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-- Persona ---------------------------------------------------------------------------------- La persona était le masque du théatre antique. De "per sonare", "résonner à travers". ------------------------------------------------------------------------------- Gradins Demi-lune d'hommes attentifs Masques de nacre Patine du soleil Qui chaque soir quitte les hommes À lit d'antique À l'enfui théatre Le ciel monte à la tête Reflète nos mains tendues vers l'histoire Fait bouger les drapés Balaie la scène du regard Ton masque est la peau du dedans Les lèvres du trajet dit Les cris vains de la nuit Élisent la mer en cercles attentifs Mon visage bouché Incurve la pierre Protège ma peau du temps Réplique aux décrets des dieux Plisse les cieux à l'image de soie Spectacle, Éclipse de mots, poudre des gestes anciens Masques des regards aux drapés des peaux-pierres Éclair de lune Qui chaque nuit vient foudroyer les hommes Persona Les ombres des masques éclairent les gradins Cercles résonnants À bonds dansent des vies 19-10-98 "Derrière ton masque, je connais ta tête" -Marie Mélisou, "Trois voeux"-- L'infiniment vivant --Un signe de froid Noie le regard de l'eau Ensable la roue du temps Des trilles tues se jettent du haut d'une tente nue Ïle en terre Rivages du mort de mer Carbonise les dunes aux arêtes des grains du temps Éparpille la vie en mort sots choisis Explose des tableaux aux galeries dard Pique un phare aux pinceaux du sang Reste le chant brillant Le chemin ciel, la route des enfants du vent De l'été qui vient toujours demain Monte le parfum, s'ouvre la porte des mains La nuit couchée bordée par la lumière-fée D'or à loins fermés Une fleur sur ses lèvres Mystères en sentiers de chèvres Beautés en vagues abondent Ciel en terre ronde Chant du monde À l'infiniment vivant 18-10-98-- Gouttes de soleil --La vie respire La fumée des racines aux colonnes d'eau brûlée Source de cendres cerclées de couleurs Troncs des temps coupés Copeaux du brasier mouillé Crépitent Palpitent À la jungle aspergée de mousses rougeoyantes Agitent leurs feuilles Aux lèvres du seuil Densité mouvante Faisceau d'ombre à l'embouchure du ciel Remontée aux sources du feu Pays au centre du soleil La vie ouvre les doigts Court dans les vagues flambées Court pour ne pas tomber Un coeur Fleurit Le jardin de l'été Trempe le temps Teinture du sang sur les draps du vent 16-10-98-- Eau de gamme --Je saute de note en note Sur un piano dans l'eau Marelle aquarelle Ombre portée au fil du chant salé D'eau faim Marée nourricière Cristaux de musique Invisibles Comme nés au milieu de la figure En état de présent Je joue de mémoire vive Le contour des rives Tombent Les murs-amours du temps Monte l'escalier de vagues Que j'habite En attendant maintenant Saut de l'ange à la palette du chant 16-10-98-- Âges de l'eau--Je suis l'eau du premier mot. Je suis la Grande Eau, je n'ai jamais de fin, je suis un chant soutenu, un souffle pour naître et pour croître. J'écoute les flûtes fluides, effleure leur vibration, devient le coeur d'une note. Je tends les cordes des courants entre les terres, pour que la vie ait pied en traversant d'une rive à l'autre. Maintenant, je nage sur le dos, le ciel est loin, loin en dessous de moi et le soleil brille au centre de ma nage, qui suit exactement sa course. Je frotte mes mains l'une contre l'autre, jusqu'à ce que l'eau étincelle. De ma paume monte une constellation, droit vers le fond, scintillant dans le sombre. Les feux dormants des grands fonds s'éveillent et commencent leur voyage. Ils sont la nage des ondes de chaleur, la couronne de la mer, Je suis l'eau cerclée d'or par le mouvement des étoiles. Je suis l'eau naissante et l'eau accomplie, je suis fille du ciel, soeur des courants du soleil. Je suis la marée stellaire et mon esprit-saumon remonte sans cesse à ma source. Je chante jusqu'à l'autre bout du monde, j'appelle les sources de montagne, pour qu'elles viennent nous rejoindre, j'appelle les eaux fraîches du ciel à pleuvoir sur ma tiédeur. Alors, pendant que la jeunesse et la sagesse de l'eau se rejoignent, les bras du monde s'ouvrent grands. 15-10-98-- Mare Nostrum --Je suis une longue lettre tracée sur le sable. Le ciel et l'océan s'écrivent, se répondent, montent et descendent par mes doigts. Des enfants me regardent faire, construisent queqlues soleils de sable autour de mes mots, pour voir s'ils prennent bien la lumière. Ma lettre de sable se reflète dans leurs yeux. D'un sourire, ils redressent la lumière lue à l'envers. Ils me montrent quelque chose du doigt, une grande vague dans le ciel, décrivant des cercles. Logtemps, je tourne dans l'intelligence de son mouvement. Urgente, l'eau du ciel s'enroule en spirale, devient regard bleu, chasse le temps hors de la vie. Maintenant, le jour est mort, nul ne sait s'il reviendra jamais. Maintenant, tout est éteint, ne restent que les cercles mouvants du ciel, tamisant la lumière de la lune, voyageant vers la terre, longue marée patiente léchant déjà l'atmosphère. Les enfants brillent dans la nuit, continuent d'entourer la mer d'un anneau de soleils de sable. Ma lettre bute sur un amas rocheux, noir, torturé. Lentement, avec la pulpe de mon doigt, j'entreprends d'écrire la suite de ma lettre en caressant le rocher. La pierre monte à vue d'oeil, enserre mon souffle, le rend compact. J'écris maintenant à l'intérieur, enserré dans une gangue noire. Le sable s'enfonce en marchant dans moi, mon enfance meurt sous ses pas, renaît sans cesse à chaque marée rocheuse. Cela dure très longtemps, un instant, tout le temps. Puis, un enfant de la nuit fait éclater la pierre en dessinant, de sa main brillante, un soleil plus grand que tous les autres réunis. J'ouvre les yeux. Le jour est revenu et la marée a recouvert tous les autres soleils de sable, enroulant ma lettre dans ses vagues, rendant sa parole lumineuse, scintillante dans l'eau. Je regarde mes mots vivre de la vie de l'eau. Je trempe mes mains dans le ciel et, un ruban d'air bleu autour de mes doigts, déjà, je prépare la suite de l'histoire. 14-10-98-- Les petits oublis --Les petits oublis sortent sous la pluie, ne sont ni du jour, ni de la nuit, ils vivent un instant, celui où le soleil devient flou, dilué. Pendant qu'ils s'abreuvent, la pluie opaque vient laquer nos yeux, patiner notre visage. Elle nous inclut dans sa chute, nos pensées deviennent moites, glissent entre nos doigts palmés. Caressés dans le sens du voile, les petits oublis se nourissent de nos regards détournés, de notre parole étouffée. Leur corps terne bouge en saccades imperceptibles, opacifie les étoiles, leur reptation lente nous dévore de l'intérieur. Le vivant les effraie tant qu'ils veulent règner sur notre sol mort. Ils nous tuent pendant que nous croyons nous reposer, sourire de soulagement, nous poser après une longue quète. Un seul regard oublié et le monde devient aveugle, cherche sa route à tâtons. Une seule parole floue et le soleil se déchire. Les petits oublis ne sont déjà plus qu'une brume gelée, dessinent en creux dans l'air, la silhouette de ceux que l'on aime. Reste l'empreinte de leur souffle, enroulée dans les cavités de nos yeux, partis eux aussi. 14-10-98-- Arbre profond --Je suis un arbre dans le vent, un océan profond. Un arbre en colimaçon. Un océan vivant. Degrés des marches en spirale sur le bois flottant. Le temps se cherche, le langage se construit sur les cercles d'eau. L'eau gronde. Elle résonne dans les grottes des poitrines, roule dans l'oreille interne des troncs, fait luire les nids. Les pousses crient, plongent leurs extrémités comme des becs d'oiseaux. Les feuilles ordonnent la pluie, distribuent les gouttes de part et d'autre de l'arbre. La palette des bleus vient se percher dans les branches, venue du fond, du sombre des courants. En remontant, la densité océane s'affine en nervures d'eau claire. Doigt par doigt, la lune passe sur mes mains. Phases de la peau. Maintenant, le chemin entend, le langage se souvient. La mer agite ses feuilles et le printemps éclaire les fonds. Les ronds clairs sur les troncs ressemblent aux yeux derrière le soleil. Je suis un océan dans le vent, un arbre profond. 12-10-98-- Australe --Aurore boréale Les lumières du bal Soleil de minuit Collier d'ombre autour de la vie Écume d'aujourd'hui Drapé sourire étincelant Nacrés courants ascendants Tropiques du safran Sur les dunes de l'eau Ma vie se balance dans le creux des chameaux L'hiver prend feu aux mots Givre dont vous êtes le héros Ma vie australe Réinvente les saisons Fait tomber les murs de la maison Marche sur le toit Multiplie le soleil par trois Change l'hiver En jardin vert Au Sud de la mer Plongent les racines de la lumière Rose des vents Voyage en ciel Carte des ailes Plein Sud du temps 09-10-98-- Peau choir --J'écris dans la langue de la nuit, sur une table qui a tout gardé de l'arbre. Cou de bambou, regard croissants aux horizons de sève. Ma tête ployée, porteuse d'une jarre de temps sculpté, taillée par la patience des brins d'herbe. J'épouse les virages, deviens perpendiculaire au soleil. Lumière d'osier au soleil tressé. Parchemin des paupières. La vie écrit dessus, en motifs fins, chaque trait ouvre un peu plus mes yeux tout en ornant leur peau. Voir et être vu. Un peu de nuit coule de ma plume, s'échappe par la fenêtre ouverte, se mélange au jour et viendra tôt ou tard vivre dans ton regard. Je chute le long de moi, dissous la mémoire des gestes, emporte l'eau dans mon courant. Orage de paume au ciel sérigraphié sur ma main. Onduations des écailles en vagues, marées de mues. La ligne droite est le chemin le plus mort d'un point à un autre. Alors, en courbes de couleurs, je dessine mon avenir. Paupières si lègères que mon regard s'envole, ne revient jamais. Pochoir de vie, dentelles des détails fins aux intailles et camées de la nuit. Les suivre avec les doigts. La nuit écrit dans ma langue, sur ma vie qui a tout gardé de moi. 7-10-98- Nocturne --La nuit fait cercle autour de moi, tient conseil, danse en beaux drapés noirs. Le froid se serre contre moi, réunit les eaux posées. La vie en vrille s'entrechoque dans les corridors liquides, charrie des cailloux, s'écorche à mes plaies. L'ombre dévore tout, fait grandir le feu sombre en aspirant la nuit avec un soufflet d'oubli. La vie m'efface en riant, impatiente, tenant déjà la craie du nouveau chant à écrire sur le tableau du vent. La peau ne suffit pas à protéger du temps. Loin de là, conaisssant tout du ciel, de la mer et du temps, une falaise de craie regarde les hommes en s'émiettant. 7-10-98-- La mer noël --La plage en hiver bleu. Sable emmitouflé. Un grand sapin de corail avec une étoile de mer en haut. Toute la mer en cadeau dans les rubans du vent. Offrir un sourire au grand voyage-vie, dire à la mer que je l'aime aussi en hiver. Je regarde mes mains, puis le ciel. Alors, je décide de construire un bonhomme de soleil. 07-10-98-- Châteaux d'oiseaux --Je ne saurai jamais le moment exact où ça a commencé. Parce que ça commence tout le temps. La plage. Autant d'yeux d'oiseaux que de grains de sable. Innombrables, leur chant pétrifie la mer, elle suspend son souffle pour les écouter. Arpèges stridents ou flûtés, parfait accord avec le monde, harmonie. Un château d'oiseaux sur la plage, construit par des enfants qui rêvent d'une maison volante. Eux seuls savent qu'on vole très bien dans l'air froid. Ils font cercle autour du premier flocon, le protègent tellement qu'il est né de leur seul désir. Sans pinceaux, rien qu'en souriant, ils colorent la neige, jouent avec le temps, peignent un sourire sur ma main. Les châteaux s'envolent, lancés de ta main dans la mienne. La chaleur d'un sourire dans l'air froid. Soleil d'hiver. De ces contraires naît la buée, la piste vaporeuse. Comme des ronds de fumée, des signes ronds et frais qui chantent dans l'air. Je chante avec eux , puis je me tais d'un coup. La buée étonnée s'interroge sur la forme à prendre. Finalement, elle se souvient du dessin de Léonard et devient étoile de givre. Chercher où va le chant et qui l'entend. Sur la plage, il y a un piano spécial. Un piano à vagues. J'improvise une marelle liquide et musicale, saute d'une touche à l'autre du piano. Les vagues viennent dans ma voix, la portent loin, plus haut que les châteaux volants, plus profond que les sables du temps. Courant sur la plage, je glisse sur la glace incandescente du temps et, avec les oiseaux de sables, je ramasse les soleils de tes yeux pour faire une bataille de boules de feu. Alors, les enfants entrent dans la mer. Ils regardent longtemps les châteaux faire le tour du soleil. Puis nagent et deviennent le courant du chant. 6-10-98Seul mentFrises de solitude. Mots vitrifiés, un canon à électrons pelotonne l'exécution. Je cogne sur la vitre et c'est mon poing qui casse. L'écran autour enserre mon souffle, le confine dans ses angles, le sertit en filet mince, écrase mon corps jusqu'à ce qu'il devienne plat, passe dans le lecteur de disquettes. Bruit du vent qui balaie les éclats de ma main, chair translucide, des arêtes de peau qui blessent le ciel, le traversent. Dans cet écran, je n'ai plus besoin de corps. Un banc d'eau sur les yeux, je suis le regard du tissu, la vision de la soie. Je mens à mes propres mensonges. Je ne suis que des signes noirs, une graphie mécanique, une âme numérisée. Je regarde vers la mer, loin. Solitude binaire. Flux-reflux. Zéro-un. Je me souviens de l'amour. Je me souviens d'avoir eu des mains. Je me souviens d'avoir été aussi grand que la mer et d 'avoir brillé dans le ciel. Une simple panne de courant et je n'existerai plus. 05-10-98-- Chemin d'iode --Le souffle de la mer. Son parcours bleu fait triompher le vivant, anime les arbres d'eau. La vie, rien que la vie juste au milieu d'un pas. Presque embusquée, secrète, épousant le mouvement, faisant choeur avec l'instant. Elle marche devant, mais elle connaît tout le fil des pas, depuis le tout premier. Elle sait se confondre sans jamais se perdre. Juste un instant, pareil à un cristal. S'étend en étoile sur toute la durée du temps, contruit les fondations d'avant, ramène les souvenirs de l'avenir. Exact milieu des eaux du monde. Ici, loin de toute terre, bat le coeur de la roue saline, se décident les sillages. La mer me regarde apprendre, prépare les feuilles de l'arbre profond, cisèle ses nervures. La plage en coupe entoure mon corps, donne la matière aux contours du soleil, habite le vol de mon regard, le rend plus dense. Amphore de sable, respiration des mains qui donne souffle à la glaise de lumière. Jamais les fermer, jamais. Se faire nid de peau à la courbe des reliefs, devenir source de sable. Je cours un peu, juste pour le plaisir, décrit des roues solaires, m'amuse à bouger comme les fleurs, prolonge les vagues et secoue les rideaux profonds pour maintenir l'océan en éveil. Course attentive. Toujours, j'écoute la mer, ouvre l'oeil qui sait changer la nuit en lumière, faire venir la sève d'abysses. En mousson d'oiseaux, les ailes diluviennes tombées d'une vague de l'exact bleu du ciel. Rire de la mer qui tend ses branches d'eau pour les toucher. Déploie sa première feuille devant moi. Dans ce chemin d'iode, je cherche l'arbre de vie, le trouve souvent. Mais pour le trouver sans l'oublier, je dois sans cesse nager, car il n'est jamais fixe, s'enracine dans son mouvement. Il a besoin de la marée pour épanouir ses feuilles. J'ai envie de plonger dans le froid sombre du courant, le marbre liquide aux veines nocturnes. Ce sang de glace, je le sais foisonnant. Route de silence et d'ombre. Vouloir chaque pas du voyage, goutte à goutte, grain à grain. J'aime ce cheminement, je l'aime jusqu'à ses gouffres. Dans l'eau, tout est fertile. Dans ce froid, le cristal devient chaud. La vie n'a pas pied. Mais elle sait faire la roue dans l'eau. Maintenant, la vie entend la vie dans les conques de mes mains. Le ciel se penche sur l'eau pour boire à mon geste, inventer des couleurs au profond de ma paume. L'espace appelle le temps, résonne dans la nacre, n'oppose plus rien à rien, trouve les secrets et les oreilles où les murmurer, se souvient enfin. Maintenant, chaque arbre est une histoire. Germination des lettres, écrites sur la forêt océane, feuille à feuille. Drapeau des pages, bleu des courants aux nervures des voiles, mon rire souffle sur les carreaux du cahier, emporte tout. Longue nage autour d'un arbre. Ma vie en forme de graine. 4-10-98-- Tableau de mots --L'air en tubes respire la couleur. Aujourd'hui, j'ai décidé d'être un chat et chacune de mes moustaches est un fin rayon d'une nuance différente. Je suis un chat noir lumineux et je regarde au dessus de moi, vers la toile que je viens de peindre. Je peux être ce que je veux, mais je te vois sourire, c'est facile de me reconnaître, j'ai toujours des couleurs sur moi. Hier, j'étais une longue feuille d'eucalyptus, mais je me terminais par du rose. Peut être même, j'étais dans ta main, et c'est mon toucher qui t'a donné envie de venir ici, là où nous savons nous rencontrer. Ma toile. Dessus, j'ai écrit tous les mots importants. Je ne te dis pas lesquels, j'attends que tu dresses ta propre toile dans l'herbe. Tu hisseras sa surface blanche comme une voile qui attend le vent de tes couleurs pour naviguer à travers les brins. . Tu mouilleras ton doigt avec ta langue, puis tu le lèveras dans le vent pour sentir comment il tourne. Puis, tu sortiras des pastels et tu traceras le corps des mots qui vivent en toi, tu leur donneras le toucher. Je te connais, je te vois d'ici, tes mains seront partout à la fois, seront le souffle de la voile blanche posée sur l'herbe. Tous tes mots importants viendront l'habiter. Le tableau vibrera dans l'air et brillera la nuit. Quant tu auras fini , nos mots vivants pourront se parler, voleront d'une toile à l'autre, tendront des fils entre les voiles, nous serons des bateaux réunis pour raconter une histoire complète. Les oiseaux aimeront venir voler et chanter tout près de nous, et parfois, emméneront nos deux tableaux en voyage, pour les tremper dans le soleil. Maintenant, je m'étire sous la lumière et je sens un désir de monter, plus haut que le sommet du plus grand arbre. Je prends mon élan et je cours droit vers la toile, la traverse et m'habille d'un coup de tous les mots en couleur. Je la caresse d'un effleuré de moustache, celle qui est bleue. J'ai signé la toile d'un fil bleu, et si tu poses ton doigt dessus, j'ai mis une surprise pour toi dedans. Mais je suis déjà loin, je me retourne dans le ciel pour retomber sur mes pattes de l'autre coté de la toile et mes moustaches tournent si vite qu'elles sont un cercle de feu, un soleil de couleurs, une étoile flamboyante, quelque part, ici, tout près. 1er octobre 98-- Étoile de mer --La mer. Jeu de l'eau au dessus, en dessous de moi, se dédouble, m'habille. Désir du danger. Se perdre dans le sel et, bien plus tard, venir dans les yeux de ceux qui passeront. Être un minuscule miroir où, par magie, pourrait se contempler la mer toute entière. Union de ce qui regarde et de ce qui est regardé. Ma joie s'envole en riant. Mes mains en coupe offerte au soleil, pour qu'il vienne me prendre, m'étirer dans un long rayon de lumière, jusqu'à ce que je ressemble à la chaleur dans mon ventre. Le flux, les mouvements internes du souffle sombre, tout au fond. J'aime cette menace de révolte, coup de peigne, ruade d'où nous tomberions sans plus jamais toucher le sol. Je voudrais devenir le ciel, pour être encore plus grand qu'Elle. Où qu'une grande main me saisisse. Depuis sa paume, je désignerais les nouvelles terres, celles qui ne sont pas encore sur les cartes. L'altitude gèlerait mes cheveux et, coiffé de givre, je serais la vigie du monde. Puis redescendre, déposé devant le dernier souffle d'une vague, que je recueillerais dans ma mémoire. Mêler le toucher du sable et celui de l'eau, pétrir le temps à la forme exacte de cette vague, et lancer le tout vers le soleil en riant. Maintenant, je veux jouer à des jeux importants. Je frotte mes mains, pour les rendre intelligentes, entre à nouveau dans l'eau et, durant des jours et des nuits, je construis un chateau liquide, qu'on ne voit pas avec les yeux. Puis, je cours sur le sable et je couvre la mer de minuscules petites barques. Dans chacune, une bougie, sa flamme à moitié couchée par le vent. La nuit tombe, et, avec la marée, des milliers de petits feux montent vers le sable. Une flotille d'âmes au sillage scintillant. Je les attends. Je suis bien. Je ploie au vent comme un drapeau, me laisse habiter par les flammes nageuses. Plus haut, les maisons s'éteignent une à une. En moi et tout autour de moi, tout s'allume. Ce soir, le soleil ne se couchera pas. Quand il verra ça, il me drapera de corail, donra au sable la couleur de ma peau, touchera la mer et remontera dans le ciel. Je reste là, toute la vie, à tourner dans l'eau comme un phare dansant. 29-09-98-- L'amour brûle le temps --Les arêtes du temps. Angles de souplesse. Un cube creux posé devant moi. Cabine rayée, hachurée, stupidement plantée là, au milieu de la chambre. Cabine à sêcher les coeurs, à les maquiller, présentables comme des mocassins qui couinent la mort. Cabine à se taire, serviette éponge pour boire la vie, dévoreuse de lumière. Elle n'existe même pas. Vaisseau de pierre. Cité de mensonges en corolle, fouets d'insomnie aux paupières qui piquent, gonflent, mettent le feu au sommeil, à mes yeux qui noircissent de ne pas te voir. Presque dix mois, bientôt un an, bientôt une bougie, lumière aspirée par le noir laqué. Près de moi, une autre bougie, couleur bleue nuit rieuse, ronde, belle. M'asseoir dans sa coque peut être, creuse la cire, épouser ses parois et devenir la flamme qui m'éveillera, avant que mon visage s'émiette en toi. Je regarde ma montre pour savoir s'il est l'heure de mourir d'aimer. La trotteuse, danseuse d'or dans un cercle de temps. Pont suspendu à tes lèvres. Qu'un seul mot de toi passe dessus et les couleurs de l'eau guériraient la nuit. Mais la nuit reste raide, corps isolant, gant chirurgie des pensées au plafond blanc. Cette nuit, je ne renaîtrai pas de ton regard. Tournent les draps autour de moi, me transforment en fantôme hachuré, gommé. Puis disparaissent, ils ont emporté ma peau. Je jette la montre dans la bougie bleue, et dans un crépitement d'or, l'amour brûle le temps. 29-09-98, nuit.-- Corps et graphie--Mes gestes, Temps osé Corps scié retourné Danse le temps Virevolte l'espace à la pulsation des mains Qui puisent se débattent font des signes Harmonisent les spasmes du vent Corps d'air chantant La tête la première Les secondes renversent le cou, boivent l'air Chavirent la lumière Appellent dérivent plongent scintillent regardent La main respire Se tend vers la fenêtre Trace quelques signes Mon souffle, Doigts glissent descendent sur la vitre Dévalent un escalier de poussières Dans un rayon de lumière Écrivent Écrivent Courent dans la buée Puis Balayent le sol, Se drapent de soleil S'étendent Pour mourir Sans dormir Juste pour dire Juste pour crier Le corps couché des joies partagées Reflet tournant Écho d'un mot dansant Argile du vivant Corps et graphie Mot te vit Peau te rit 28-09-98
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