je voudrais retourner à la maison
mais la maison c'est ici
ab absurbo un toit sur eux
comme petite maintenant je suis grande
le temps s'écoule et détravaille
pour me contenir
différente mais jamais je ne me comprends
je les sens me toucher du doigt
la différence les choix
je m'oublie déjà
repliée pelotonnée ramassée
je voudrais rentrer à la maison
mais la maison c'est moi
Marie Mélisou oct 1999
<< Je voudrais que vous me connussiez mieux, que vous
voyez qu'il n'y a dans ma conduite envers vous ni
rouerie, ni orgueil affecté, et que vous ne me
fassiez pas plus grand ni plus petit que je ne
suis. >>
A. de Musset
Poudre d'écriture
au pied du moment
ce matin je reviens de si loin
une brutale cage sur un appétit d'ogre
la foudre jusqu'au dénuement
sans envie
je me remets à bousculer le grouillant
quoi qu'il en soit il chatoie
en joie elle va devenir sereine
transmuter l'insatiable
je chasse l'austère pâleur d'un maquillage
à temps affecté
je circule le monde bariolé
sur des pensées impossibles à étiqueter
Marie Mélisou oct 1999
<< La seule passion qu'elle n'eût jamais travaillé à
éteindre dans son coeur, c'était l'amour maternel.
Cette plaie-là, bien que fermée en apparence, était
toujours saignante comme l'amour inassouvi. >>
G. Sand
Sarabande de l'araignée
jusqu'aux genoux aujourd'hui
comme une violence feutrée de mille flocons
la neige
blancheur étincelante trompeuse
dans le froid j'avance
et soupire à l'ahurissant mélange
des briques brûlantes embleuies de lavande
une toile à tenir chaud
sur le bruit de la neige
le temps court de rire
vers un vent trop sensible
qui ne se croise dans aucune glace
Marie Mélisou oct 1999
<< (...) Songez qu'on n'arrête jamais de se battre et qu'avoir
vaincu n'est trois fois rien
(...) A vous de dire ce que je vois >>
Aragon
L'inique
habitée d'un froid inlandsis
comme un mastiff à la morgue rogue
je suis roide tueuse rosse
au coeur de la ronceraie
parfois
pourquoi parce que
je vous laisse voir un ronde bosse
surface traboule un fil sans ciel
négation de moi-même malgré moi
pourquoi parce que
du revers
arrière-main au geste qui rassemblent
à l'avers les mondes séparés
l'iniquité ne me sied pas
je l'ai endossée par hasard d'innéité
pourquoi parce que
et tout le toutim...
Marie Mélisou oct 1999
<< (...)couturé de mille cicatrices mais infiniment fier d'avoir
vécu selon ma légende. >>
Erik Orsenna
<< Pas moi. >>
M.
Plage blanche
une musique logogriphe rature le moment douceur
flux et reflux de la mer dans mon crâne
grain de ta peau plage en face
des images passent l'ailleurs sur cet instant
où es-tu ?
difficulté d'être
au présent aussi
brisées plus souvent sur les mémoires à vif
nos lignes de vies s'y croisent
au miracle de l'indicible
tu brandis bimane ce soir l'insignifiance du mal
billevesées d'images dégringolent à déceler
les parfums légers
aux passerelles d'ailes
chaos jusqu'à l'épuisement
sur tranche violine
un ciel vert
voyage
Marie Mélisou Nov 1999
Ligoter l'ensemble
de tous les points possibles
le froid s'enfonce partout
sans ligne de perspective
de fleur redevenir bouton
la moquerie de moi légère
folle de mesures
je glisse à peser longe à m'étendre
soutiens et m'oblige à dormir
momentanément je connais les fuites
s'embrouille dans ma tête
pauvres pensées déchiquetées
le tanné le tangible le tapage
créature délicate
l'Être humain se porte en bandoulière
comme une lumière fragile
tombée d'un coin de verrière
Marie Mélisou Nov 1999
Eole
un jardin a germé
aux fleurs à ne pas oublier
érosion éolienne
où j'arrange le garder
sous des grains qui s'enfuient
et glissent depuis mes mains à vivre
du temps
il fonce en mots enfonce la vitesse
repousse Eole qui me piétine
seule
à réfléchir plus tard
la vie dirait-on
une histoire qui finit mal
Marie Mélisou Nov 1999
Collection d'âmes et d'ailes
Te parler d'un ailleurs où trouver cette montagne, muscle de
tendresse perdu à la crevasse, tes mains à naviguer subliment
le vélin des danses.
Ils remontent, théâtraux.
Tu désires leurs pierres grises, ronds à s'accrocher aux fabuleux
hymnes d'un monde épris d'épines. Vaisseaux. A l'heure mauve ils
évoluent en circonvolutions sur l'absence de nos mémoires.
Noueux, graciles, aux algues.
L'eau préhensile, réinventée, en diadème d'amour sans fards,
regarde l'instant de la dernière fête éclatée dans ta tête. Tu
rêves à ces troupeaux d'étincelles. A ces anges, à qui tu dis
ailes.
Ils volent, hippocampes.
Marie Mélisou Nov 1999
Au fil à plume
amas de sommeil
nous perdons un jour le trouble des eaux
seule la lumière s'y déchaîne
voyelles de chuchotis
pareil à des phares
je remue les lèvres laboure les mots
sur une steppe c¦ur lentement
brume de l'insondable tendresse
j'écris les bruits
je me permets d'aimer
à la porte interdite
le plomb des flèches qui battent
chaleur au fil à plume
le blanc des pages les yeux à faire mal
caresses par moi-même tissées
Marie Mélisou Nov 1999
<< De tous ses yeux la créature voit
"l'Ouvert". Nos yeux seuls sont comme
inversés et tout à fait placés autour d'elle
ainsi que des pièges, disposés en cercle autour de sa libre issue. >>
Rainer Maria Rilke - La huitième élégie -
Papier visage
il me souvient des mobiles à toutes vies
le souffle étranglé des mouettes
voix mortes
lorsqu'à la recherche d'un refuge
je hurlais par-dessus les toits
la peur la mer
m'y perdais en cercles à m'effacer
en pelotes d'épingles
innervée piquée dépecée
parvenue plus loin que cette confiance
j'accomplis une naissance la plus simple
je m'enfuie à l'approche d'homme
corne bec crocs autre versant de montagne
la lumière y tousse gravement
aux poitrines étrangères et uniques
l'eau en grande nuit sur mes traits
retrouve les papiers visage à jeter au vent
Marie Mélisou Nov 1999
Rideau de vie
j'attends une vie
plutôt la vie
toute la poudre des buvards chante
fonce de crainte de plaisir
demain dans ton sillage minuscule
attentive derrière le rideau
la vallée du monde trônera
mes jambes ouvertes en fleur
je dirai les trésors les gestes
tout ce qui est désormais sauvé
demain émotion considérable
à boire mon lait
tu brûleras enfin dans mes yeux
A Myriam,
Marie Mélisou 15 Nov 1999
<< (...) Je suis un des rouages les plus délicat de l'amour terreste
Et l'amour terreste cache les autres amours
A la façon des signes qui me cachent l'esprit
Un coup de couteau perdu siffle à l'oreille du promeneur
J'ai défait le ciel comme un lit merveilleux (...) >>
Clair de terre - André Breton
Bâton de pluie
quelques notes
s'effeuillent à regagner nos intérieurs
le temps frangé regarde aujourd'hui
tu écris tous les jours sur l'émeraude
à laquelle je peux donner naissance
moi qui craque le dissoudre comme je brise
le pain pensive je ne puis comprendre
je ne trace aucun signe ni cercles mystérieux
je prends de grandes lignes ignore les fermoirs
ceux à bijou désespoir
simplement ignorante de l'ombre des rosiers
je cachette la lumière à tenir dans la main
cela n'empêche rien
jeunesse nécessaire en griffe printemps
le ventre vertical je souffre petitement
d'être criblée de neige
domptée sauvagement à l'armure blanche
coup de bâton délicat
la pluie lorsque je passe devant
chante les quatre murs le désespoir
les plumes et les caprices d'un fleuve
Marie Mélisou Nov 1999
A bout doré
je l'ai perdu
sur le matin en anciens caducs
la permission d'oublier
pas à pas du plus léger son
nostalgie d'une ancienne peine
fumeux bol se vide de l'ancrage
je l'ai perdu
sur l'épine d'un cri en étendard
le luire et l'empourprer
tous les édifices en furie
leurs secrets sans preuves
serres de l'effort de la lumière
je l'ai perdu
sur les pécheurs de trésors
les expressions à vaciller
l'habituel des objets
douceur petites rondes d'ondes
pourtant l'implore aux lèvres à le boire
je l'ai perdu
encore encore
promenade mains l'une de l'autre
faire reculer ce ciel
à bout doré
je l'ai perdu
et quelquefois je garde le délicieux
je l'ai perdu
mais le possède tout entier
le temps
Marie Mélisou Nov 1999
<< Le temps est celui que les couleurs ont mis pour "passer". >>
Francis Ponge - La rage de l'expression -
Vu
je te vois me regarder
une rose vive fichée sur novembre
le froid invente une mise en marche
elle brille comme du bronze
tu luis un peu de fièvre
laborieusement tu déchiffres les provinces
qui observent la rigueur de l'écoute à peines
l'absence absurde qui approche le persuader
tu piques du nez sur les rives
en déchirants feuillages
les yeux brûlés par la lumière
tu éprouves l'invisible par force de politesse
Marie Mélisou Nov 1999
<< (...)
Gagne la plaine et gagne la mer
Ecume roule et s'use
Sur le sable le sel et le corail
J'entrerai dans tes vagues
A la suite du fleuve épuisé
Gare à tes flottes !
Gare à tes coraux, à ton sable, à ton sel à tes festins
Sorti des murailles à mots de passe (...) >>
Robert Desnos - Art poétique -
Mot de passe
s'ouvre
un rendu pour un prêté un premier mot
rêve étendu sur sa natte
l'infusion des brindilles de thé vert
s'ouvrent
les hautes collines de ceux qui envient
les constances aux nombres de fois
les serments sur un bord de souffle
poignées de mains à se frotter les yeux
des assiettes martèlent à la porte
un peu de pluie
des tripes jusqu'à l'acuité mauve gorgée
à s'installer tout à fait
le premier pas de la pauvreté fait peur
superbe chemin coupé où l'on retourne ce qui
retient la ville
déguisement rieur atteint au c¦ur
l'impression tenace
si mauvaise pour les nerfs
que derrière la musique
un mot de passe observe l'impérieuse piste
d'envols
Marie Mélisou Nov 1999
Reste de poudre
une herbe folle à pas de géant
je m'endors sur mon chagrin
il est mort le destin ensablé
sur le bois des pins
grand dessein
sur les dents aiguës cent pas de la sentinelle
on se déchausse aux fraîches dates
je respire les revers
fleurs de cicatrices bois les cellules
en couleurs vous êtes
attentifs intenses déployés
un fil de fer à grands cris écharpe
les robes sans bornes aux entrées de peines perdues
il faut veiller au miroir naufrage fracas
charme d'un reste de poudre
les échanges mystérieux
ont des pousses de reflets à grandir
Marie Mélisou nov 1999
Tendresse
blanche oubliée égarée
sans chemin je l'écoute murmurer le désir
de se toucher de s'aimer en fêtes
à changer le monde commandé déraciné exilé
détours par le mien si petit
je pleure d'être là joie du tout de suite
les héros sont hors des pages de l'Histoire
ils naviguent dit-il sous deux spots bleus
en mirage la vie ils bourdonnent et volent
liqueur de bonheur dans le noir
au-dessus du simple chanteur
l'innocence renouvelée de l'enclume
son corps frissonne en géant
feu de tendresse il hurle sa douceur
je lui crie les brûlures du ventre
message tendresse aux reins solides
comme un croc à côté pour ancrer la vérité
il gémit le vivre le caressant
ivresse du sel qui délivre
les hommes à jeter du septième étage
Marie Mélisou Nov 1999
Odé
désordre
vous vous êtes réveillé
j'ai eu l'impression que vous ne saviez
pourquoi vous vous attardiez ici
-odé
ce n'est qu'une sensation
il ne s'est rien passé alors
vous m'avez consolé contre une poitrine
entièrement détachée
absorption
je n'ai jamais su doser
les overdoses viennent de nulle part
néanmoins elles peuvent entraîner la mort
et vous assassiner
odé
- officiellement recommandé surdose -
funambulesque pesée du temps
un jour entièrement blanc
Marie Mélisou nov 1999
Pas feutrés
ils déambulent éclaircissent l'air
pointent les ronces
du temps écervelé
la terre brune ton oreille
touchent aux folies
aux vagues aux raisons
nous décidons la lumière
pied à terre
frappés de lever nos yeux à volets
rumeurs de leurs lots en délires vastes
noircis de flammes décidées
quand le froid redouble
à fleurs de soupirs rauques
bourrasque d'attelages
ils offrent le coulant vers la mer
quittent de départs à partir en vérités
les poètes à bercails paissent en haut terroir
sur nos têtes quittées de miracles
chaque fois nous vivons
le feu la poitrine enlacés
chantons s'en allons en derniers jours
nous plagions leur beauté
Marie Mélisou 21 Nov 1999
Je ne changerais
je ne changerais quand
l'homme qui vient de l'ornière en déroute
nu de fumier sur le froid
viole le chemin au soleil
je ne changerais pas
même pas
ma capacité de rancune
comme à vingt ans
on peut hurler sa haine immense
si le sang effleure le labeur amertume
je crache des trésors qui ne sont plus
pour convaincre le ciel des légendes
à savoir entendre
pleure dans le silence mon passé suppliant
le passé fréquente des braises
frappe au heurtoir à faire pitié
les quatre mains du diable
l'air que j'engourdis à disparaître
frotte le changer d'être diaphane
jusqu'à poussière
j'ai mal d'un indéfinissable mal
tout ça la vie la terre les enfants que j'aime
se suivent deux par deux
et les silences
je ne changerais pas un mot
Marie Mélisou 21 Nov 1999
Basses cimes
une rue étroite de flocons
en bordure d'un monde inconnu
des yeux levés qui sourient
au ciel offert de plumetis
entre deux poubelles
un croche-pied pleure une main bâillonne
un tarabiscot creuse une caverne
le froid le froid et les brûlures
tombe d'un flanc sale brouillard
une odeur qui pige le grossier
devine l'abominable à comment rester vivante
tais le bruit de la neige
la tête dans la boue répugnance
haïs les lèvres pesantes
en bonds successifs éloigne le blottir
singulière démise animale tu apprends
le fond a une certaine hauteur
tapit de cimes négligeantes
Marie Mélisou Nov 1999
" fa fred pels estels
pels estels fa fred
tu em mires sempre sense saber que
jo també et miro amb els meus ulls tan
cecs "
" Il fait froid à hauteur des étoiles,
à hauteur des étoiles, il fait froid ;
tu me regardes toujours sans savoir que
moi aussi je te regarde de tous mes yeux
aveuglés "
Lluis Llach - Al teatre - Au théâtre -
Animale tendresse
Tout au contraire de rassérénée, déjà, un moiré de temps réduit à une
résille de fugues fondues, je tentais de savoir ce qu'il émerveilla
dès notre première rencontre.
Sa voix.
Sa voix caressante, néanmoins puissante, au-delà des traductions en
mots, était une des voies. Dit ainsi, cela paraît peu. Pourtant... Car
en
plus de découvrir son existence, et n'est égal que ce l'on méconnaît,
j'étais jeune donc peu malléable comme gouverne en nous avec dureté
cet âge qui connaît tout déjà.
Notre première rencontre se produisit un après-midi autour d'un verre de
thé. Davantage qu'étonnée, je fus renversée. Je le reçus dans mon c¦ur.
Je le reçus fort.
J'étais assise en tailleur. Lui devait descendre les Remblas. En fait il
était traqué, chassé, exilé, je l'appris plus tard. De son c¦ur
dépassait
un drapeau liberté, je l'ignorais alors.
Devant ces gares entrebâillées sur la vie à grandir avant de vieillir,
j'entendis la voix de son ventre avec le mien. Douce, grave, enjôleuse,
triste, virile et féminine à la fois. Elle hérissait mon bagage silence.
Rendait sensible jusqu'à de grandes espérances les arrachées de lieux.
Je crus voir le monde s'interrompre autour du pain rompu. Toutes les
orées devaient être atteintes. Le sens des aiguilles trouvées. La faim
du Grand Mystère un apaisement pour chaque vallée de corps. Le gel
pouvait se mêler à la fièvre. Les identités devenir des réalités
immédiates. Et des réponses étendues, quelques hommes allaient enfin
trouver
les raisons de leurs haines, ils se détestaient eux-mêmes.
Moi, je sus qu'il était arrivé plus loin que Loin.
Je ne pourrais jamais y aller. Ne serait-ce qu'une infime parcelle de
son
trajet m'aurait pourtant apaisée.
tendresse du très haut pouvoir d'amour
loin aller en cortège
d'exilés où déferlent les vagues
porter les frémissements à rêver
la vie
une femme passe entend celui qui chante
et à fleuves parallèles
s'engouffrent les vents de grands partages
Sa voix.
Sa voix était une joie. Une joie animale. Venue du plus loin d'où peut
provenir une voix résonnante à goût d'écho. De la nuit des temps.
Comprise
même si pas apprise. Unique, discernée, élue, sans frontière. De la nuit
des hommes, qui chantent tristement car ils ne peuvent oublier les deux
bouts du cordon ombilical vie, naître et mourir. De la nuit tendresse,
paroles à aimer l'affectueux en attitude affichée. Brandie.
La voix, sa voix, sur la face B d'un vinyle, en hallucinations vérités,
flânait en moi avec splendeur. Elle, enfin il, qu'importe que ce fut
l'homme
ou sa voix - n'était-ce pas le même martèlement ? - congédia un temps
nourrisson. M'offrit de devenir femme. Grandit l'envie de mordre. De
déchiffrer la fumée des âtres. De décider mes pas sur la saveur des
fruits.
V¦ux de ni flageoler ni faillir.
Dans ma tête il descendait les Remblas. Encore. Cheminait de guitare à
piano, en passant par Bergès.
Ici ou là, je buvais du thé, assise en tailleur.
La vie.
Puis, encore nous partageâmes. Au c¦ur d'un vieil atelier en bois où je
travaillais la laine, nous voyageâmes longtemps. Lui et moi. Lui en moi.
Chaleur et vie contre mes oreilles. Sans jamais mourir de mensonges,
nous
demandâmes ensemble pour qui la roue du temps tourne. Les coudées
franches
éblouies se ravissaient par ch¦ur de la force du vent des âmes seules.
Il me
murmurait qu'elle tourne pendant que nous continuons de demander la même
réponse à une même étoile.
Sa Canço d'amor a la libertad, en belles majuscules, contait les
roulements
de cailloux éclatés et éclatants dans son pays de chaleur, les enfants
catalans empoussiérés, les routes d'ombres en feuilles de métal
repoussé,
martelées d'avancées. Chaque fois qu'il vint vers jusqu'où je me
trouvais,
Venim del Nord venim del Sud, j'allai jusqu'à lui. Nos yeux mutuellement
aveuglés pouvaient communier. Il n'en savait rien. il n'en sait rien. Il
n'en saura rien. L'important est qu'il a fait froid un jour, puis chaud
ensuite.
Vêtu de noir, tout contre son piano, il caressait les touches. Et mon
attention. Il m'apprit, en partie je crois, le détail. À m'émerveiller
de la
disposition des choses, surtout lorsque l'homme flâne en ondulations
tachées
d'alangui. Il fit aussi renaître certains jours de l'enfance. Les places
fermées inondées des giboulées de soleil. Celles entourées de hautes
bâtisses qui s'ocrent de jalousies pudiquement baissées. S'y échappe la
Méditerranée.
" Je voudrais te laisser une fenêtre avec une persienne à lever... "
**
Lorsqu'il chuchote, je suis heureuse. S'il crie, de douleur, de rage,
tout
hurle en moi d'identiques révoltes. Rugueux de velours, ses mots sans
parcimonie sur les bancs d'événements, de grappes de soirées, défrichent
ses
concerts. Offrent l'ouverture des chemins.
Sa voix. Sa voix compose la musique à lâcher les heures. À ébranler les
issues de ma vie.
Je tends des traductions émotions sur mes jours colorés par son langage
deviné. Pour aller mieux, même sans guérir, je sollicite tout ce qu'il a
à dire. À me dire. Il reste veilleuse allumée malgré le vent du temps.
Automne blanc calfeutré. Porteur d'ombres simples toutefois luxueuses.
La tristesse de l'arbre nu, avec son chagrin. Le sourire jaillit sur le
grave qui pleure.
Je tente ici de comprendre pourquoi depuis une longue année je ne
l'avais
pas écouté. Pourtant le nomadisme, dit-on, rend plus sensible.
Peut-être, hier encore, n'était pas venu le temps de chavirer.
Peut-être, volontairement, je bridais cette joie animale.
J'ai réparé ce manque à l'usage de mon monde. Partage de nos simples
palais,
petits pays si petits. Comme je le reçus fort alors, j'ai de nouveau
épelé sa
douceur. L, l, u, i, s. Chatoyante, elle a bien voulu se poser, habiter
mes pièces. Et ouvrir les fenêtres sur l'essentiel.
Marie Mélisou juin - août - novembre 1999
__________________________________
À Lluis Llach, que j'aime depuis quatre lustres.
À l'ami qui, hier soir, durant le concert, tenait ma vie debout.
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