aime dansants, j'aime qu'ils fassent à la fois peur et sourire. Je veux qu'on se souvienne d'eux. Des feuilles autour du front, j'apprends à faire le tour du temps. Parfois, j'explose et meurs, prend l'odeur de l'humus et m'allonge démesurément. Parfois aussi, je me ramasse en boule, chat dormant de mousse et de tourbe. Racine qui feule, j'oublie tout du mouvement. Pendant ces moments là, nulle vie ne m'a jamais rêvé , nulle soif ne m'a jamais lapé, nul sang n'a jamais lancé mon urgence. La pluie me ranime, marteau d'air pur sur ma tête noire. Je reviens vers les maisons, car je suis curieux du monde. Je germe toujours la nuit, me glisse dans vos verres par petites gouttes. J'attends que les yeux de vos maisons s'aperçoivent que quelque chose à changé... Doucement, je caresse vos murs pour mélanger les miroirs. Lorsque vous passez devant, vous voyez des chats, des fruits de toutes les couleurs ou des notes de musiques avec des longs cheveux chantants. Vous vous étonnez et comme vous ne vous défendez plus, le ciel peut entrer en vous et je ris de vous rendre heureux. Quand je serai entier, je deviendrai un peu plus sérieux. Avant de trouver le sommeil, je crée des nids volants et des oiseaux tressés, puis mon souffle de plus en plus profond soulève les feuilles, jusqu'à ce que la forêt se mette en mouvement pour traverser la nuit. Couché, j'avance en grandissant dans le mouvement des arbres. 22-12-98"Ayant bu des mers entières, nous restons tout étonnés que nos lèvres soient encore aussi sèches que des plages. Et toujours, cherchons la mer pour les y tremper, sans voir que nos lèvres sont les plages et que nous sommes la mer" -- Assat, poète persan. -- Notre Dame des Noyés-- Une cathédrale de mer. La nuit, les gargouilles trempent leur cou de pierre dans l'eau. Les phares les regardent, multiplient leurs ombres et les prennent pour des monstres marins. Ils ne sont que des pieuvres éternelles trempées dans du sel. Une église salée. Les voiles des mariées s'y déchirent aux tempêtes Les rayons étoilent les visages. Nez rouges sur joues bleues, sous les vitraux, les clowns agenouillés prient aux éclats. Juste mesure du verre et du plomb. Leurs voeux jouent à saute-couleur. Marelle en palettes sous le regard du Christ Palmé. Quand ils meurent, on les enterre dans la lumière colorée. Drapés de vitrail, on les pousse vers le fond, vers le Cirque Obscur. La Reine des Abysses viendra se marier là. Le peuple des noyés ira la voir en, se pinçant le nez. Ils nageront vers elle, nageront dans sa traîne, jusqu'à orner ses cheveux de leurs visages bleus. Le prêtre distriburera des hosties de corail et ses bulles bénissantes viendront crever sur les lèvres de la Reine. Temple des frissons sacrés où le froid épouse le chaud. C'est là qu'on m'enterrera, à grandes pelletées de couleur. Toutes vos nageoires en fleur feront une grande étoile d'eau autour de moi. Et personne n'arrivera jamais à me fermer les yeux. Berceau de mer ! Les enfants, plus nombreux que les gouttes, entreront dans ta nef de pierre, sur des hippocampes. Ils renverseront toutes les chaises, remplaceront les prières par des cris d'amour, et la voûte de peau du temple vivant reprendra son voyage. Je renaîtrai tout le temps pour guider tes pas. 21-12-98"Tu savais que les cloches de la mer n'étaient pas une légende, mais tu n'es parvenu à les entendre que lorsque tu as compris que le vent, les mouettes, la claquement des feuilles de palmier, tout cela faisait partie du tintement des cloches" -- Paulo Coelho --------------- -- Rose de gestes -- Mains bleues dans l'eau froide. Une flaque couleur du soleil. Le ciel couleur corail. Hautes profondeurs. Une tache de feu tombée sur la terre. Les cercles de sève, s'appellent, se rejoignent, vert solaire. Longue traversée. La vie saigne dans l'eau. Un sourire qui mord. Une forêt qui écoute. Gestes roses dans l'air tiède. Une flaque sur le chemin. Des petites vagues à l'assaut des arbres. Remontent, se figent en drapés d'écorce bleue. Bruissements qui se retournent dans les draps. Bouliers de paupières qui comptent les heures. Colliers d'océans sur ton cou. Entrer dans l'eau s'enraciner loin loin, là où l'eau est dure, là où le feu lave nos rêves. J'écoute la mort tomber de moi. Peau noire qui rèvèle l'or rose. Les étoiles étagées sur la portée écoutent crier les copeaux des vagues, taillées par le vent. La vie, seule et nombreuse, me dit "écris". Une flaque dans ma main. Coupe vivante. Les cercles lient les étoiles, chant rond du chemin droit. Des bambous s'y reflêtent. Entourent mes doigts. Gangue claire, flûte de gestes poussent à vue d'oeil. Même assis dans la forêt, même inscrits dans le ciel, même dans notre lent chemin secret, même dans nos formes couchées, nous marchons. J'entends le sang remonter les routes, les battements des queues des poissons, le sourire déplié des montagnes. Les sources qui sautent dans le ciel. Les oiseaux à naître remontent les tiges, s'invitent dans ma main, mes doigts s'ouvrent comme des becs et chantent. Être la main de l'âme du monde. Étincelles du chemin dans les yeux des vagues. Une flaque sur la vie et des pas d'enfants qui sautent droit dedans. Des gouttes lancées vers le ciel et des regards qui sément d'autres regards. Soleil rose dans ton regard chaud La mer s'éveiille et rit. La vie cueille les vagues une à une, en fait un bouquet d'écume et d' éternelle impatience. L'offre au grand arbre. Ensemble, tournés vers le soleil, un jardin en marche, une rose de gestes. 21-12-98-- Au fruit bleu du Yagour -- " J'entends ta voix, tu parles dans l'air ... Lullaby jetait les feuilles de papier dans le vent. Elles partaient vite avec un bruit de déchirure, elles volaient un instant au dessus de la mer, en titubant comme des papillons dans la bourrasque. C'était des feuilles de papier-avion un peu bleues, puis elles disparaissaient d'un seul coup dans la mer. C'était bien de lancer ces feuilles de papier dans le vent, d'éparpiller ces mots, et Lullaby regardait le vent les manger avec joie." -- JMG Le Clézio ------------------------------------ -- Choses de couleur vivante -- Tes mains dépliées. Tous les mots qui t'écrivent chaque jour. Une tempête froissée en boule de papier. Les odeurs de tous tes cafés. Mises bout à bout, elles traversent toutes les nuits de ta vie . Ta main qui entoure la tasse pour capter plus de chaleur. Tout ce que tu sais, tout ce que tu imagines, tout ce que tu réinventes. Les paroles et la musique. Mélangées. Autres. Resplendissantes. L'harmonica de Camélia sur la joue d'Anselmo. Une enveloppe jaune, à polir avec les doigts jusqu'à ce qu'elle brille. Les pas d'une louve de mère dans la neige. Une enfant derrière une fenêtre qui l'attend. Une pierre du Yagour, jeune de 3000 ans, et une autre enfant qui en sort, un avion posé sur son chèche bleu. Sa naissance rupestre. La voix d'une troisième enfant qui chante "je l'aime, madame !". Une mule au bord d'un ravin, qui s'envole et te verse dans le soleil. Les ailes de papillon d'une tente où sont gravées des mains très anciennes qui appellent et demandent à naître. L'heure du thé, tes mains posées sur tes genoux pliés. Le ciel infusé. Les dunes, la nudité du temps à perte de vue. Ces moments où je te sens grandir à vue d'oeil. Les tuiles qui brûlent tes pieds, qui courent, courent au dessus de la ville d'argile. L'instant magique où tu changeais de prénom, petite fille, et où tu faisais jouer la harpe d'herbe jusque dans le creux des arbres. Un bébé mûrier qui pousse en silence. Un santon de Provence, un santon pas né qui s'anime quand tu en parles. Ta mémoire vive qui invente le passé, se souvient du futur, prépare le présent. Une bonbon qui rêve, fond dans la vie, nuit dans la nuit. Toutes tes mains, tu en as tant, qui chaque jour sont venues remplir le désert. Peuple de tes gestes, ocre Roussillon versé sur moi jusqu'à ce que je prenne la couleur du ciel de ton jardin. Et toute la force du Mistral qui vient poser tes larmes sur mon visage. 16-12-98"Le temps et ses vitraux. Organise en un cosmos - une cathédrale- ce qui fut chaos, dans toutes nos fondrières." -- Sylvaine Arabo ------------------------------------- -- Mer ou lumière -- Mer ou sorcière, Fée salée saupoudrée Air piquant dans le faisceau du phare Une table ronde sur la créte des vagues Chaises croisées sous l'écume qui claque Nids de corails Bruit sourd des roues de vitrail Voiles d'abysses Vigies des ombres au sillage des feuilles Odyssée d'un oeil Lune proche Plume de roche Roule et bondit sur les vagues Gestes de nacre Océan rupestre Les flammes de couleur Gravent les parois de l'eau Et sur nos mains Assemblées en dunes Marche la mer Vers l'embouchure du temps Mer ou lumière Embruns du ciel Eau gravée dans le noyau du soleil 6-12-98"Le coeur de ceux que nous aimons est notre véritable demeure". -- Christian Bobin ----------------------------------- -- Aquarium -- Verre humide, la nuit est translucide. Je ne sais pas qui dort et qui veille, qui se repose et qui est sentinelle. Sans prévenir, l'eau vient de toutes parts habiter la nuit. L'eau nage dans la vie. Mes mains frappent sur la vitre, mais je ne sais pas de quel côté. La nuit éclaire le chemin de l'aquarium, m'ouvre son espace d'eau, plus vaste que le monde autour de lui. Je te vois à l'envers, tu rajeunis à chaque seconde et redeviens l'origine de l'eau et tu souris encore. Tu es un grand sourire qui m'entoure, tu es tous les temps possibles, le duvet de l'éveil, tu es la Grande Fenêtre vers l'amour. Je contemple mes yeux fermés couchés et je sais que je ne dors pas. Maintenant, ma vie sera errance, nuage flottant, joies insoutenables, tempête de beauté, cyclone doux de pensées rugissantes qui rendront peu à peu ma tête vaste et interminable, puis la forgeront, jusqu'à ce qu'elle ne sache prononcer que les mots qui donnent la vie. Des abysses en fusion naîtra un soleil. Peut être est ce de tout cela que tu souris déjà Mes mains sur les parois de l'aquarium, ton sourire qui se lève et marche vers le monde. Mon cri qui escalade longtemps la vitre froide. Maintenant, je brise toutes les vitres de la nuit jette à terre toutes les parois du monde, monte en vagues toujours plus hautes, et je m'écoule de l'aquarium. 5-12-98 --------------------------------------"Il existe une heure de la soirée où la prairie va dire quelque chose. Elle ne le dit jamais. Peut-être le dit-elle infiniment et nous ne l'entendons plus, ou nous l'entendons, mais ce quelque chose est intraduisible comme une musique..." -- José Luis Borges ---------------------------------- -- Les plumes du feu -- Posées sur des gouttes d'eau dans les feuilles, les flammes s'assemblent autour de moi pour boire à mes yeux. Elles veulent apprendre la buée dans la nuit et la peau fraîche de la mer. Du soleil sur mes yeux, j'enseigne aux flammes la lumière de l'hiver, la magie des frissons et les brûlures de l'eau. Moi aussi, je veux connaître le soleil qui change les plaies en fleurs d'or et savoir dire les mots rougeoyants que l'on n'oublie jamais. Je renverse la tête, regarde le ciel, vers les flammes de nuit. De la constellation de la Lyre partent les cordes sur lesquelles les flammes sont descendues boire. C'est là, au coeur des feuilles, que nous pouvons nous rejoindre et lancer ensemble nos reflets, faire des cercles dans l'eau, toujours plus grands, toujours plus vivants, devenant des vagues, animant jusqu'au visage des créatures d'ombre lovées dans les fonds. Quand le jour se lève, les plumes du feu regagnent le ciel, dessinant tout autour et pour toujours, une aurore de pensées volantes. 4-12-98"Sur la colline de l'Étoile, je sens grandir en moi le bruit de la mer" ---JMG Le Clézio ------------------------------------ -- Élyre -- Aux franges du ciel Les six eaux des coupes pages Ouvrent le livre à Lyre Coeurs nocturnes La pleine lune Fait danser la mer Aux deux sus de nous Vaste chaleur Tissu des fées À la soie lactée Élyre L'étoile gravée 4-12-98"C'est l'oeil qui crée la lumière" -- René Barjavel -------------------------- -- Peaux-pierres -- Doucement Dépliant le temps ruban Des cadeaux ouvrent mes doigts Frappées de douceur Invisibles Sensibles Mes pensées grimpent à l'arbre Observent les mouvements des regards La lumière cligne de l'oeil Courbe les rayons Pour qu'ils nous ressemblent Tout l'or du monde puisé dans un souffle Toucher de plume Vertige de pierre Rivière Pêche guérisseuse Ligne jetée au fond Mes yeux s'ouvrent dans l'eau Pierre à déplier les mains Je rêve Longtemps Regard libre dans la patience d'un arbre 4-12-98-- Les yeux d'où --Un regard Assis au bord du fleuve Filtre les prairies Le silence se baigne Pudeur des brins Couchés dans un champ d'hommes Plus près Ailleurs Nagent les yeux d'où Plus fluides que l'eau Duvet de parole Et même le sang s'écorche sur cette douceur mortelle Et même les cris sont doux sur ces orages naissants 4-12-98"Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or" -- Baudelaire --------------------------- -- Cadran polaire -- À la dernière seconde avant minuit L"or s'assouplit à la peau du balancier La nuit s'ouvre grande Sur des banquises scintillantes Et tout se ralentit Le corps glisse en rêvant Cousu à l'horizon Lentement Sans un son À la première seconde après midi Les doigts comptent sur ma vie Le jour se plie Aux désirs des pétales Et tout se met à vivre Les yeux libérés La lumière Penchée à la fenêtre Chaleur passée de main en main 2-12-98-- Allusions d'optique --Sonnerie qui brille J'essuie mes pieds sur le mur Avant d'ouvrir le toit Pour accueillir l'absent qui part À l'aube du soir Je me tire une vie dans la tête Et m'envole souple Né sur le coup 2-12-98-- Première demeure -- Terre fragile Désert-Dieu Déverse la force au centre des mains Sculpte le feu Chevauche la ligne d'horizon Ébauche les sons Tourbillons couchés Dansent la poudre de vigne L'âme or du signe Se mêlent les doigts et les silences Avancent L'esprit aux yeux clairs du lieu dormant La danse des dunes sur le corps du vent Gestes vivants Soufflent la lune Caressent les îles cerclent mes poings de blanc Je trace les courbes du soleil sur les angles du temps Emporte le fluide aux pistes des grains À l'envers du loin Vie traversière Galop des arbres aux eaux cavalières Saut de lumière L'espace fait corps avec la couleur En ma première demeure 2-12-98
-- En nos vers d'Oz --En étoile de fond La mer Au sommet du temps ouvre ses bras Et plonge dans les mots en forme de nuit Cueille les morsures du soleil Pétrit la pluie Lie sur les lèvres la lumière gercée Des chants pointillés Rassemble les magiciels Autour du bleu sacré Clair de chat Ciel rideau de jour sur pattes de voeux lourds Cat à strophes aériennes Félines éoliennes L'eau déchiffre les codes sucrés Ainsi nuée Et vient visiter les ruines de l'air Souffle clair sur les paupières Fleur chant lumière Parfum du soleil pour éteindre l'enfer Tour de magie en forme de rose En étoile de fond Le ciel prend la vie aux mots Rime avec l'eau À travers les vols éclos Respire le sourire du beau En nos vers d'Oz Sortis du chat-peau 02-12-98"Algues brunes ou rouges Dessous la vague bougent Les goémons" -- S.Gainsbourg ----------------------------------- -- Marche ou rêve -- La boue, Seule douceur sur la mer Les algues, Unique danse vivante Quelques pas, La trace d'un mouvement Et l'eau Par dessus le ciel Déversée Tout à côté d'une main séchée Sans jamais la toucher Des grands fonds Monte la lumière Vue de profil Et je rêve Que je me réveille Sans avoir jamais fermé les yeux 30-11-98"Blackbird singing in the dead of night" -- Beatles ---------------------------- -- Blackbird -- Une voix marche sur un fil et dit "Tu n'es pas mort" Encore, La nuit prolonge mes cils Pose l'ombre sur une flamme Aérogramme Il neige des cages Des bouts de verre qui pleurent de rage Les oiseaux noircissent le ciel Tombent dans le soleil La nuit s'éveille Tes yeux m'envoient marcher sur la lune "La nuit contient le jour" Toujours, Une porte dans les bras Tes ailes plus hautes Aéronaute Il pleut des roses Des espaces entiers se lèvent et osent Les ailes fleurissent le temps Mémoire en avant Le jour s'étend Ton signe efface les cris, fait parler la nuit "Les mains ont des yeux" Noirceur bleue, Écriture des plumes à l'intérieur d'un flocon Survol de la grande question Vue d'avion 30-11-98"Time, All that long red lines, smokelines streams That flow into your dreams That big blue open sea That can't be crossed that can't be climbed Beetween that two white lines Distant Gods and faded signs Of all those blinking lights" -- Mercury Rev, "Holes" -- -------------------------------------- -- Pique la nuit -- Je suis la valise de la nuit, j'ai des poignées pour voler, une serrure pour m'enfermer, un vieux cuir rayé pour saigner. Je tiens mes mains dans mes mains, Je lâche le singe du vent, qui rit en descendant les lianes du temps, rebondit sur le coin des draps durcis par le froid. Je deviens une tâche qui sourit sur le sol, et je traverse les siècles, longtemps. Je rêve sous vos pieds, jusqu'au bout de vos années, je ne dors jamais. Je ne suis qu'un instant derrière un volet, je suis la toute première seconde du dernier matin du monde. J'ouvre grand les trous dans mes mains et à travers, je vois la vie courir. Lorsqu'elle arrive à mon petit doigt, elle tombe, elle a pris la forme ronde du trou de mes mains, et devient un cercle de souvenirs, un anneau de vie en buée dorée, une bougie ronde posée dans une chambre vide en friche. J'éclaire les brins d'herbe, rends leur ombres splendides. Je les libère du sol et dresse ainsi un peuple d'ombres debout, en marche vers vous. Je suis le geste de l'horizon, le cache-cache des pierres levées, et quand je jour vient, je me replie et personne ne sait que j'ai jamais existé. Embroché sur les vagues de la mer, je range la lumière. Pique la nuit, volent les ombres libres, je meurs et je ne m'endors jamais. Une nuit sans jour éblouit mes rêves. 30-11-98"Too far, too high, too soon, You saw the whole of the moon" -- The Waterboys ----------------------------- -- Lune penchée-- Je viens chercher la nuit dans le creux d'un arbre pour qu'elle m'apprenne à tomber à l'endroit. Je passe ma main là où sommeillent les mâchoires, là où les morsures rêvent. Et la nuit dans l'arbre me mange, je deviens translucide et noir, fait d'antimatière. Je progresse sous la terre, cherche les tunnels qui mênent aux chambres claires, aux lits blancs où les rêvent ne tueraient plus. Mais je suis un nuage de tourbe, une motte de nuit, la tête baissée du silence. Les draps s'enroulent à ma vue, pour que nul souffle ne vienne les arrondir, dessinent avec leurs plis un sourire qui fait peur. Dans le dessous des feuilles chemine mon regard. C'est là que je vis encore un peu, dans les angles morts des troncs, dans le sursaut d'un rayon qui troue la densité émeraude. À chaque souffle, je deviens un peu plus l'humus de la nuit, le germe plié. La lune penchée boit dans la terre, se reflète sur mes lèvres, entoure mes rêves dans les siens. Je contiens tout le ciel. Un jour, je reviendrai, trempé de lumière, poser ma main dans le creux d'un arbre, pour que la forêt apprenne à voler. 28-11-98-- Crescendo --Les algues. Leurs gestes primitifs, lents, répétés, leur patience mouvante. Leur absence de désir lorsqu'elles se replient, puis leur élan violent, le sursaut où elles deviennent presques rouges. Elles sont les cheveux morts, les harpes molles. Les courants. Leur chemin de bouteilles qui tournent, entourent une feuille blanche, à l'encre effacée de ne pas avoir été lue. Leur anneau bleu sombre, route sans destination autre que d'être le mouvement des mers. Ils sont la sève obscure, le hautbois lourd. Les flammes. allumées par le fluide, les enfants brillants marchant sur le fond, jaillissant sur les vagues. Elles nagent, balisent les noyades et montrent le chemin des vrilles volantes aux nageurs. Elles sont la vie dansante, la voix du ciel mélé à l'eau. Crescendo, l'eau prend forme et accorde la terre. 27-11-98"All the accidents that happen Follow the dot" - Björk -- Hémisphères-- Une feuille posée sur mes yeux fermés Hiver du regard Le froid trouve toujours une raison de vivre De s'immobiliser Et de s'insinuer entre les doigts Une fleur allumée sous l'eau des yeux Eté en couloirs Le soleil trouve toujours une raison de nager D'inventer Et de rire dans ma main 27-11-98"Bien sûr, on s'enfuit en voyage à la recherche de l'étendue. Mais l'étendue ne se trouve. Elle se fonde. Et l'évasion n'a jamais conduit nulle part." - St Exupéry-- L'étendue fondée --Surfaces mortes Les tables décroissent Je débranche mes pas Sourires immobiles Tirant sur les fils Dessert de poussières penchées Absence assise sur une chaise J'endors mon voyage Jardinier en cage Je cultive les vergers enfermés De l'étendue fondée 27-11-98"Nous descendons tous du soleil ..." (St Pol-Roux, "Mehnirs") -------------------------- -- Paume du jardin -- Un oiseau lance des graines dans ma main Saute de ciel en ciel Ouvre le bec du soleil Une main qui vole dans le jardin Sème brin après brin L'herbe qui voit loin Un arbre de peau et de vent Pousse geste de fruit sourit La paume du jardin de la vie 25-11-98'J'entends et j'oublie. Je vois et je me souviens. Je fais et je comprends" -- Confucius ------------------------------------------------------- -- Oreille de mer -- L'oreille posée sur le beau Compte les battements du coeur de l'eau Les feuilles tombent des vagues Baguent La main tendue de la mer Une oreille sur le sable Appelle Épelle nos noms Sait le jeu véritable Des chemins navigables Elle parle Et réinvente la mer Une oreille sur l'eau Oreille qui reconnaît les oiseaux Contient tous les mots Oreille couleur du couchant Flamme de l'amour qui entend Ma main la prend En elle La mer écoute le vivant Une oreille posée sur la nuit Une oreille au creux de la vie La bougie souffle sur la nuit Et l'oreille d'eau Posée sur le beau Éclaire les mots 24-11-98
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marelle