Onde brûlée
un morceau de lumière
détaché d'en haut de la Terre
vient danser
sur le troupeau des vagues bleues
jouer butiner caresser
miel solaire s'égrenne en diamants
aisance
éclairage mystère sur le sentier houle
brisures allumées en désordres précieux
scintillent rythment
les illuminées sur la prairie flot
chantent
l'or fauve et le bleuté cétacé
épousés
s'agitent en mosaïques turquoises
cet ordinaire galop sur sel et embruns
met le feu à mes yeux
Marie Mélisou Avril 1998

crocs en mots pensés
je suis la caverne d'un théatre d'ombre
oubliée sur ma grève
l'oreille collée à ma poitrine
je tente de m'écouter
un rongeur une coquille vide un désespoir
un marais lové
chair en quête d'un éblouissement
mes yeux sont accroupis
regardent vers dedans
prospectent mes lueurs aveugles
hurlent d'ouvrir aux animaux intérieurs
le cercle des loups dévore mon éclat routine
pleurent griffent déchirent
les rongeurs à l'oeuvre de coins rabougris
sifflent s'enlisent les idées serpents
je suis à l'affût de les crucifier
de fins rouages sur sables rouges
se heurtent à un cri rauque
une pluie de sangsues
idées dévastées
trouvent le chemin d'une piste même brouillée
distance immédiate avec le noir
j'ai besoin de moi
force sauvage
les crocs des mots
je les pique d'un long sommeil
les évade en royaume immense
m'invente une reflux triomphant
après les griffures m'aimer
accepter les grains de clarté
pollens magiques
je ne m'étonne plus ne me brûle plus
je me connais jusqu'à l'évasion de moi
Marie Mélisou 2 Avril 1998

L'essentiel
l'essence ciel réside
en vains doigts
noués
et
soudées
deux bouches
en hardes heures
Marie Mélisou 12 avril 1998

Jusqu'au visible
le vent dans la voile
invente
le chant qui envole tes idées
le rêve de la réalité
tient
à un fil invisible
et
l'existence en étapes
à tue-tête
vit
Marie Mélisou 12 avril 1998

Ainsi les mots
un reflet de lumière
colorie le croissant sur ta pupille agrandie
je prends ancrage sur Toi
encre rage pour Toi
et écris les mots de lorsque tu enserres mon tronc
souffles un vent de feuilles
importes des incendies qui brûlent nos halos
récits voyageurs
je dompte ta rosée qui embue mes larmes
joie se lèche jusqu'au ciel
Marie Mélisou 12 Avril 1998

Parfois la couleur
parfois ton regard réuni le mien
et les étapes brûlantes en illuminations
voguent
parfois ton embrasé abandon
connaît avec justesse le pouvoir de la mer
de mes sens
parfois ton corps à ongles griffe
l'envie de mes reins
à douces heures
parfois tu exhales ta tristesse de dedans
où une mer alerte et impétueuse
bat en vagues vidées
parfois tu aimes les gémissements des tunnels cheminées
comme des haubans cannibales
sur l'or brillant de nuit
parfois la coule heure du vent
dessine tes joues
Marie Mélisou 10 Avril 1998

Parfois les odeurs
parfois la douceur de ta paume
vrille les vastes frissons qui portent
la résine incandescente
parfois se coule en nous-même
sans plus de résistance
le manganèse fruité des jours
parfois l'excitation volatile
des effluves de nos couleurs fortes
et denses mélange un jaune profond au coeur
parfois un bouquet fleurit
parfois le salé en ronde tourbillonnante
rejoint le sucré et un ballet
des odes résiste à la lumière du goût
parfois les eaux d'heures nues
dessinent nos joues
Marie Mélisou 12 Avril 1998

Parfois la pâleur
parfois des débris me torturent et
la peur de mes reins cassés
défait mon sourire
parfois le noir du deuil
illumine mon jour et tous
les miens meurent en confiance
parfois ma nuit approche
parfois les gares s'étreignent
et expriment l'étendue des
échos qui s'éloignent
parfois blessée cachée tranchée
prête à être dévorée
je lèche le sang qui ne sait pas sêcher
parfois les images ne sont que des pensées
parfois légère comme la lumière je cache
et dérobe les silences les bruits des mots
qui n'aiment pas le froid
parfois la pâle heure du jour
dessine mes joues
Marie Mélisou 10 Avril 1998

D'eux
par les cheveux de l'âme
il la tient
à corps redoublés
ardeurs
les petits cris attendus
habillent
le moment dénudé
mordre et se glisser
en lit d'errance
si d'aires ances
et s'en venir inventer
son autre moitié
se trouver
le moment pausé

Marie Mélisou 12 Avril 1998
<< Par les cheveux de l'âme, il la tenait pendant qu'elle agitait en
elle-même de vains projets de résistance, qu'elle se débattait en
vains mouvements, en vains retours, en vains délacements, glissant
malgré elle, glissant déjà presque tout entière suspendue, sans
appui, au-dessus de la fosse du désir partagé. >>
Henri Michaux. 1959

Ciel sans joie
elle dénonçait ses sentiments comme s'ils étaient ardents
incandescentes passions barbares en trajets
intensité de ses yeux
et le faisait entrer dans son monde
bord d'un parapluie en courbes humides
hanté en elle
par la porte de ses pupilles blue black
où des cils brouillaient les comptes
qu'attentif il voulait tenir
incendie lumière de Naples
elle ancrait, muette, qu'il ne l'oublirait jamais
l'amour ne serait pas remis à plus tard
fille sauvage de nuits tremblantes
trottoirs froidement calmes
rien veut être tout, longtemps peut n'être rien
elle regardait son cou trembler
palpiter déglutir gober l'air manquant
lui, petit tas de choses oubliées
le profond de son corps
le divagué de ses carcasses pensées
et se jouaient des lamés soleils que continuaient d'attendre
ses yeux acides dont il la couvait
elle fourrait déjà le prix de son corps
en un endroit sombre nié et sans colère
poche amère trop salée
montait le client vers la rive de minuit
et sa chevelure jusqu'au ciel du haut du lit remous
les regardait s'étreindre
blessés solennels déchiquetés maladroits
intérieurs de larmes vieilles
s'érigeaient les fleuves qui emporteraient
la crasse balafrée
oubli des sursauts, fonds de cauchemars
seuls les saccadés moments déliaient le présent élargi
d'un ciel de grêle où un regard extrème
le sien à elle
avait fait basculer sa vie sans joie
la sienne à lui
Marie Mélisou 12 Avril 1998.

L'escampette
ce matin
l'escampette
en poudre
petit monticule de sables d'évasions
aime
la pluie qui tremble
sur les paroles de mon visage
où songent des sillons
veulent vivre d'autres latitudes
le soleil
garçon qui a mal tourné
interroge
la mer porteuse de ton fer
amour île-limité
mille et un grains d'escampette
où tu attends chaque soir
le lever du soleil
île de la soie
moment gonflé des rondeurs de nos corps
vivront
s'enfuiront
prendront
la poudre des cercles magiques
Marie Mélisou 12 Avril 1998

Pousse hier
journée indéfinie
ou tout l'avant vif s'oublie
ou le rien ici tout de suite
se grave
auréole sur la nappe
fil fragile tissé
j'habite la déroute
pivote autour
du trou des mots désappris
le néant rat trappe
mon adresse s'arrête
la boue sur les étoiles
après l'orage
crépite sur mon sang
le désolé peut être somptueux
Marie Mélisou 15 Avril 1998

Bruit d'amour
festin des jours
ouverture de lumière
autour de toi mon flanc
noueux annaux en aubes mêlées
toujours s'accroît le proche
pépites de miel
choeur couché et oiseau d'or
Chevalier
tu es
un
souffleur de vents chauds
sur une
graminée insurgée
Marie Mélisou avril 98

La marchande de sables
par de grandes vallées des monts déserts arides
et le ciel
d'impétueuses lueurs
sublimes sentiers sans soleil mort
se superposent les grains
tisons de couleurs
qu'elle caresse ardemment du bout de ses doigts
voyageuse solitaire
elle est devenue collines d'épaules jaunes
ses pas en labyrinthes touchent le monde
délicatesse de jours en ailes de papillons
complot tendre de flacons en grains pillés chauffés fondus
sourire cristallin des contenus contenants
quartz silices s'épousent
moments transparents
elle fuit les serpents cracheurs marchands
arracheurs des entrailles de la terre
oiselle pas bruyante
s'envole avec les perles de rives
plumes de rêves
le dos de sa paume prélève le chant vivant
éclats sans amer sans victoire
rivages
avec amour
à force de périr de tomber de s'étendre
elle connaît de près
ce qui couvre le sol des grêves
à force de forces de joies de penchés savoureux
elle connaît
le calme des larges qui vibres
les étoiles fraiches le vénéneux des sourires
le formidable des contes l'inconstance des climats
le brouillé des fumées le murmure du feuillage
et le temps en chute douce à l'heure du sable
ramasser rassembler les réunir
elle capture leur lumière
collecte recueille leur salé
jusqu'aux infimes
coquillages inventeurs d'images songes
en rares miracles elle s'émeut
creux de mains mouillées crissent et ruissellent
loin
aux bouts des bords des fleuves
sur les îles à exister
devant les marées qui se marient
son lit sable s'empreinte des lointains temps
elle glane les horizons délivrés
sans heure ni marchand de ses sables
hémisphère Sud
pures joies galopent vers s'inventer
une autre moitié du monde
alors
l'invisible palpable devient évident
Marie Mélisou Avril 98

Terre de brumes
depuis loin le blanc des carrières
par un géant joueur
est dissiminé sur les collines bleutées
le vert se divertit d'olives
de tendresses peupliers ventés
de coordonnés en éblouissements sur tes yeux
ton allure douce en pierre fixe
regards inscrits sur les vignes
se meut sur les brumes de cette terre
chaque matin
les odeurs du salé reinventé
t'emmenent plus loin plus haut plus nu
voir et aimer
sol riche au mistral désolé
sous tes pieds qui goûtent l'accent
tu connais le ventre de la Provence
et son rivage qui porte les hommes colorés
tous attentifs et indociles
les étouffements de l'été solaire endorment
les êtres la forêt l'eau les pleurs
chaque caillou se nomme désert
chaque fleuve s'interrompt
se suspend l'enflammé
s'oublient les brumes
seule l'unité
du poids de l'huile sur le pain
compte pendant le récit
sur les pales du moulin dans le vent
Marie Mélisou Avril 98

MAI
Entêté désir
à même posés devant une plage sablé de blanc,
à même sur la mare salée de mon corps,
à même la folie qui hurle le rauque
en pensant à ton ombre à côté d'elle,
à même le bout d'un petit matin enfin,
à même l'idée du mouvement de ta peau,
à même le souvenir de ta lune en terre vraie,
de ton oeil amarré à mon sourire,
j'attends que les quatre coins
de cette longue nuit
soient fini
Marie Mélisou Mai 98

Galop ébloui
des chevaux se ruent sur mes rêves
je porte le soleil et aussi le brouillard
les sabots complices
arrondissent le chemin
le saut est si clair
il défie la forêt
qu'aucun homme ne l'avait vu
un souffle indestructible
existe
il sort des naseaux
Marie Mélisou Mai 98

Magie du matin
La lumière
tout doucement,
drap mal géré par la nuit,
lutte avec les volutes de l'azur.
Oiseaux,
vibres leurs mots,
fascinantes trilles
qui dévorent l'épais silence.
Rose orangé,
jets de rayons,
le soleil en fouillis
sera le splendide vainqueur jaune.
Au milieu,
toute petite,
je bois les grains de clarté
du labyrinthe des cicatrices éternelles.
Marie Mélisou Mai 98

Sans clef de songes
l'air en mirador
cette nuit
galeries de pensées sauvages
trou dans la coque
ardente blanche
heure après heure
conter l'histoire
des jours des temps
caresses détruites
ou amplifiées
leurres de la réalité
ou l'heure belle
veilles et lendemains
tous les voyages déformés
sur le sommeil en soleil
au nocturne matin
feux d'artifice
de la lune folle
silence bleu aube et
pensées fauves posées
enfin s'apaiser
le jour aussi se maquille
en petite ville tranquille
en langage clair
pour faire bien dans le tableau
sans cerne
Marie Mélisou Mai 98

Simple comme douce heure
ta douceur contre ma peau
frénétiques mains
en fol orgasme
nous coulons en reflux
surgissons en fux
assaillis de rires
une vague de proche en proche
nous obstinons à repousser
l'arrière saison
savane de nos paroles
de nos regards
nos souffles éveilleurs
comme drapés d'écumes
en vapeurs brûlantes sifflent
nos jardins allumés
Marie Mélisou Mai 98

Briller
lavis limpide
comme eau claire
et l'air
iodé
donne le tournis
libre de vivre
bonheur
vertige du meilleur
désirs à inventer
pour qu'un bateau
toujours plus loin
plus vite
fende le flot
l'étau vie
en légèreté inouïe
construit notre vie
se déroule
le temps le ciel
en langue végétale
la sagesse se déssèche
et en rires doux
nos langues se mêlent
oublieuse des pas sages
se déplient nos naissances
grondement de nos membres
éveil respiré
chaotique écouté
souhaité
un cygne sur un lac
une vallée sur des rochers
des doigts sur des feuilles de fougères
la liberté
s'échappe d'une enveloppe ouverte
et nos corps s'aiment
et nos âmes se trouvent
nos regards rient
nous
nous sommes
Marie Mélisou Mai 98

Un été penché
Ta bouche n'était pas close,
elle écoutait mon avancée
qui, pas à pas, découvrait le bonheur.
Elle souriait aux reflets violets,
au bleu, à l'ocre foncé que nous aimions,
à la hauteur traversée par la lumière,
à ma main dans la tienne.
Ta mémoire savait, la montagne Sainte-Victoire
est une danseuse immobile.
Marcher sur une improbable nuit,
qui jamais ne viendrait, ainsi nous le voulions,
poursuivre le voyage.
Grâce à toi, pourtant,
l'été allait venir.
Un étonnement sans fin d'être arrivés là,
au bout d'un chemin au très loin de nous,
pavé d'une atmosphère si douce
que des carillons d'étoiles en plein jour
dominaient le vallon.
La brume dérivait doucement et
venait chercher refuge,
sillage des oiseaux en vols nombreux,
au bout d'un sommet blanc
où se promenait le vent.
Par Toi,
l'été serait.
Le silence
en bruissement du soir jouait
sur les chants de milliers de cascades.
Après l'orage
elles animaient les prés.
Chaque vallon, peint en rouge en vert,
comme mille folies faisant la fête,
prenait des sentiers en pierres
pour grimper les sommets,
pour suivre plus haut.
Vouloir vivre toutes les clartées.
Avec Toi,
l'été à regarder.
Flacons de sable rouille,
creux de ta main où persistait mes yeux fermés,
la soif de notre simplicité, penchée,
avait stoppé l'absence,
le temps, les lieux, les mémoires.
Seul, perdurait le rêve d'être éveillés vivants
et aussi,
celui du désir tenté.
Des rires cachés dans l'herbe,
en longs intervalles romarin, promenaient
nos ombres flammes penchés.
Penchés sur le bruit de l'eau,
vers le chuchotement ocre des franges de la terre,
jeunes branches d'humeurs gaies,
poudres de lucioles, de grillons, de cigales,
nous avalions la tranquille liberté d'être.
Du ciel, disque solaire couchant,
à l'écho des brins d'herbes, caracole le mistral,
nous retenions notre souffle
pour l'été qui viendra.
Un été penché,
à s'aimer.
Aix, Mai 98
Marie Mélisou

JUIN
Eteint celle
dédale de pensées
amertume en pente douce
s'offre pourtant la lumière
toujours attirée
malgré l'éteincelle absente
éteint celle qui était
étreint ceux qui restent
absence de la messagère printemps
âme élit partie
s'écoule le temps
pourtant
encore tremblent les fragments
frissonnent mes poches crevées
d'où tu es tombée
chaque jour à travers un nuage
tu continues d'expirer
sur un sombre ouragan
où se déchirent nos deux ombres
dédale de pétales
s'émiettent les pivoines
sur mes lèvres une sorte de poivre
en odeur un courage osé
ou insensé
et un désir de pleurer
Marie Mélisou
Juin 98

SEPTEMBRE
Vertige d'eux
cadence souple et parfaite,
goût d'amour sur tes reins décidés
le grain de ta peau en corps conducteur
décrypte les résonnances et les échos
s'imposer l'importance de saisir
l'importance de donner
celle imaginaire de dérouler les histoires
hier soir comme seul demain
sans le téléscopage des absences
vent et herbes mélés
tels nos yeux fous de pénombre
pour saisir l'inventaire vertigineux du monde
Marie Mélisou -Sept 98-

Ment songe
dantesques nuits où les ombres n'existent plus
mur désert
heures grandes et noires
les songes mentaient
tuée par toi
voleur de vie
je n'écope pas mon coeur détaché
il pend
je l'écoute rythmer le vide
plein de tes mensonges
Marie Mélisou - Sept 98-

s'étoffe la voie
les murs vibrent tournoient
s'étoffe la voie
du royaume à maître
souffle long
l'intérieur sait connait les lettres choisies
l'extérieur erre encore, sans corps
s'aperçoit le chemin
son jardin est de papier
sont les échanges d'arômes, pourtant
la mouette en proue
aime
les étincelles de la lampe
en siècles qui rigole ruisselle
se devine le sentier
l'isolement du soir,
de petits moulins incompréhensibles
en odeurs claires de vent
qui occupent leurs têtes de chats en strophes
Marie Mélisou - Sept 98-

L'extrême regard
j'ai besoin de te dire ce que trouvent mes sens
à l'extrémité de mon oeil
une mer intérieure
où courent mes pensées et se souviennent
bout du bout, le frémissement du tant
le temps d'un corps
j'ai besoin de te dire ce que trouvent mes doigts
dans l'ombre qui seule court
immobiles ils inventent
l'inassoupi l'inassouvi d'un temps passé exquis
grains sous paumes qui marchaient
perception aiguë du galop des marées
j'ai besoin de te dire ce que trouvent mes lèvres
celles que frôlent ta cuillère
langue et salive incontrôlées
quand l'antipode du mouvement étreint mon visage
tordu d'une émotion qui se voudrait sourire
mon laid affiché laisse oublier l'intérieur beau
j'ai besoin de te dire ce que trouvent mes pas
n'en sont pas
n'en sont plus depuis cet accident
de mon fauteuil mon regard extrême court
lucarne vagabonde
je m'aventure en vrilles pensées qui frémissent ma vie
extrémitées immobiles
extrème regard vivant
Marie Mélisou -04-98 -

Mémoire bleue
ton sourire et le mien s'éprennent d'un conte
les pages de cet album attendent que tu dormes
si tranquille
mon enfant, tu savoures les mots
pourtant je sens l'eau bleutée
venir habiter mes yeux
ce soir ton jeu, ma lecture, est mémoire
des flammes se posent sur les lignes
veille s'éveille réveille
un prince et des oranges, des couleurs
un cheval blanc, un palais
des vagues déferlent sur mon enfance
l'espace s'ouvre s'agrandit
hier
mon corps portait un nom un voile tendu
là, voyage
la mémoire bleue frôle le rideau
celui passé prit dans le vent
souffle la renaissance
hurle le soleil en quête d'un passage
îlots archipels estuaires
tournent mes sentiments
je retrouve l'azur intime assoupi
mon sourire affiché jongle entre nuit et lumière
je galope sur le pont, relis le néant
relie les années
ce soir j'ai la mémoire bleue
clarté azur sur mes épaules
et pendant ton sommeil
un poignant bonheur me raconte enfant
au chevet de moi.
Marie Mélisou - 04-98 -

Au tour de l'enfant
saveur d'un geste à repousser la haine
douceur fée mi nimbe
je tire mes cheveux les lisse les attache
souvenance de la douceur des tiens
ovale mis à nu
la vérité naît dans le regard
explosion du silence larvé
j'ai débaillonné les vautours sur mon coeur
chaque jour repoussés à loin
des larmes brouillent les traces de tes bras
l'escalier se penche se déforme se mouille
circonvolutions rosées
il me semble t'y revoir
je l'y revois force et ment
trajet éclairé d'étoiles
un midi à minuit et la nuit l'après-midi
et là n'est pas l'important
je ne suis plus sûre du temps
Marie Mélisou -sept 98-

Pastels
tes dessins ont des yeux
à regarder à travers l'eau de là
petits observatoires présents
ils enregistrent mes mouvements lents
mare étang du spleen
lorsque fatiguée de respirer
je voudrais tout suspendre
tes crayons savaient comment danse l'enfer
au-dessus du vide
colorié de vagues estompées
Marie Mélisou - Sept 98-

Temps posé
Embruns, cadeaux du vent.
Chaque gouttelette emprisonne un mot. Restitue une idée.
L'eau. Tu es assis devant, dedans, dessus, peu importe. Tu es aussi
sur la portée de l'air, l'oiseau en vol volatil, le bleu fou dans la
flamme, le hérissé d'une bogue automnal, le pays où tu es né, les
escarpements de tous les jardins éparpillés.
Songes en cet espace nouveau.
Installation.
Je prends possession de mes pensées.
Légères et lumineuses, telles l'endroit, puis sombres et lourdes, telles
je suis.
Les rochers, eux, n'attendent pas le nouveau miracle du printemps.
Je voudrais qu'une digue brise mes souvenirs. Pulvérise tout ce qui n'est
pas bleuté doux, vole le temps qui dévore ma poitrine. Tout le temps.
Ce miroir lisse, entrée du Vieux Port, est changeant, comme toi. Il sait
se rendre inquiétant. Tout comme toi.
Paisible un instant, sur le matin, il s'envole sous le vent, se transforme,
ballet mousseux affolé. Ou affolant. Troupeau croqué à chaque ressac.
La vie.
Le temps ose ce que nous n'entreprenons pas. La hardiesse, un feu s'ouvre
et la terre est rousse. Un feu souffle, l'eau revit en pousses neuves.
Seulement moi. Uniquement toi.
Sur ma peau maintenant, les rayons, au presque goût d'été indien, épousent
chaque gouttelette très fine.
Vite, savourer, vite !
Avant qu'un nouveau nuage ne sépare l'alchimie. Avant qu'une bourrasque ne
rende stérile les uns, faisceaux solaires, et n'assèche les unes, fines
perles salées.
Plus loin, vers d'autres lieux. En pas, ou en pensées.
Partir. Toujours.
Arriver. Encore.
Sur ma vie, les tragédies, goûts amers, s'éprennent de chaque petit bonheur
propre et suicident minutieusement le temps cristal.
Espaliers et promenades dans ce temps, la vie écoute ces moments.
Comme le courant à l'écoute des rives.
Fleuve à la mer m'emporte aussi.
Toi là. Et moi, ici.
Le temps se pose. Ose.
Quelques pas de danse devant le Pharo.
Embruns salés, larmes du fond, mes cadeaux du vent d'ici.
Marie Mélisou -Marseille, Sept 98-

" Le Monde te prend tel que tu te donnes"
Friedrich Nietsche
L'infini ment
Le sommeil éclaire le ciel
froid à s'éteindre
quand à l'ouvre-coeur je travaille ta raison
lorsque à l'ouvre-boite mon coeur tu entailles
Soif du simple
Infiniment tout et batailles
l'infini ment
je carbonise
Un instant
exode des traces du bonheur
ton regard bourreau fige mes flammes
tes serres tuent mon chant libre
Le temps
un coffre rempli de passerelles
ou en rythme balançoire
notre amour étreint tes impressions
Marie Mélisou -Sept 98-

Ment songe
dantesques nuits où les ombres n'existent plus
mur désert
heures grandes et noires
les songes mentaient
tuée par toi
voleur de vie
je n'écope pas mon coeur détaché
il pend
je l'écoute rythmer le vide
plein de tes mensonges
Marie Mélisou - Sept 98-

s'étoffe la voie
les murs vibrent tournoient
s'étoffe la voie
du royaume à maître
souffle long
l'intérieur sait connait les lettres choisies
l'extérieur erre encore, sans corps
s'aperçoit le chemin
son jardin est de papier
sont les échanges d'arômes, pourtant
la mouette en proue
aime
les étincelles de la lampe
en siècles qui rigole ruisselle
se devine le sentier
l'isolement du soir,
de petits moulins incompréhensibles
en odeurs claires de vent
qui occupent leurs têtes de chats en strophes
Marie Mélisou - Sept 98-

Mise en lumière
mouette rieuse en pavillon
havre d'arrivées sans départ
sable doux et jetée du bout
où mes pensées flottent souvent
les vagues y promènent la lumière
elles improvisent l'important
imposent les bruits troublants
vivent les chemins défendus
portent tous nos moments
devant blanches
trois voiles tendues
comme trois vibrations pures
d'un souffle m'emportent
et toi toile pendue
unique virage de proue
Marie Mélisou - Sept 98-

OCTOBBRE
Mon Ange
Mon Ange, dit-elle
elle l'appelle mon Ange
païenne poète
elle est hirondelle, alouette aussi
féminin en quête d'amour
elle voit les frontières s'ouvrir
chaque fois qu'elle lui écrit,
si souvent meurtrie...
"il n'y a pas d'amour heureux"
lui rugit-il d'une encre noire
même si c'est leur amour à tous les deux
pourtant, il semble,
les pays exanguent renaissent
Celui qui n'y croyait pas
revient prier à genoux
Mon Ange, l'attire-t-elle
elle l'appelle Mon Ange
lui, qui reste roi de ses douleurs
ne rêve de défaire qu'une seule chevelure
la sienne
elle qui déroule l'aubrun encore
il s'explique
combien ses yeux profonds
-ils ont fait le tour de la terre-
ont des ailes à trouver son Pérou
Mon Ange, insiste-t-elle
elle l'appelle Mon Ange
Elsa un jour a choisi
tri violet de ses amants
des lilas à la Closerie
Elsa avait élu Louis
Marie Mélisou -Oct 98 -

L'écraser, ou non
nuits d'été
où vains moments habitent l'imaginaire
des insectes stellaires
en accès lumineux
habitent nos jardins
ils redessinent les Immortelles
Belles de nuit
fleurs de pouvoirs
aux bords d'allées
rêves
leurs ailes frémissantes sous regards
poursuivis
bruissements qui rassurent
bordent l'enfance en chemin
quand par une certaine nuit d'été
la danse d'un insecte
s'écrase
au confin de son vol
cesse le chant de l'univers
Marie Mélisou - oct 98 -

Soeur Reine
la pointe acérée de ta plume soleil
grave exorte tatoue
les mots
ceux que tu voudrais inscrire
en moi à l'ancre de feu
mais je ne veux pas
tu ne graves que l'eau
tu n'exortes que le vide
tu ne tatoues que le sable
l'eau cascade
elle rigole en pluie heureuse
le vide crève
il aspire tes empreintes criminelles
et le sable dévaste
d'un grand éclat de vent il efface
le tatouage menteur
encre dériveuse
et me laisse Soeur Reine
riant à la folie
Marie Mélisou - Oct 98 -

A côté
tout est à côté
les maisons leurs volets
et les gens ceux d'hier de toujours
revêtus de collines électrifiées
où j'ai peur de brûler sans vivre
tout est à côté
aussi la rive et ses sables
enveloppés de barrières inaccessibles
cernés de brumes insurmontables
tout est à côté
ma main se tend mais sans avancer
elle repousse au plus loin
chaque fois qu'elle veut saisir
tout est à côté
ma tête enrubannée d'idées sillons
ils creusent démesurément le couchant
et les ombres, pour semer le sombre
tout est à côté
les mots et la danse des phrases
les signes qui ne m'en font aucun
et les lignes allongées en tas
tout est à côté
déjanté décalé déplacé dévidé
même la fille dans le miroir
celle qui me poursuit de mon image
Marie Mélisou - 0ct 98
-Petits oublis
mes digues ont leur cape de neige
eaux prisent dans les glaces
il ne pleut plus depuis mes yeux
pour deux jours encore
en corps si tout va bien
j'oublie les mots des autres
l'écoulement du miel
le charme d'être en marche de moi-même
j'oublie d'avoir détaillé
les grands bonheurs et des jours couleurs
fait naître des enfants
tapé sur des touches noires et blanches
j'oublie de penser d'avancer
de ressentir de prendre de donner
de me pencher de réagir de me retourner
j'oubliais d'être
sauf de me lacérer
mais
je viens de me souvenir
cette histoire n'est pas la mienne
je me force à revenir en moi
ruissellent les pensées sauvages
"en moi, il n'y a que moi"
sourire
odeur du thym
ricaneuse de blessures
alors
un rire sort depuis rien
et il devient TOUT
les cycles soleil et lune
remplacent le mot néant par naître
Marie Mélisou - Oct 98 -
"
(...)
Il est prunelle. Il est soleil et lune.
Son territoire est tracé par les astres.
Qu'un dieu l'efface et naît le mot néant.
(...)"
Extrait d'"Oméga"
"Les châteaux de million d'années"
de Robert Sabatier

Traces d'étoiles
Poussières à scander le vide, les nuits, les vies, en bas, devant, dessous.
Ils récitent des murmures transmis, poignées de mendiants pincés par
le froid, installés depuis longtemps autour de feux mystiques.
Un chien paria vient à hurler sous la plus brillante, lève sa gueule,
insiste de terreur.
Ils s'inquiètent aussitôt sur les signes, les nombres, dates, prévisions
des ancêtres ; et ressortent de prodigieux contes pour ne pas dormir assis.
Fantômes déterrés. Cruauté de vieilles complaintes.
Ils lancent des pierres d'amertumes au faux veilleur.
Un enfant lève le doigt vers l'une, très colorée. Sa joie chante, ses
éclats sont fusée verte, roue sourire.
Depuis le bord des flammes, ceux qui savent encore rire se moquent de
lui à chicots déployés. Dans toutes les légendes, chants sauvages, il est
dit que l'élu serait un guerrier, dur, harassé de pertinences. Et non un
innocent qui suggère du rêve, grêle délire.
Ils lui jettent une couverture et le forcent à regarder le sol.
Une femme, elle danse, les avertie d'une filante. Ses seins opulants
frémissent devant la beauté voutée.
Ils s'en aperçoivent, elle y voit. Une des dernières. Ce peut être
dangereux si elle répandait les mystères de la nuit, l'arrondi du bleu
marine habité de lanternes mouvantes. C'en sera fini de leur règne.
Ils décident de la serrer de près, la proscrire assurément.
Horizons du haut si grands à surveiller, dévotions rigoureuses, yeux
brûlés de nuits creuses. Petit à petit, les veilleurs ont tout oublié
et profanent ce qu'ils gardent, la courbure du monde.
Traces d'étoiles, lumières en chemins.
Marie Mélisou - Oct 98 -

Note
trimballée sur la portée des jours
Note, silencieux morceau au fond de tiroir,
joue dans le noir son air préféré
air sans bonne heure
Note, muette qui des lignes
celle d'en haut celle d'en bas ou à cheval,
hésite sans jamais décider d'un si ou d'un là
elle doit s'installer
plaire au musicien voilà qui lui conviendrait
Note voudrait possèder la clé
aussi
et se laisser jouer sur le grand orchestre Vie
Marie Mélisou - Oct 98 -

Racines de silice
nos corps résidences s'emportent
sur la frontière horizon
la mer se complice de nos sillages
invente le sable
racines de silice
soleils aquatiques
passent des portes ouvertes
où des bouquets de gouttes d'eau
sont noyau et ressemblance de la vie
amères tempes cavalières
bouches volubiles
ronde des grains
se creusent de mains douces
ne restent
à chacune des fois
seulement
les racines de silice
Sur un poème original de E.M.
Marie Mélisou - Oct 98 -

Les tours du silence
craque sous les pieds
ils la foulent
fragilité de porcelaine
tire sur l'instable équilibre
seule à seul
seuil du sommeil scellé
reçoit l'étendue du sombre
se vautrer de pleurs
cruauté unique d'un cil sur une joue
porte le vernis du lent
patine ratée de l'herbe sauvage
langue rase en lande morte
arrondit l'échine
ne rien pouvoir d'autre
devant les tours du silence
et se trace au sel
Marie Mélisou - Oct 98

-Aux rochers
mains à genoux partage de ce sol
mer et rochers
la lumière déchaîne la sanguine fâchée
traces aux couleurs effilochées
pelote de vent
et la mer de profil voit nos corps en île
île à clé entre deux rochers
un dernier été
Marie Mélisou -Oct 98 -

sang titre
les vagues veulent s'élancer
hors de la mer en bocal
gouttes mouillées au-delà de l'échec
signature de l'eau
le ciel et ses signes rauques
sang leçon de silence
histoire peau cible
je voudrais échapper au doute
mon coeur à genoux aussi
faire vivante
passage entaille
seul le bord du monde existe
je m'y assoie
pour attendre
Marie Mélisou - Oct 98 -

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