UNE NOUVELLE DE VIOLETTE.
 

Un dimanche, en relevant ma boîte, une surprise m'attendait. Une collégienne était allée sur l'Atoll, et m'avait envoyé une nouvelle avec cette simple phrase si juste, en guise de message : "Le plaisir d'écrire, la joie d'être lue".   Après lui avoir demandé son accord, j'ai souhaité faire partager cette joie aux visiteurs de l'Atoll.   Si vous avez aimé cette nouvelle, dites le lui !   Et pourquoi ne pas illustrer cette nouvelle ou lui imaginer une autre fin, ou l'écrire autrement ? Si vous êtes partants, envoyez moi vos idées!   Je cherche aussi d'autres textes personnels de jeunes.Pas des textes de classes, des textes personnels. Si vous voulez qu'ils paraissent sur l'Atoll, envoyez les moi.
PRADARELLI
Violette
4°2
                                        Devoir n°24
                                        Le récit
 
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Sujet : Dans le village, une postière indiscrète ouvre tous les courriers.
Excédé, le comte du village décide devant huissier de lui tendre un piège:
la lettre qu'il envoie à l'un de ses amis est sensée contenir une puce
qu'il ne mettra jamais à l'intérieur. 
        Comment va réagir la postière face à cette embûche  ?
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  Vingt-troisième, c'était la vingt-troisième qu'elle ouvrait, et elle
adorait ça. Dissimulée derrière son guichet de peur qu'on lui secoua les
puces, elle décollait délicatement le cachet de cire rouge, dépliait
soigneusement la lettre, ajustait ses lunettes sur son nez et commençait sa
lecture délictueuse. 
   Emilie Dupont, approchait les 50 ans, employée depuis 
36 ans à la poste de la ville, rêvait de changer de vie. Elle avait
toujours voulu vivre de grandes aventures, de partir loin, de ne plus
revenir, pour oublier sa morne existence. Les lettres qui s'amassaient de
jour en jour sur son bureau, venaient des quatre coins de la France, en les
lisant, elle rêvait, elle voyageait, elle survolait les Alpes, se trempait
le bout des orteils dans la Méditerranée, cueillait des pommes en Normandie
... Et de toutes manière, personne ne lui écrivait jamais, alors
qu'il fallait bien, quand même, qu'elle ressente ce sentiment de curiosité,
mêlé d'interrogation, celui qu'on éprouve avant d'ouvrir une lettre en ne
sachant encore quels secrets elle cache. Et en plus, elle était au courant,
plus que n'importe qui, de ce qui se passait dans le village !
                                            *
 La lettre qu'elle avait devant les yeux, l'étonna beaucoup ; le comte, en
personne, charmant homme, parlait d'elle ! Mais, malheureusement, pas en
bien : il avait découvert sa supercherie. Mais il n'avait aucune preuve, 
ilne pouvait rien contre elle ! Elle relut la lettre, elle avait le 
sentimentque quelque chose manquait. Elle relut encore la lettre, mais oui,
bien sûr, il manquait cette horrible bestiole : la Puce !
  "Et alors ? que cet insecte y soit ou pas, le destinataire croira qu'il
s'est échappé pendant le trajet". Elle relut pour la dernière fois cette
lettre bizarre et là, cette quatrième lecture lui mit la puce à l'oreille 
on voulait lui tendre un piège ! Prouver qu'elle avait ouvert cette satanée
lettre ! 
" Nom d'un p'tit canard, on croit qu'on peut avoir comme ça Emilie Dupont !
Celui qui m'attrapera n'est pas encore né ! J'm'en vais la retrouver, moi,
cette puce ! " s'exclama t'elle.
  Sur ces mots, elle regarda désespérément sur son bureau où régnait un
désordre inexorable. Des dizaines de paquets d'enveloppes s'étalaient au
milieu de déchets alimentaires, de mouchoirs sales. Minutieusement, elle
souleva quelques lettres et ne trouvant pas la puce, en déduit, qu'elle
n'était pas sur son bureau. Alors, elle ouvrit le deuxième tiroir, d'où
elle sortit une loupe. 
  Elle se leva de sa chaise, de ses grands yeux globuleux, elle regarda 
tout autour d'elle. De l'autre côté du guichet,deux, trois personnes 
entraient et sortaient après avoir déposé dans la boite à lettres de la 
lecture pour le lendemain. Parfois, on lui disait bonjour, mais la plupart
du temps, les gens passaient en l'évitant du regard. 
  L'arrière-boutique n'était éclairée qu'à la faible lumière d'une
lampe à pétrole qui était sur sa fin. Elle apercevait vaguement des sacs
bruns remplis de lettres qui n'attendaient plus qu'à être portés à
destination. En bref, il était impossible de retrouver ici, un animal qui
bouge, d'un demi-millimètre. Elle prit son manteau, enfourna la loupe dans
une de ses poches et quitta son bureau.
 
                                        *
           Emilie Dupont mesurait environ 1 mètre 60, elle était courbée, 
     bedonnante et peu élégante ; elle portait de longues jupes froissées de 
     couleurs vives surmontées d'un corset noir. Elle avait des cheveux 
     grisonnants, coiffés en chignon de chaise dépaillée, le teint très pâle 
     avec des pommettes rosées, une toute petite bouche, mais avec une langue 
     bien pendue, un nez pincé, de vieux yeux cachés derrière de petites 
     lunettes. Emilie Dupont était une vieille fille et racontait qu'elle avait
     beaucoup de prétendants mais qu'elle avait voué son corps à Dieu.
 
                                              *
 
   Elle mit la pancarte " fermé " sur sa porte, empoigna la poignée, 
sortit et verouilla. Ce jour là, le soleil était caché derrière d'épais 
nuages gris. La rue était vide. Emilie, perplexe, regarda à droite, 
puis à gauche." Où trouver une puce ? " Ne sachant où aller, elle tourna 
à gauche, en direction du marché. Une foule indénombrable s'agitait autour
des étals des commerçants. Elle se faufila entre les gens, en avançant 
au milieu de nulle part. Jusqu'au moment où, un troubadour annonçait 
son spectacle de chiens savants. 
   Emilie s'empressa de le rejoindre et l'interpella :
" Monsieur, s'il vous-plait, approchez !
 - Bonjour.
 - Bonjour, je fais partie d'une association pour la défense des animaux.
Alors, je me vois dans l'obligation d'examiner vos chiens.
- Mais mes chiens sont en très bonne santé ! 
- Tttttt, on ne sait pas, ils ont peut être des puces !
- Bon, et bien, si vous voulez, mais vous perdez votre temps, ce ne...
- Allez, trève de commentaires, montrez moi vos chiens.
- Mais...
- Allez ! "
    Le dresseur prit son premier chien et le donna à Emilie. Elle le tâta et
décréta qu'il était bien dur. Elle sortit sa loupe et l'examina, pas
l'ombre d'une puce. Mais ce chien lui paraissait anormal. Enfin elle
s'adressa au propriétaire :
" Mais, pourquoi ce chien ne bouge t'il pas ?
 - Parcequ'il faut appuyer sur le bouton, ce sont de FAUX chiens ! "
  Emilie, honteuse, bredouilla quelques mots d'excuses, et ne sachant 
plus ou se mettre, elle s'enfuit.
 
                                         *
 
   Des gouttes de pluie se mirent à tomber sur le sol. Fatiguée de 
sa course, Emilie s'assit sur le rebord d'un trottoir, mit sa tête dans 
ses mains et réfléchit. Quand soudain, un petit garçon en ciré jaune, 
vint lui parler :
" Madame, qu'est-ce que vous avez ?
- Mademoiselle, je ne suis pas mariée. Et toi, ma petite puce qu'est-ce 
quetu fais sous la  pluie ?
- Je joue avec mon bateau. Mais vous devriez vous mettre à l'abri et comme
ça je pourrai jouer dans le caniveau.
- Au revoir mon petit ! "
   Suivant les conseils de l'enfant, Emilie se glissa à l'abri dans une
petite ruelle. Il n'y faisait pas bon vivre, la rue était sale et 
nauséabonde. Derrière de vieux sacs, un chien abandonné essayait de trouver quelque
chose à se mettre sous la dent. Emilie s'exclama :" Beurk, quel sac à puces ! Sac à puces ? ? ? ? oui !!  Il doit bien avoir
au moins une puce ! "
   A cette réflexion, elle se dirigea lentement vers le chien, qui, en
l'apercevant, se recula d'un pas. Alors, elle bondit pour l'attraper et
elle se retrouva au milieu de détritus, il y avait de tout, sauf le chien,
qui s'était esquivé à temps. Elle regarda tout autour d'elle, et par
chance, le chien n'était pas parti. 
   Il ne lui restait plus qu'à trouver une technique pour l'amadouer. 
Elle se releva, et, pensive, regarda droit devant elle et vit qu'au bout 
de la ruelle, il y  avait une boucherie. 
   Sans réfléchir, elle s'y précipita. Arrivée devant la vitrine, elle se
décida à acheter une saucisse. Elle entra bruyamment et essoufflée dans le
magasin. Tous les regards se tournèrent vers elle, elle se regarda, elle
était trempée, sentait le chien, les vêtements sales, la robe déchirée et
avait des épluchures de patates dans le corset ! Gênée, elle bredouilla
qu'elle venait de tomber dans une poubelle et qu'elle désirait une
saucisse. Le boucher la lui enroula dans du papier et l'échangea contre 5
F. 
   Emilie retourna dans la ruelle, où le chien cherchait encore désespérément
à manger et elle attacha la saucisse à un vieux bout de ficelle qui
traînait. Elle prit un grand sac, en vida le contenu, se cacha derrière un
monceau de détritus, lança la saucisse vers le chien et agita la ficelle.
Le chien s'approcha de la saucisse et quand il voulu l'attraper, Emilie
tira la viande vers elle, et ainsi de suite, jusqu'à ce que le chien soit à
sa portée. Quand il arriva devant elle, elle brandit le sac et l'engouffra
dedans. Elle le regarda attentivement : des puces lui couraient sur le dos
! Elle prit un bocal, le mis sur le dos de la bête, et quand elle vit un
petit truc noir sauter dans le récipient, elle glissa le bouchon dessous,
et enfermait la puce. Elle essaya plusieurs fois en vain, quand enfin à la
huitième reprise, elle réussit à attraper une puce. Sur cette victoire,
elle relâcha le chien en lui offrant en guise de récompense, la saucisse si
convoitée. Elle prit son bocal avec précaution et rentra à la poste.
 
                                        *
 
  Une fois rentrée, elle déposa le bocal sur le bureau et son manteau par
dessus, par méfiance des regards indiscrets. Elle s'assit et retrouva la
lettre qu'elle inséra dans l'enveloppe. Elle prit la pince à épiler dans
son sac et se mit au travail : délicatement, à l'aide de la pince, elle
déboucha le bocal, attrapa la minuscule bestiole et la glissa dans
l'enveloppe qu'elle referma aussitôt. Son travail achevé, elle regarda le
produit de ses efforts, elle ne s'était pas lavée les mains et des
empreintes boueuses s'étalaient sur l'enveloppe. 
  Elle sortit rapidement de sa poche un mouchoir, qu'elle humecta, 
et passa sur les traces. Le résultat était pire qu'avant, mais maintenant 
de toute manière, elle ne pouvait plus rien n'y faire !
  Exténuée, mais fière d'elle, elle s'étendit sur son siège, prit une grande
respiration, et se murmura en elle même :
" Ca, c'est sûr, on n'attrape pas comme ça Mademoiselle Emilie Dupont. Nom
d'une puce ! "     
 
 
    Par Violette Pradarelli

UN AUTRE TEXTE DE VIOLETTE SUR L'ATOLL : UN CONTE DE NOËL  
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