Comment ça marche un poème ?"
- Interview poliettique -
 
 
 
 
 
 
 
 Juliette : - Comment ca crépite, un poème ? 
 
 
 
Steph * : Pour faire un bon poème de cheminée, il faut découper le bois de
poème dans un arbre où deux oiseaux, un moiseau et un toiseau , se
seront aimés passionnément, à grandes poignées de trilles, juste avant
d'être abattus par une mâchoire tirée d'un fusil. Il faudra alors
dénuder l'écorce juste à l'endroit exact  de l'impact du cri. Mais,
chère pirouli-pirouliette, cela peut être aussi se passer autrement.
D'abord, le moiseau et le toiseau peuvent se déchirer du bec puis être
relevés en plein coeur pardes lèvres tirées à bout portant. Dans les
deux cas, le bois de poème crépitera de toute façon l'émerveillement et
la détresse alternatives des oiseaux qui clignoteront, comme des
lumières dans un sapin de noël. Le lecteur sera content. 
 
 
 
J - Comment ça se règle un poème ?
 
 
 
S *- Sur la facade avant de tout poème, vous trouverez un thermostâme.
Vous pouvez y régler la température de l'âme de votre poème, ainsi que
son degré de frisson. Vous pouvez aussi opter pour le modèle rustique,
en silex de mots à frotter l'un contre l'autre (bien sûr pour cela, il
vous faut une prise à cailloux, vérifiez si votre maison est bien
équipée en cailloutique). 
Un exemple de position raffinée de thermostâme :  rêglez sur "Michaux",
comme son nom l'indique vous obtiendrez un texte a moitié brûlant, à
moitié glacé, à l'âme très effilée, idéal, chère papiliette,  pour
découper les volailles des repas de famille. 
 
 
 
 
J - Comment ca se déplace, un poème ? 
 
S * - Ma funte grand-mère possède un véritable Imroû-Al-Qaïs du VIeme
siècle, avec une poignée en calligraphie d'Hassan Massoudy
pour le transport. Il est posé dans la cheminée, sur le feu, juste au
sommet des flammes (des petits encoches, d'époques elles aussi, ont été
taillées dans le poème pour l'accrocher aux flammes).  Et si je n'ai pas
encore répondu directement à votre question, c'est pour ne pas vous
contrarier, chère envoliette : en effet le jour où ma funte mère-grand
m'a parlé de son plaisir à déplacer ses poèmes d'un coin de sa pièce à un
autre, j'ai compris qu'elle perdait complètement la tête. En effet, on
ne déplace pas un poème. 
C'est lui qui nous déplace.
 
 
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